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EAN : 9782234090095
448 pages
Stock (09/03/2022)
  Existe en édition audio
3.36/5   128 notes
Résumé :
Au cœur de l’hiver 1972, une barque brave la mer déchaînée pour rejoindre le phare du Maiden Rock, à plusieurs milles de la côte de Cornouailles. À son bord se trouve la relève tant attendue par les gardiens. Mais, quand elle accoste enfin, personne ne vient à leur rencontre. Le phare est vide. La porte d’entrée est verrouillée de l’intérieur, les deux horloges sont arrêtées à la même heure, la table est dressée pour un repas qui n’a jamais été servi et le registre ... >Voir plus
Critiques, Analyses et Avis (41) Voir plus Ajouter une critique
3,36

sur 128 notes
En 1900, l'archipel des îles Flannan en Ecosse fut le théâtre d'un mystère qui passionna l'opinion publique et inspira livres, films et documentaires : la disparition jamais élucidée des trois gardiens du phare d'Eilean Mor. Quand, peu avant la Noël, le phare cessa soudainement de briller et qu'intrigué, le quatrième gardien, alors en congés, se rendit sur place, il trouva une installation verrouillée de l'intérieur, parfaitement ordonnée et en état de marche, mais déserte. On ne retrouva jamais la moindre trace des disparus, et, faute d'explications probantes, l'histoire est entrée dans le folklore écossais.


S'en emparant à son tour, Emma Stonex la transpose en 1972, dans un phare en mer au large de la côte de Cornouailles. L'automatisation des phares n'en est alors qu'à ses débuts, et c'est encore une équipe de quatre hommes qui se relaient à Maiden Rock pour faire fonctionner la lanterne, trois restant sur place huit semaines d'affilée pendant que le quatrième regagne la terre et sa famille pour un mois. Au phare, leur travail monotone leur laisse beaucoup de temps libre, qu'il leur faut gérer dans la promiscuité d'un huis clos qui les isole du monde plus sûrement qu'une prison, dans les conditions parfois dantesques de la mer qui les tient à sa merci. « Rien que de l'eau, de l'eau et de l'eau à des kilomètres à la ronde. Pas d'amis. Pas de femmes. Juste les deux autres, jour après jour, impossible de leur échapper, ça peut rendre complètement dingue. »


Alors quand la relève arrive, parfois avec retard ou dans des conditions rendues acrobatiques par l'état de la mer, les occupants du phare sont normalement sur les dents. Sauf en ce jour de décembre, où l'approche de la navette ne déclenche aucun signe de vie. le gardien-chef Arthur Black, son second Bill Walker et le jeune apprenti Vince se sont volatilisés, laissant quelques indices troublants mais insuffisants pour éclairer ce qui a bien pu se passer. Vingt ans plus tard, un écrivain investiguant à nouveau les faits rencontre les trois veuves. Leurs récits d'abord réservés finissent par laisser craquer les apparences, et derrière le deuil et le chagrin, se profilent bientôt les secrets que chacune s'évertue depuis si longtemps à enterrer sous le poids des remords et des rancoeurs. Entremêlant la parole des trois disparus et de leurs épouses en d'incessants sauts entre 1972 et 1992, la narration nous entraîne dans une quête qui, à défaut de lever le mystère, ne cesse de creuser de nouvelles profondeurs sous la banalité de vies ordinaires, minées par la solitude, la douleur et la peur, au point de faire vaciller les raisons au bord de la folie et de l'irrationnel.


Si la psychologie des personnages compte beaucoup dans ce roman, c'est surtout pour servir le suspense de la narration, au gré d'intrications qui dévoilent la part d'ombre de chacun sans exception, mais chargent aussi un peu la mule dans une accumulation un peu artificielle de mobiles et de responsabilités flirtant parfois avec le fantastique. Emmené sur un terrain truffé de failles derrière les faux-semblants, doutant de chacun tout en frissonnant au bord de l'irrationnel, le lecteur imparablement mordu par la curiosité en reste malgré tout un peu sur la réserve, ceci d'autant plus que l'écriture, certes l'expression de la parole peu littéraire de ses personnages, ne quitte jamais un style très oral, aux phrases minimalistes, encore plus frustrant lorsqu'il ne rend qu'assez discrètement hommage aux écrasantes et apocalyptiques grandeurs de son décor d'exception.


Inspiré d'un mystère qui n'en finit pas de frapper les imaginations, ce livre aux allures de polar a de quoi offrir quelques frissons, entre traîtrises humaines aussi bien que marines, dans le cadre fantasmagorique de la réclusion dans un phare en pleine mer. A lire entre deux lectures plus exigeantes, pour son ambiance plutôt que pour son style, dans un moment de détente addictif et facile.

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Mystère autour de Maiden Rock : trois gardiens ont disparu sans laisser aucune trace, avec la porte fermée de l'intérieur, dans ce phare perdu à quinze miles des côtes de Cornouailles. Des années plus tard, les veuves sont sollicitées par un écrivain qui souhaite en faire le sujet de son roman, tout en tentant d'élucider cette énigme.

Peu à peu, on découvre les liens complexes qui unissent les couples, les secrets plus ou moins révélés, à petites touches, et le fin mot de l'histoire qui bien sûr sera révélé dans les dernières pages.

Les personnages ont chacun leur heure de gloire jusque'à la résolution finale. Les personnages féminins sont bien étudiés et ménagent leurs effets, participant à la révélation progressive de la vérité.

Certes l'affaire est étrange, mais les ficelles pour maintenir le suspense sont un peu trop visibles. Des propos incomplets, des points de suspension, l'impression pour le lecteur d'être le seul à ignorer les dessous de l'affaire. On finit par se lasser. En même temps, on comprend qu'il faut faire durer le suspense, certes, mais ça progresse quand même un peu trop lentement .

Le roman a le mérite d'attirer l'attention sur ce métier si particulier mais aujourd'hui quasiment disparu avec l'automatisation des phares, et qui nécessitait un solide mental, au risque de sombrer dans la folie. Quant aux épouses, avec une vie rythmée sur les départs et les retours de la relève, on comprend la difficulté liée à ce mode de vie.


Intéressant, malgré le suspens un peu trop construit, compliquant au delà du raisonnable le déroulé de l'intrigue.

448 pages Stock 9 mars 2022

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1972, les trois gardiens du phare du Maiden Rock en Cornouailles disparaissent. Sur place, la porte est verrouillée, les horloges arrêtées à la même heure et le repas dressé pour être servi. Vingt ans plus tard, un auteur à succès décide d'écrire un livre autour de cette énigme non résolue en donnant la parole aux épouses et compagnes des disparus, des femmes qui ont depuis appris à vivre avec le poids de l'absence et de l'ignorance. Mais la quête de vérité de notre auteur réveillera des secrets douloureux et des mensonges pesants…

Les phares ont toujours exercé sur moi une certaine fascination, tout comme l'idée de ces gardiens qui les ont longtemps habités. À cet égard, je ne peux que louer le travail d'Emma Stonex qui nous présente au plus près la réalité de leur vie, une vie plus ou moins difficile et reculée en fonction de la localisation du phare. Or, hélas pour les trois gardiens du phare du Maiden Rock, ce dernier est situé en pleine mer, rendant l'accostage et les relèves difficiles, et surtout la vie sur place totalement tributaire des aléas de la météo et de la mer.

Des conditions de vie particulières plus ou moins bien vécues en fonction de la personnalité et des attentes de chacun. Arthur, le chef gardien, plus à l'aise dans sa tour en pleine mer que dans la vie sur terre, apprécie cette vie en autarcie. À l'inverse, Bill supporte mal ce métier atypique qu'on lui a imposé, lui faisant croire que jamais il ne pourrait aspirer à autre chose. Quant au dernier membre de l'équipe, Vincent, il voit dans son métier l'occasion de prendre un nouveau départ, lui qui n'a pas eu une vie facile et commis des erreurs de jeunesse…

En parallèle de ces gardiens que l'on apprend à connaître petit à petit, se dessine le portrait de leur épouse et compagne que l'on rencontre vingt ans après leur disparition. Helen semble avoir tiré un trait sur le passé, ou du moins avoir accepté que son mari ne reviendrait jamais, alors que Jenny vit dans l'attente et l'espoir du retour de son Bill. Michelle, quant à elle, n'a jamais oublié son grand amour, Vincent, mais elle est allée de l'avant, se mariant et ayant des enfants. J'ai apprécié de découvrir la vie de ces femmes, leurs douleurs et la manière dont elles ont dû faire face à un deuil difficile à faire en raison de l'incertitude planant au-dessus de la disparition de leur conjoint. J'ai néanmoins eu beaucoup de mal à supporter Jenny, une femme aigrie qui n'a jamais réalisé qu'aimer ne signifiait pas étouffer jusqu'à l'écoeurement.

Au fil de l'alternance entre le passé et le présent, l'autrice nous permet de mieux appréhender la personnalité de chacun, et les relations les unissant, nous donnant une image d'ensemble plus nuancée et complexe qu'on pourrait le penser. Il est ici question de faux-semblants, de mensonges, de trahison, de secrets qui ne demandent qu'à être dévoilés, d'amour virant à l'obsession, de deuil, de pardon, du poids de la culpabilité et des non-dits… Mais aussi de manipulation avec une entreprise qui, depuis vingt ans, s'est arrangée pour imposer sa propre vérité en faisant taire les personnes qui pourraient présenter un autre tableau que le sien. Une entreprise qui n'hésite pas à bafouer le nom de l'un de ses anciens employés en jouant sur les zones noires et sombres de son passé, et en faisant de lui le parfait bouc émissaire.

J'ai beaucoup aimé cette impression d'être en pleine enquête sur les traces du passé, l'autrice déployant et confrontant différents scénarios et hypothèses pour faire émerger la vérité. Ce faisant, elle instaure une certaine tension qui va crescendo jusqu'à ce qu'enfin les différentes pièces du puzzle s'imbriquent et finissent par répondre à cette obsédante question : qu'est-il arrivé aux trois gardiens du phare du Maiden Rock ? Captivée par le mystère de ces trois disparitions, j'ai écouté très rapidement ce récit inspiré d'une histoire vraie et dont les narrateurs ont su restituer toute l'intensité. Christine Braconnier et Guillaume Orsat arrivent à moduler leur voix pour faire ressortir de manière convaincante les différents traits de personnalité des personnages et les émotions qui les assaillent. Il en résulte une sorte de proximité avec ceux-ci, qu'ils soient prisonniers d'un phare ou d'une vie organisée autour ou malgré la mémoire des absents.

En conclusion, s'inspirant d'une histoire vraie, Emma Stonex nous propose ici un roman qui plaira aux personnes fascinées par la vie dans un phare, dont je fais d'ailleurs partie, mais aussi aux amateurs d'enquêtes emplies de mystère, de suspense, de tension, de non-dits et de secrets. Un roman naviguant avec brio entre les époques et la vie de personnages complexes, qui ont autant à cacher qu'à partager, pour nous dévoiler une vérité que l'on espère et redoute à la fois ! Entre huis clos en pleine mer et rencontre avec des femmes qui ont chacune géré l'après à leur manière, un roman qui retrace le destin de personnes liées à jamais.
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« The Lamplighters » (2021, Viking, 352 p) est le premier roman de Emma Stonex, du moins sous ce nom. La quarantaine, elle a tout d'abord travaillé dans une grande maison d'édition, avant d'écrire pour son compte. Auparavant elle a publié sous divers pseudonymes. Elle vit en famille dans le Northamptonshire, dans les Midlands de l'Est en Angleterre. Mais auparavant, elle a surtout adoré vivre au bord de la mer, dans l'île de Wright, chez sa grand-mère.

Tout part d'une histoire véridique qui a défrayé la chronique en 1900. On décide de construire un phare sur l'île escarpée d'Eilean Mòr, au nord-ouest de l'Ecosse, dans l'archipel des Hébrides. Ce sera le phare des îles Flannan (Na h-Eileanan Flannach en gaélique écossais). L'autre principal attrait de l'île est une chapelle construite au VIIème siècle par St. Flannan.
C'est maintenant un monument classé, géré par le « Northern Lighthouse Board » (NLB) à Édimbourg. de 23 mètres de haut, il est mis en marche et allumé en décembre 1899, avec trois gardiens de phare qui cohabitent et un quatrième qui est au repos. Jusque-là tout se passe bien.
Le 15 décembre 1900, la lumière s'éteint brusquement. Un petit navire, le « Archtor », steamer transatlantique, le remarque et prévient les autorités. Cinq jours plus tard, un autre navire le « Hesperus » part d'Ecosse avec Joseph Moore, un des gardiens, alors en congé, pour voir ce qui s'y passe. Il ne se passe effectivement rien. Jim Harvie, le capitaine du navire envoie une fusée pour signaler son arrivée, mais le phare ne réagit pas. Moore est le premier à débarquer et à monter les cent soixante marches. Il constate que personne ne l'attend sur le ponton de pierre et comprend que quelque chose ne va pas. Personne sur l'île, vivant ou mort. Les trois gardiens en poste, James Ducat, Thomas Marshall, and William MacArthur sont introuvables. Toutes les pendules sont arrêtées à 08.15. La table est mise, mais le repas n'a jamais été servi. Seul être vivant, un canari dans sa cage.
Vingt ans plus tard, les trois veuves se rendent sur l'île pour essayer de comprendre.

Dans le roman « The Lamplighters », Emma Stonex raconte l'histoire de trois gardiens de phare qui ont disparu en 1972 du phare de Maiden Rock, à quinze miles au large de la côte de Cornouailles. de fait Maiden Rock est situé dans le Canal du Nord, au large de la côte du comté d'Antrim et de l'Écosse. Quoiqu'il en soit, l'île est située à des kilomètres du rivage. Elle est isolée, avec pour seul bâtiment un phare. Trois gardiens de phare y cohabitent, avec des capacités à s'entendre ou au moins à tolérer leurs différences. On trouve là Arthur Black, en quelque sorte le chef, Bill et un homme plus jeune nommé Vince. Pour Arthur « C'est désorientant d'entendre parler de choses dans le monde réel, l'autre monde. Ce monde pourrait cesser d'exister et pendant un certain temps, nous n'en serions pas plus sages. Je ne suis pas sûr d'avoir besoin de ce monde. N'importe quelle ville, n'importe quelle ville, n'importe quelle pièce plus large que la longueur de deux hommes allongés, semble frivole avec la lumière et le bruit et inutilement compliquée. Je suis d'accord avec Arthur pour dire que le monde se sent bouché et inutilement compliqué ». Il est marié avec Helen. « Il avait l'habitude de dire que son père était le soleil après que le soleil se soit couché, et toutes ces années plus tard, je pense toujours que c'est la meilleure description que j'ai entendue ». William "Bill" Walker est le gardien adjoint. Il est plus jeune, a de jeunes enfants mais ne semble pas être vraiment « amoureux » de sa femme, Jenny. Cette dernière a besoin d'émotions, mais soutient fortement, qui peut encore revenir au foyer à terre, après vingt ans passés dans les phares. « Ce sont les petites choses qui font vivre un mariage : des choses qui ne coûtent pas cher mais qui disent à l'autre personne que vous l'aimez et ne demandent rien en retour ». le troisième gardien adjoint Vincent Bourne a fait de la prison. Il sait que ce travail est une chance pour lui de repartir dans la vie, en effaçant ses années antérieures, avec l'aide de Michelle, sa compagne. Vingt ans après, celle-ci s'est rebâtie une nouvelle vie conjugale et a deux filles, mais se souvient de Vincent comme de son « seul véritable amour ».
C'est une vie solitaire « La solitude s'est endurcie dans l'estomac d'Arthur » avec de longues périodes loin des femmes et de la gent féminine ou même masculine. Leur isolement est aussi bien un soulagement, qu'un refoulement de petits secrets et cachoteries. « Fréquemment, il pouvait sentir sa solitude : il pouvait la localiser avec ses doigts et si on le poussait trop fort, ça faisait mal. S'il mangeait vite, ça faisait mal. Il a bu beaucoup d'eau pour la chasser, mais elle n'est jamais venue. Il s'attendait toujours à le voir après avoir visité les toilettes. Petit et bleu. Peur. Il ne savait pas ce qu'il en ferait. Il ne savait pas ce qu'il ferait sans ça ». Ces secrets qui émergent sporadiquement et qui mènent à la colère, au ressentiment et même à la folie. A part les hommes, Emma Stonnex décrit, fort bien, le froid, le ciel gris et l'océan tout aussi gris avec ses vagues et ses embruns. Tout autour, règnent le brouillard, la brume, et le vent hurlant. « La lune pâle - les yeux à travers la fenêtre. Lune étrange. Pensées étranges. Les lunes sont si brillantes que ça fait mal. Contre tout le reste, ils sont plus brillants qu'ils ne devraient l'être. Imaginer que la lune est le soleil et que le monde entier est à l'envers ». la mer etses habitants sont tout aussi bien traités « Les requins sont] des torpilles fraîches de graisse, tranchées au niveau des branchies, équipées de dents. de la graisse et des dents, c'est le truc. Aiguilles dans un bol de lait caillé. » Ou bien « J'aime l'idée que ce coquillage soit renvoyé à la mer. Tout ce voyage sur des millions d'années, tout cet effort, se roulant dans la mouture du lessivage préhistorique, pour être craché sur un rivage lointain… »

Donc en 1972, le phare cesse d'être allumé. le navire de ravitaillement, envoyé d'urgence, avec son équipage dont Jody, trouve un phare vide et abandonné, une porte, lourde, verrouillée de l'intérieur, une table dressée pour seulement deux personnes et des horloges arrêtées à la même heure. Encore plus étrange, le journal du gardien principal indique une terrible tempête qui fait rage lorsque le temps est calme. Par contre, il n'y a plus trace de vie des trois gardiens.
On est donc très proche du récit reconstitué du phare des îles Flannan, si ce n'est la date et le lieu.
Vingt ans plus tard, en 1992, les trois veuves femmes luttent toujours contre le chagrin et ne peuvent faire leur deuil. le manque de réponses, ou les réponses incomplètes, fournies par les enquêtes de la société des phares sont plus sources de frustration que de réconfort. Il n'y a toujours aucune interprétation valable de la tragédie. Un auteur écrivain renommé, Dan Sharp, enquête de son côté sans fournir plus de détails. Il interroge les femmes, examine leurs sentiments et découvre, malgré lui, malgré elles, des secrets enfouis de longue date, des émotions, des déceptions, de la colère, de la trahison et du chagrin.

D'un point de vue littéraire, la première moitié du livre traîne un peu en longueur et langueur. On y fait connaissance des trois gardiens de phare, mais aussi, plus partiellement des épouses laissées pour compte. Tous ces personnages portent chacun leur croix d'une vie antérieure. le récit suit (presque trop) fidèlement les comptes rendus de l'époque. On fera abstraction des interprétations diverses, du niveau des complotistes, comme l'intervention de « petits hommes verts » (ou d'autre couleur), ainsi que des monstres marins surgis des profondeurs. Les dernières élucubrations officielles font état d'une très forte tempête qui aurait emporté deux des hommes voulant sécuriser des organes de sécurité, et un troisième voulant leur porter secours. Témoin de cette tempête de forts dégâts observés, notés dans les rapports officiels « Les garde-corps en fer le long du passage reliant le chemin de fer avec le sentier au débarcadère et partant de leur fondation est brisés en plusieurs endroits », dont des énormes rochers déplacés, « le gazon avait été arraché au sommet de la falaise, à 200 pieds au-dessus du niveau de la mer ». Mais à ces dates, la mer était calme. le journal de bord du phare fait cependant état d'une tempête très forte avec des « vents violents que je n'ai jamais vus depuis vingt ans ». Deux jours après, il est écrit « Tempête terminée, mer calme. Dieu est au-dessus de tout. »
Pour conclure, ce texte me fait penser au poème de Jacques Prévert. « le gardien du phare aime trop les oiseaux »
Des oiseaux par milliers volent vers les feux / Par milliers ils tombent par milliers ils se cognent / Par milliers aveuglés par milliers assommés / Par milliers ils meurent. // le gardien ne peut supporter des choses pareilles / Les oiseaux il les aime trop / Alors il dit tant pis je m'en fous / Et il éteint tout // Au loin un cargo fait naufrage / Un cargo venant des îles
Un cargo chargé d'oiseaux / Des milliers d'oiseaux des îles / Des milliers d'oiseaux noyés ».
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Ce roman évoque l'histoire des trois gardiens du phare de Maiden Rock, ayant mystérieusement disparu lors de l'hiver 1972. Arrivés sur place ce matin-là, le gardien chargé de la relève et l'équipage qui l'accompagne font face à un étonnant silence et trouvent porte close. Fait pour le moins étrange, la porte du phare "est fermée de l'intérieur" et lorsqu'ils réussissent à y pénétrer, ils ne trouvent pas la moindre trace des trois hommes. Ces derniers semblent s'être tout bonnement volatilisés. Vingt ans après avoir défrayé la chronique, cet évènement surprenant n'a toujours pas été élucidé. Dans cette optique, le célèbre écrivain Dan Sharp décide de s'emparer de cette énigme et d'aller interroger les veuves de ces malheureux. Peut-être de nouvelles informations permettront-elles de faire enfin la lumière sur ces mystérieuses disparitions. Un synopsis des plus attrayants, surtout si comme moi, vous aimez ce genre d'affaires non classées.
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Dans ce récit qui se présente sous la forme d'un roman choral, Emma Stonex prend le parti d'alterner les époques et les points de vue. Ainsi nous sommes tour-à-tour immergés en 1972 avec nos trois gardiens, puis en 1992 avec leurs anciennes compagnes. Au fil des échanges entre l'écrivain et ces femmes, les contours de l'histoire vont se dévoiler avec davantage de précision. On entre dans l'intimité de leur couple et on conçoit les difficultés d'un tel mode de vie, pour elles comme pour eux. Au gré de monologues parfois diffus, ces femmes se remémorent leurs amants disparus, exhumant les secrets, et réveillant des ressentiments tenaces. Cela dit, j'ai trouvé que ces figures féminines occupaient trop de place dans le roman. Leurs interventions m'ont paru longues et redondantes, et je me suis lassée de leurs états d'âmes et de leurs discours. Un point qui entrave quelque peu le rythme et altère la curiosité suscitée par les évènements de 1972.
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En revanche, j'ai trouvé la parole des gardiens du phare véritablement digne d'intérêt. En cela, Emma Stonex a su tirer son épingle du jeu et nous livrer des personnages attachants, voire assez profonds. Cette partie a su éveiller mon attention, et j'ai été touchée par l'histoire et les souvenirs de ces trois hommes. J'ai été saisie par la mélancolie d'Arthur, par l'optimisme de Vince et par l'austérité de Bill. Car "il faut avoir une sacrée trempe pour supporter d'être enfermé comme ça. Pour supporter la solitude. L'isolement. La monotonie. Rien que de l'eau, de l'eau et de l'eau à des kilomètres à la ronde. Pas d'amis. Pas de femmes."
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Quant à l'atmosphère de cet hiver 1972, elle est des plus réussie. J'ai pris plaisir à observer le paysage marin, à entendre le cri des mouettes et la mer déchaînée. le phare est régulièrement enveloppé d'un brouillard aussi oppressant que le mugissement assourdissant de la corne de brume. La solitude, qui se fait de plus en présente à mesure que les jours passent, corrompt les esprits et nourrit les peurs. Celles qui sont ancrées dans les tréfonds de notre âme. Alors la tension s'installe, nous laissant nous aussi, à fleur de peau et sur le qui-vive. Mais enfin, que s'est-il réellement passé cet hiver-là ? Et pourquoi le temps s'est-il soudainement arrêté, figeant en son sein une scène de vie inachevée, celle d'une "table dressée pour un repas qui n'a jamais été servi" ?
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Une partie relativement passionnante, dans laquelle l'autrice sait ménager son suspense, mais qui ne réussit toutefois pas, à mes yeux, à combler le désintérêt que j'ai éprouvé pour les épouses. La lenteur, que j'apprécie d'ordinaire dans les romans d'ambiance, m'a ici pesé, et la plume de l'autrice n'a pas entraîné d'émotions spécialement intenses. Une lecture en demi-teinte, que l'écoute audio n'aura pas non plus contribué à démarquer, à mon plus grand regret.
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Ma chronique complète est sur le blog.
Caroline - le murmure des âmes livres
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Roman écouté dans le cadre du Prix Audiolib.
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critiques presse (3)
LeMonde
16 août 2022
Le thriller haletant d’Emma Stonex enchevêtre la chronique de la vie des gardiens d’un phare des Cornouailles et l’enquête sur leur disparition impossible.
Lire la critique sur le site : LeMonde
LaCroix
07 mai 2022
Trois gardiens disparaissent de leur phare en pleine mer. Vingt ans plus tard, un auteur de romans maritimes décide de résoudre l’énigme. Sa quête est passionnante.
Lire la critique sur le site : LaCroix
LeFigaro
18 avril 2022
Le premier roman se signale par une maîtrise confondante, un souffle, quelque chose de physique, d’ancestral. Les chapitres sont comme des voiles qu’on soulève, un par un.
Lire la critique sur le site : LeFigaro
Citations et extraits (45) Voir plus Ajouter une citation
Bill lui avait raconté ce qui s’était passé au phare des Smalls, au large du pays de Galles au siècle dernier. À l’époque, il y avait deux gardiens par phare, et au bout de quelques semaines l’un d’eux avait eu un accident là-bas et il était mort. Tout le monde savait que ces deux-là ne s’entendaient pas, alors celui qui était resté seul a eu peur qu’on l’accuse de meurtre s’il se débarrassait du corps. Il a donc décidé de prendre son mal en patience et d’attendre la prochaine relève. Le truc, c’est qu’au bout d’un moment il n’a plus supporté l’odeur. Il a donc construit un cercueil qu’il a accroché au sommet de la tour, mais à la première bourrasque la boîte s’est ouverte et le cadavre en décomposition s’est retrouvé là, les bras ballants. Chaque fois que le vent soufflait, les bras du macchabée heurtaient la lanterne. On aurait dit que le cadavre faisait des signes. Qu’il disait au vivant, viens, lui enjoignant de le rejoindre. Ça a tourné à l’obsession. Le gars a perdu la tête. Les navires passant au loin voyaient cet homme qui faisait de grands signes ; ils n’ont jamais pensé qu’il y avait un problème, donc ils ne se sont jamais déroutés. Au bout du compte, le gardien vivant a fini par souffrir plus que le mort. Il avait été obligé d’entendre jour et nuit les coups contre la lanterne, comme si le cadavre lui demandait de rentrer. Le temps qu’il revienne à terre, il était en vrac, assailli par les cauchemars et le sifflement du vent.
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Trois hommes seuls dans un phare en pleine mer. Ça n'a rien d'exceptionnel, rien du tout ; c'est juste trois hommes et beaucoup d'eau. Il faut avoir une sacrée trempe pour supporter d'être enfermé comme ça. Pour supporter la solitude. L'isolement. La monotonie. Rien que de l'eau, de l'eau et de l'eau à des kilomètres à la ronde. Pas d'amis. Pas de femmes. Juste les deux autres, jour après jour, impossible de leur échapper, ça peut rendre complètement dingue.
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Même si là-dessus Helen restait sceptique : comment imaginer l’inimaginable ? Pour elle, c’était comme une chute. L’apesanteur. L’incrédulité. Elle attendait qu’on la rattrape, mais personne ne le faisait jamais ; elle tombait depuis des années et des années, sans jamais obtenir de réponse, ni le moindre éclaircissement, sans pouvoir tourner la page. L’expression était à la mode ces derniers temps – tourner la page – pour ceux qui connaissaient une rupture amoureuse ou se faisaient virer ; des événements plutôt anodins, songea-t-elle, et non de ceux qui vous menaient au bord du précipice et vous poussaient dans le vide. Comme lorsqu’une personne disparaît du jour au lendemain, sans laisser de trace, sans raison, sans le moindre indice.
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La porte verrouillée, c’est bizarre, oui ; ça, je vous l’accorde. Ces portes sont en acier ; il faut ce qu’il faut pour résister à tout ce qu’elles encaissent ! Et elles sont tellement lourdes qu’elles peuvent vous claquer dans le dos sans problème. Sauf que celle-là était verrouillée de l’intérieur. Ça, c’est un détail qui me hante. Dans un phare, pour verrouiller la porte, on la barricade de l’intérieur avec de lourdes barres de fer. Je me dis que les barres auraient pu tomber quand la porte s’est refermée, si elle a claqué assez fort… ?
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Quand le pire arrive, on ne peut pas supporter ça toute seule.
Voilà pourquoi je vous parle. Parce que vous dites vouloir dévoiler la vérité – comme moi, j’imagine. La vérité, c’est que les femmes ont besoin les unes des autres. Plus que des hommes, et vous n’avez peut-être pas envie d’entendre ça parce que votre livre, comme tous ceux que vous avez déjà écrits, parlera des hommes, pas vrai ? Les hommes s’intéressent aux hommes.
Pas moi. Ces trois-là nous ont laissées toutes les trois derrière eux et je m’intéresse à ce qui reste. À ce qu’on peut en faire, si c’est encore possible.
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Video de Emma Stonex (1) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Emma Stonex
Extrait du livre audio "Les gardiens du phare" d'Emma Stonex lu par Guillaume Orsat et Christine Braconnier. Parution CD et numérique le 13 avril 2022.
https://www.audiolib.fr/livre/les-gardiens-du-phare-9791035408145/
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