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Critique de Bookycooky


Un roman intrigant , moderniste traitant d'un moment colonial, narré dans un état d'esprit postcolonial. Nous sommes en Papouasie -Nouvelle-Guinée dans les îles Trobriand en 1959, alors qu'elle est sous le statut de Territoire australien. Ce livre publié vingt ans plus tard en 1979, lorsque le pays a déjà gagné son indépendance est écrit par un auteur australien, Randolph Stow qui s'y trouvait à la même époque dans ces même îles où se passe l'histoire.

Un roman choral au total avec huit voix distinctes dont celles des indigènes , dont la majorité sont les domestiques des Dimdims , les Blancs, et celles des Dimdims en mission du gouvernement australien et d'un propriétaire de plantation. Dans un rapport de force entre les deux partis , propre à l'ère coloniale, à travers le clash des cultures on suit l'histoire de leurs rencontres de huit différentes perspectives. La structure chorale est intéressante mais labyrinthique , car les problèmes évidents entre les deux cultures mais aussi entre chaque culture et ses personnages ne se révèlent que par bribes . Donc une relecture est souvent nécessaire pour apprécier les subtilités des conflits , le tragique des métissages culturelles et les superstitions qui régissent ces sociétés indigènes , “Ta coutume est différente. Pour nous, si la boîte d'une femme passait par-dessus nos jambes comme ça, ça serait la fin.”, la fin étant l'impuissance sexuelle.
Pour les Dimdims la vie sur ces îles c'est l'isolation qui finit dans l'alcool, beaucoup d'alcool. Quand à leurs relations avec les femmes indigènes, pas très compliqué ,”Tu sais qu'y a jamais d'enfant….Et jamais beaucoup d'amour non plus. Tout ce qu'il y a, c'est de la curiosité, et ça, ça laisse pas de complication.” Vu que leur mission ou leur travail semble aussi assez léger , reste peu de consistance dans le sens de leur existence dans ces lieux où tout est “Sexe et ignames”, d'après leur propre aveu.
Or pour les Papous , c'est pire, « Ils vont, ils viennent,…..Hommes noirs, hommes blancs, pirogues, steamers. Ils apportent leurs quelques-choses. Mais nous… nous restons et observons, c'est tout. Chaque jour pareil. »
Mais le coeur de l'histoire est tout autre : l'incident de Boianai, décrit au prologue, que je vous laisse découvrir, une histoire vraie largement couvert par la presse en 1959. Or cet incident ravivera les mythes et traditions de type « cargo » qui font probablement partie de l' expérience millénaire et de la mémoire ancestrale des Papous, entraînant la suite du récit dans une turbulence incroyable qu'on lit d'une traite.
Le titre « The Visitants » ici laisse perplexe. Entre les visiteurs qui débarquent en steamer sur ces îles, ou ceux qui apparaissent et repartent comme ceux de l'incident du Boianai , les vrais visiteurs réellement effrayants seraient plutôt ceux qui se logent en nous : les nouvelles coutumes propagées dans la nouvelle génération.
Ne passez pas à côté de ce livre très particulier récemment publié en français, et Bonne Année à toute la communauté babeliote !

“Ce soir-là, entre Kaga et Kailuana, la mer s'est dissoute en une lisse courbe de bleu sans fond et le bleu du ciel s'est estompé et mué en vert : un ciel vert pomme et vert paon déversant une lumière rose et dorée. L'Igau s'est nimbé de rose dans cette lueur qui colorait aussi la mer, si bien que celle-ci est passée du bleu lavande au violet profond pendant que les visages et les silhouettes des gens viraient au fantomatique et à l'étrange.”
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