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Critique de mjaubrycoin


Se plonger dans un grand feuilleton publié depuis plus de cent cinquante ans , nécessite une mise à l'écart de nos habitudes de lecture.
Il ne faut pas s'attendre à entrer dans l'intimité de personnages complexes mus par des intérêts contradictoires, ni à tourner les pages avec avidité tant l'action se précipite, et pas plus à laisser libre cours à son imagination en raison de l'exposé succint du cadre de l'intrigue.
Non, ici nous rentrons dans le temps long du récit avec plus de mille pages, des descriptions soigneuses et poétiques, des envolées lyriques, des aventures qui se mettent en place avec une lenteur savoureuse.
Aujourd'hui , le lecteur fuirait .... Hier, il en redemandait et au fil des jours et de la parution des épisodes dans la presse quotidienne, nos ancêtres qui pourtant n'accédaient pas aussi facilement que nous à l'éducation qu'elle soit primaire ou secondaire , se passionnaient pour les malheurs de la famille Rennepont persécutée par les cupides jésuites qui ne reculeront devant aucune turpitude pour faire main basse sur leur fortune.
Et la lenteur du déroulement du récit ne décourageait personne, bien au contraire, car il fallait faire durer le plaisir...
J'ai lu ce roman avec délectation, charmée par sa prose impeccable, sa construction parfaite et son vocabulaire choisi. Quelle élégance dans ce texte qui pourrait faire rougir de honte certains de nos écrivains contemporains pourtant encensés par la critique !
Mais au delà de la forme, le fond est remarquable car dans ce roman engagé, Eugène Sue attaque non seulement l'Eglise dans son ensemble à travers les charges impitoyables menées contre les Jésuites qui en représentent les pires travers, mais aussi contre la société toute entière, les excès du capitalisme naissant et les injustices sociales qu'il exècre.
Non seulement l'auteur met en évidence la triste situation de la classe ouvrière, mais non content de décrire par le menu les mécanismes de la pauvreté , il propose des solutions pour y remédier et se fait le chantre d'un nouveau projet global de société.
Dans la France de Louis-Philippe en proie à une agitation sociale et à la remise en cause d'un ordre ancien qui se maintient contre vents et marées, Eugène Sue fait partie de ces intellectuels engagés qui par le biais du roman populaire, cherchent à répandre des idées fortes qui sont susceptibles de faire réellement changer les choses.
Quelle modernité dans sa critique acerbe de la situation des femmes ! Toujours en pendant de la dénonciation, il y a le projet pour améliorer l'avenir dans le respect de tous.
Le roman se lit aussi comme une approche historique de la seconde moitié du 19ème siècle avec ses incursions dans le milieu ouvrier, dans le monde des fêtards, dans les palais et les sacristies.
L'ironie est aussi omniprésente et les forces manipulatrices mises en oeuvre par les féroces jésuites en la personne de Rodin, ce méchant parfait, sont admirablement analysées avec un sens aigu de la psychologie.
Et le juif errant dans tout cela ?
Finalement il apparait bien peu et son action reste marginale car il est bien loin de venir au secours de ces héros que l'on a appris à aimer au fil de la longue lecture de leurs aventures.
Qu'importe si le titre parait plus destiné à attirer le lecteur potentiel en reprenant une légende populaire de l'époque, il n'en demeure pas moins que ce feuilleton grandiose, moins connu que "les Mystères de Paris" mérité la plus éclatante des réhabilitations .



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