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Critique de Sachenka


Robert Baroque, c'est un projet de jeunesse, une autofiction, écrite au début du siècle passé par Miklos Szentkuthy et oublié dans un tiroir. Et retrouvé après la mort de l'auteur, publié de manière posthume. Cet auteur est peu connu du grand public, les amateurs l'apprécient pour son oeuvre qui témoigne de son goût pour l'art et l'histoire, sa grande culture, son érudition. J'ai lu les quatre premiers tomes de son Bréviaire de Saint-Orphée, riche et complexe, et j'attends depuis longtemps que les cinq autres soient traduits (peut-être devrais-je m'atteler au hongrois?). En attendant, je me suis tourné vers un autre de ses romans, d'un ton tout autre registre, plus personnel.

Robert Baroque est le titre du roman et le nom de son protagoniste, qui ressemble énormément à l'auteur, tant par sa situation que son état d'esprit. C'est un jeune homme de dix-huit très cultivé (trop?), à la sensibilité exacerbée. Tous ses états d'âme et les événements qui troublent son existence, il les consigne dans son journal intime, dans lequel il insère également des ébauches de romans, parfois des passages entiers. Cette narration à la première personne, elle est très efficace. Surtout que le garçon note tout ce qui lui passe par la tête, sans filtre. Chaque émotion est là, crue, honnête.

Si les premières pages ressemblent à celle de n'importe quel lycéens, préoccupé par les études et les sorties au théâtre (quoique certains diraient qu'il lui manque les activités avec les amis de son âge), rapidement, sa préoccupation devient la lutte entre ses désirs érotiques et ses idéaux religieux élevés. C'est un jeune homme excessivement pieux, il aspire à la pureté (de l'âme, mais comment y parvenir sans la pureté du corps). À cela s'ajoute ses ambitions littéraires et artistiques, sa quête du « beau », qui se matérialise dans des filles, des femmes, qu'il porte aux nues. Que des tourments intérieurs!

« -Et vous, les femmes, méritez-vous qu'un fils de famille de dix-huit ans, instruit et cultivé, souffre, se tourmente et endure le supplice à cause de vous? Qu'il renonce à sa tranquillité d'esprit, à ses pensées, aux joies simples de la vie? Qu'il renie ses parents? L'amour, l'amour! Je ne sais même pas ce que c'est. Je sais seulement que pendant que, sur le Corso de Pest, les autres garçons examinent sans complexe les chevilles des jeunes filles, moi, la seule vue d'une paire de chevilles me précipite dans les flammes de l'Enfer. » (p. 136)

Tous ces tourments ne sont guère favorables à un jeune homme fragile et causeront à Robert de légers problèmes de santé. Toutefois, puisqu'il est le fils unique de bourgeois au bord de la ruine, le futur soutien de ses parents, son sentiment de culpabilité sera décuplé. Lui, un poids pour ses pauvres parents aimant qui espèrent tant de lui!

« La mélancolie est toujours douloureuse ; elle est corrosive, dévorante, paralysante, étouffante, en un mot : mortelle. » (p. 283)

Décidément, Robert Baroque comme Miklos Szentkuthy auraient trouvé leur place au siècle précédent, en compagnie de romantiques comme Alfred de Musset ou Byron. Ce sont des jeunes hommes passionnés (exaltés?) et très cultivés, qui s'intéressent à l'histoire, à la littérature, à tous les arts en fait (le roman est truffé de mentions de peintres, de sculpteurs). Même le nom que le narrateur s'est donné provient d'un courant artistique (le baroque). Ce roman peut servir de belle porte d'entrée dans l'univers particulier et imposant de l'auteur.
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