AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de mumuboc


Je lis que très superficiellement les 4ème de couverture pour garder le plaisir de la découverte….. A la fin de ma lecture j'y ai découvert que Preti Taneja a transposé dans ce romn le Roi Lear de Shakespeare à notre époque, en Inde et cela confirme une partie de mon ressenti.

J'avoue tout de suite que je ne connais que de nom l'oeuvre du célèbre écrivain anglais et je me suis donc empressée d'aller consulter Wikipédia afin de comparer les éléments de la pièce originelle à ceux du roman de Preti Taneja. En effet la trame est similaire et tous les ingrédients sont là : la famille qui se déchire, les conflits avec les rancoeurs, jalousies, la lutte pour le pouvoir, l'amour, les frustrations jusqu'à certains actes criminels etc…. Plusieurs fois, sans le savoir, j'ai pensé que cela ferait une excellente tragédie à l'ancienne. Je ne m'étais pas trompée, preuve que tous ces thèmes restent actuels.

Comme dans le modèle de référence en cinq actes, le roman se découpe en cinq parties donnant la parole à chacun des jeunes prétendants à la succession de l'empire de Barun Devraj dit Bapuji, en pleine crise mystique, pour nous relater leur position mais aussi qui ils sont vraiment. Gargi, Radha et Sita les trois filles de Bapuji ainsi que Jivan et Jeet, les deux fils de Ranjit, son bras droit, sont les narrateurs de cette fresque indienne où les conflits familiaux, amoureux et d'intérêts sont étroitement mêlés.

En bon moralisateur, le patriarche après avoir lancé la « bombe » qui va faire éclater sa famille et révéler les visages et les ambitions de chacun, va prendre à la fin de chaque chapitre, la parole pour donner sa vision des faits et de ses projets.

Preti Taneja a rajouté une sixième partie, qui donne son titre au livre, et qui est une sorte d'épilogue au drame qui s'est déroulé sous nos yeux. Seuls survivront les plus forts, les plus ambitieux, les plus manipulateurs.

L'auteure a donné des caractères très différents aux trois filles : Gargi est une femme de pouvoir, elle a tiré un trait sur son mariage avec Surendra et ne souhaite pas s'encombrer d'enfants. Ce qui l'importe c'est la Compagnie. Radha elle, est une femme objet, superficielle, uniquement intéressée jusqu'à maintenant par son apparence, se privant pour correspondre aux canons de la mode, elle est d'ailleurs responsable des relations publiques des entreprises de son père, domaine de l'image et de la communication. Les événements vont lui permettre de s'affranchir d'un mari dominateur, Bubu, mais elle n'est pas aussi rouée aux arcanes du pouvoir que sa soeur.

Quant à Sita, celle à qui Bapuji destine la Compagnie, la plus jeune de ses filles, elle est celle qui a réveillé en lui, semble-t-il, une bonne conscience, allant jusqu'à avouer les abus et excès qu'il a commis par le passé et IL se lancera dans une croisade contre ce qu'il a construit. Il va, grâce à elle et son image de pureté et de sagesse, retrouver une certaine aura.

Comme dans toute lutte de pouvoir, il y a des vengeances, des règlements de compte, des drames et du sang versé, tous les sentiments sont mis à jour, on tombe les masques, on complote, car l'argent est un puissant révélateur des vrais désirs et caractères de chacun. Certains seront prêts à tout pour obtenir ce qu'ils estiment leur revenir de droit.

L'arrivée de Jivan, le fils « bâtard » de Ranjit, parti depuis 15 ans aux Etats-Unis avec sa mère, élevé auparavant avec les filles de Bapuji et le fils légitime de Ranjit, va attiser les passions et en jouer pour enfin posséder ce qu'il pense juste de lui revenir.

Mais il n'est pas uniquement question de cela dans ce roman dense de près de 600 pages. Preti Taneja en profite pour décrire l'Inde avec ses contrastes, ses coutumes, ses parfums, ses rites et en particulier les mondes qui se confrontent et s'affrontent, celui de la pauvreté, du petit peuple, de l'extrême misère et celui clinquant, opulent des riches familles et dans le cas présent celle issue d'une lignée de maharajah, de leur grandeur et leur déchéance.

A travers les personnages féminins il est également question de la place des femmes dans le pays, dans le couple, le travail, la société ainsi que des homosexuels avec le personnage de Jeet.

C'est une fresque importante à la lecture exigeante par les multiples intervenants, les lieux et l'écriture mêlant termes indiens, traditions etc…. Malversations, trafics, argent détourné aucune difficulté à comprendre, par contre la crise mystique de Bapuji reste assez énigmatique pour moi : réalité ou mystification, je pense qu'elle n'est finalement que le prétexte au drame. J'aurai également aimé que le personnage de Sita soit plus approfondi et elle reste pour moi assez mystérieuse.

Par contre en choisissant de donner à Bapuji un rôle de gourou, sujet à des crises de folie parfois sanguinaires, se lançant avec sa mère, Nanu, femme de 90 ans, aux allures de harpie, dans une marche pour la liberté, pratiquant le jeun et appelant à la révolte contre tout ce qu'il a construit par le passé Preti Taneja aborde les mouvements de masse, aveuglés du passé, fascinés par cet homme vieillissant qui a tout abandonné.

Certaines scènes assez violentes parsèment le récit car dans cette lutte à mort pour le pouvoir tous les coups sont permis. La lutte entre les deux soeurs aînées fait apparaître les jalousies tenues sous silence. L'une est ivre de pouvoir lui sacrifiant tout, l'autre, dominée par son mari, frustrée de n'être qu'un objet de plaisir se vengera des années endurées à parfaire son image. Leur seul lien : Jivan que les deux femmes convoitent et qui va devenir un enjeu, mais il sait où placer ses pions et ne sera pas qu'un objet de convoitise.

Qui parle d'Inde parle des strates de la société comme dans le bidonville de Dhimbala qui borde le complexe hôtelier de la Compagnie,composé de 9 cercles, 9 degrés dans l'échelle de la pauvreté du lieu. Dans ce lieu Jeet devient Rudra, il se fond dans les plus démunis lui qui a perdu l'amour de celui qu'il aime Vix, son amour interdit.

C'est une oeuvre ambitieuse et exigeante qui demande de se poser en spectacteur d'un drame en 6 actes, où chaque narrateur défend sa position et expose ses arguments. prêt à tout pour obtenir ce qu'il pense juste par rapport à son travail et ses sacrifices, mais Preti Taneja le fait avec maîtrise. Elle donne un souffle moderne, utilisant les travers de notre époque : argent, drogue, puissance et pouvoir mais aussi ceux de son pays d'origine. J'ai eu malgré tout parfois le sentiment de ne pas avancer mais sans jamais perdre le fil de l'histoire.
Lien : https://mumudanslebocage.wor..
Commenter  J’apprécie          150



Acheter ce livre sur
Fnac
Amazon
Decitre
Cultura
Rakuten
Ont apprécié cette critique (14)voir plus




{* *}