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Critique de Jolap


André Bataille naît fin 19ème. « Orphelin à neuf ans, placé chez les autres il devient berger. Nourri de croûtes de pain et de légumes pourris il est obligé de voler la gamelle du chien pour survivre. »
Malingre et de petite taille cette force de la nature devient, grâce à un travail intense et efficace, l'un des hommes les plus respectés du village. Il veut prendre sa revanche, il le peut, il le doit et la volonté d'échapper à sa modeste condition fait le reste. Ainsi, il bâti une famille qu'il installe dans une maison à Camporeils dans les Pyrénées Catalanes.

Cette famille évolue de génération en génération, de tourment en tourment, guidée par des sentiments d'injustice, de reproches, de jalousie parfois, d'incompréhension toujours. Les maladresses s'accumulent à la vitesse de l'éclair et la fierté pose sa chape de plomb imposant un silence dévastateur et/ou compromettant. Chacun trace sa route, élabore des hypothèses seul, dans le noir de l'impossibilité à échanger, sans rampe de sécurité.

J'ai choisi une phrase qui pourrait résumer à elle seule les dispositions mises en place chez les Bataille, une sorte de code de conduite, une phrase lourde de conséquences, piétineuse de destins, empêcheur de tourner rond, briseur d'espoir : « C'était un facteur de survie autrefois, lorsque la neige transformait l'hiver en huis clos oppressant et interminable. Cet impératif de silence s'imposait à tous, au sein de chaque famille : pas de parole, donc pas de conflit ouvert. Et ainsi prospéraient les malentendus et les haines recuites ». (Page 145).
Dans le désordre, André second en veut à son père, Marie à ses parents, Louis à la terre entière. Sylvie nourrit une amertume justifiée vis-à-vis de sa mère, Frédéric vis-à-vis de son père. Chacun a de très bonnes raisons, chacun ressasse, rumine ces raisons en y ajoutant son interprétation, ses humeurs et ses manques. L'énergie gaspillée n'a d'égal que les rêves calcinés des uns et des autres. Toujours dans le désordre, et je n'identifierai pas ces passages et surtout pas les noms volontairement pour ne pas dévoiler l'histoire : « on est un traitre pour ceux que l'on quitte et un transfuge pour ceux que l'on rejoint »……….. « même ses enfants la trouvent intransigeante. Les rôles sont distribués depuis l'enfance. Elle est la méchante. Celle qui fait régner l'ordre et assume les responsabilités. » …….. « sa femme l'a-t-il jamais aimé ? ou s'est-il choisi un geôlier, un obstacle pour s'empêcher de vivre ? » « il se sent empêché par son père et lui en veut. « Il a beau être l'individu qu'il est, il reste un capcinois. Surtout pas d'explications, le silence. » « Il étouffe les protestations de ses filles »…… « Tôt ou tard ce silence obstiné viendra à bout de son arrogance. Il s'en repentira »…….. »Elle s'est laissée bercée par leurs histoires, n'a pas cherché à briser les chaînes. Maintenant il est trop tard. » …….. « Elle qui ne se plaignait jamais mais qui faisait porter à tous le poids de son martyr silencieux. » etc etc…………
Un membre de la famille échappe à ces pensées douloureuses c'est Jeanne. Grâce à sa beauté et son intelligence elle choisit, elle influence, elle dirige, elle soumet, elle est sure d'elle, normal elle a été aimée « Et si dès le début elle avait fait fausse route ? » elle aussi…..

Du silence, Olivier Szulzynger en a fait un roman. Et derrière chaque silence il a su décrypter les fausses notes qui entaillent la mélodie. Toutefois je me suis demandé quel était le personnage principal ? J'ai mon idée. Un personnage écrasant, exigeant, à la fois solide et vulnérable, provoquant des états d'âme et portant courageusement le poids des générations qu'il a protégé. Un vrai personnage pourvu d'une identité unique, un coeur de pierre peut-être mais un coeur tout de même. Un personnage qui claque ses portes au vent si jamais on l'oublie mais qui sait jouer de son charme s'il retrouve l'un des siens. Cette maison Bataille qui s'est appropriée tant de générations est pour moi le personnage clé de ce roman. Chaque membre de la famille est venu se « mûcher » dans ses entrailles. Les uns y ont vécu longtemps, souvent, les autres parfois mais chacun est venu. Les paroles ont manqué mais cette maison a fourni les pensées, les décisions, les projets, les conflits, les envies et les rejets, la culpabilité, l'amour fou, les charges financières. A l'origine elle avait fière allure ! l'auréole de la réussite s'imposait au-dessus du toit. Un symbole fort ! on ne pouvait pas mieux faire. On ne pouvait pas mieux dire. Puis les amours déçus, les contraintes, les soucis sont venus se mêler au début de carrière fastueux et prometteur de cette belle maison Bataille .Les visites se sont espacées. Les vacances restaient malgré tout l'occasion de soins bienveillants. La vie l'a habitée c'est sûr. Mais après ? Elle en a vu de toutes les couleurs. Je ne faillirai pas en racontant chacune de ces couleurs.

Chaque famille est unique et les Bataille n'échappent pas à la règle. Fiction ou réalité ou un mélange des deux ce roman décrit les névroses, les réussites, les défaites personnelles, professionnelles, les soucis de santé qui jalonnent la vie d'une famille. Chacun retrouve un peu, beaucoup, passionnément son chez soi, son territoire personnel. Chacun ses batailles ! je regrette qu'il y ait un André sur trois générations. C'était une coutume c'est vrai mais cela nuit je trouve à la compréhension rapide des retours en arrière. Il faut un temps pour savoir de quel André nous parle l'auteur. Ce détail mis à part cette lecture est fluide bien sentie et bien vue. J'ai fini par être attachée à cette famille de taiseux. J'ai noté qu'une suite était prévue.
Merci à Babelio à son opération Masse critique et aux éditions de l'aube qui m'ont adressé cet ouvrage.


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