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Critique de Root


1958.

Cette sortie scolaire n'était pas du goût de tous. Scruter toute la journée des plantes aux noms imprononçables valait-il de manquer quelques heures de cours ? Ma foi, oui. « Buddy » Louis en a pris son parti et chahute avec ses camarades en queue de peloton quand l'un d'eux trébuche. le petit groupe trainaille, attendant que Simon, dit Michette, se relève et s'époussette. le restant de la classe les a distancés. S'ils ne se dépêchent pas, la mère Lambert va les rabrouer. Ça se chamaille, ça presse le pas, à gauche, à droite ? Un quart d'heure, toujours personne en vue. Une demi-heure… une heure… le jour décline, il va falloir s'organiser. Bien à propos se présente une baraque délabrée nichée dans une clairière.

« Heureusement qu'on va y passer qu'une nuit, dans ce cabanon… »

S'ils avaient su.

Au réveil, la faim et l'angoisse les tenaillent. La faim l'emporte, et voilà la petite troupe partie à explorer le coin. Une rivière, quelques feuilles, n'importe quoi pouvant faire illusion dans l'estomac. Ici le nord, là la cabane, ils devraient bien en voir le bout de cette forêt. Mais Louis n'en croit pas ses yeux : ils sont revenus à la clairière. Leur point de départ. Ils ont tourné en rond. La forêt semble se refermer… sur elle-même. Dans le désespoir général, il faut garder un oeil sur Achille, dit la Teigne. Ce gosse, c'est de la carne à la Henry Bowers (pour ceux qui savent). Fils de paysan élevé à coups de trique, sa carrure impressionnante lui a toujours assuré un respect forcé. Mais la donne a changé. Portées par l'instinct de survie, certaines alliances sont possibles, mais pas avec la Teigne. Ce sera désormais 6 contre 1… contre la forêt.

Je n'avais pas idée de ce que serait ce bouquin. Oui, le résumé très accrocheur, oui la couverture vraiment jolie, mais j'étais loin du compte. Luca Tahtieazym fait là une démonstration extraordinaire du pouvoir des mots. À mesure que les événements se répètent, on cesse de respirer. On tourne en rond avec les personnages, on ne trouve plus le sommeil parce qu'on veut connaître la suite, puis on arrive au milieu du livre (435 pages en tout). Soyons sérieux, qu'est-ce qu'il va nous raconter ensuite ? Il parvient pourtant à décrire quantité de choses banales avec tant d'émotions différentes, tant de ferveur, qu'on ne s'en lasse jamais. Les dialogues font sourire, tirent une larme. L'argot dans la bouche des gamins, serre le coeur. Ils sont si petits ! Comme une grande bouffée de nostalgie pour ce que furent les années 60 que je n'ai même pas connues. J'ai éprouvé une infinie tendresse pour chacun d'eux : Louis, Romain, Simon, Nagib, Claire, Élise, Achille. J'ai vécu à leur rythme, espéré, tremblé, souffert avec eux. Dans la détresse, des caractères se révèlent, des valeurs se défendent ; on réalise la force de l'entraide, on mesure le poids des coups bas. Adultes avant l'heure.

L'histoire, narrée par Louis, est superbement écrite (brillamment ? magnifiquement ? n'importe quoi signifiant « putain de bien » fera l'affaire). Ça ne lésine pas sur l'effet de surprise, je ne compte pas les fois où j'ai été sidérée. Comment tout ça peut se terminer ? Devant un tel niveau d'excellence, on redoute forcément que l'auteur se plante avec une fin branlante. Eh bah même pas. La chute est à la hauteur de tout ce que j'ai vécu dans cette forêt.

Avec ses airs de Stephen King et de Stranger Things, ce roman s'inscrit dans la lignée des meilleurs fantastiques, avec une dose de rationnel et un supplément de torture psychologique qui font sacrément cogiter, émeuvent, et collent une frousse mémorable. Mémorable, je vous dis.


Un grand merci à Luca Tahtieazym, qui m'a fait découvrir son incroyable roman.
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