Comme toutes les villes de garnison, Valence avait autrefois une ruelle réservée aux soldats où ils pouvaient oublier pendant quelques heures la dureté de leur vie.
De sept heures du matin à midi, la France entière, faisait la queue devant l'épicerie, la boucherie, la boulangerie, tous les endroits où l'on espérait acheter quelque chose à manger. Les femmes amenaient leur tricot, leur chaise, leurs enfants qui jouaient en les attendant. Les enfants criaient.Ils avaient faim, mais on ne leur donnait rien devant les autres pour ne pas susciter de jalousies. On haïssait les porteurs de carte de priorité. C'étaient les mères de familles nombreuses, les femmes enceintes et les vieillards. On les injuriait de la manière la plus ignoble.
Comme tous les coiffeurs, il prétendait savoir tout ce qui se passait dans le monde. Dans les petites villes, la vie politique se concentre dans les salons de coiffure.
Il y avait dans cette boucherie une ouvrière au visage fatigué. Elle semblait avoir quarante ans, mais peut-on jamais savoir exactement l'âge d’une ouvrière ? Elles vieillissent trop vite.
Quel triste spectacle que les enfants pendant la guerre et l’occupation! Ils semblaient tous avoir des yeux tristes et inquiets. Leur imagination était pleine de choses étranges qui n'étaient sûrement pas faites pour eux.
"C'était pendant l'appel. Vous savez ce que c'est. trois heures debout, presque nue, par n'importe quel temps, sous la pluie, la neige, le soleil, le gel. Ce matin d'hiver de l'année 1943, je savais que je ne tiendrais pas jusqu'au bout. J'étais à bout de forces. Debout, je suis arrivée malgré tout à somnoler.
Tout à coup je vis mon père proche de moi à le toucher. Il m'appela: "Ma fille! Ma fille! Tiens, prends cela, ça te fera du bien". Et il me mit quelque chose dans la bouche, comme de la confiture.
Je me réveillai en sursaut, et je m'entendis crier: "Papa! Papa!" J'étais toujours debout. L'appel continuait. Je ne savais plus si j'avais rêvé ou non, mais j'essuyai mes lèvres avec gourmandise. Je me sentais réchauffée, réconfortée."
Elle s'arrêta un instant, puis continua:
"Je suis persuadée que ce rêve m'a permis de survivre jusqu'à la libération du camp".