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Critique de Cyril_lect


Iroshi est un salary-men de Tokyo comme on doit en croiser tous les jours.Vaguement alcoolique, étranger à sa propre famille, sa femme, ses filles et surtout à soi-même.
En déplacement, il se trompe de train et, lapsus, il prend celui qui le ramène à la ville de son enfance. Ayant deux heures à perdre avant de pouvoir reprendre le train en sens inverse, il repasse devant la maison de son enfance où il vécut enfant, vendue depuis longtemps. Ses pieds le mènent alors au cimetière sur la tombe de sa mère, sur laquelle il s'évanouit.
Lorsqu'il se réveille, quelque chose a changé.
Iroshi découvre avec effarement qu'il est revenu dans le corps de l'enfant de 14 ans qu'il était, trois décennies plus tôt. C'est un cauchemar, il va se réveiller, mais non. Il semble bien enfermé dans ce temps passé, où il peut revoir sa mère, sa grand-mère et son père.
Or c'est cette année là, l'année de ses 14 ans, où le père d'Iroshi est parti sans laisser d'adresse...


Disons le tout de suite, Quartier lointain est tout simplement un chef-d'oeuvre.

Taniguchi traite délicatement du passage de l'enfant à l'âge adulte, en faisant revisiter son propre passé à un individu pas très sympathique (ni antipathique non plus). Iroshi, enfermé dans son corps d'enfant redécouvre des saveurs, des émotions, des moments de famille heureuse, des moments d'éternité. Même le collège lui parait agréable ! Revoir ses parents, ses amis d'enfance, esquisser une histoire d'amour avec la jolie fille de l'époque... Taniguchi est incomparablement proustien. Pourtant, progressivement, Ishiro réalise que son présent de 14 ans se met à différer du passé qu'il a eu... Et s'il pouvait changer le cours des choses ? Et s'il pouvait retenir son père ? Et s'il pouvait découvrir le secret si bien caché qui a fait de ce père apparemment sans histoire, un disparu sans laisser d'adresse ?
Par une subtile inversion des temporalités, c'est en redevenant enfant que Ishiro va découvrir que ses parents sont des individus comme les autres avec leurs limites et leurs secrets. C'est en redevenant enfant que Ishiro devient adulte. Taniguchi gère ainsi de très nombreux niveaux de temporalités dans la narration : Ishiro adulte, Ishiro à 14 ans, les souvenirs de Ishiro à 14 ans et demi (donc le futur du héros au moment où il l'évoque, mais des souvenirs pour lui), l'histoire de la formation du couple de ses parents racontés par la grand-mère, à l'intérieur de laquelle le père de Ishiro raconte ses souvenirs de guerre. Cela semble compliqué, et pourtant, la narration est d'une extrême simplicité. On n'est jamais perdu, chaque pièce trouvant sa place, essentielle, dans l'histoire.
Formellement, là encore, la narration est typiquement proustienne prenant le temps de savourer le temps passé, perdu et retrouvé, sans mollesse aucune. Pour ma part j'ai particulièrement apprécié le sens de lecture occidental et non japonais (où on commence par la fin, je m'y perds). le tracé est fin et doux, les femmes, comme toujours chez Taniguchi, sont d'une très grande beauté témoignant de la tendresse de l'auteur pour ses personnages féminins.
À découvrir d'urgence si vous ne le connaissez pas encore.

Lien : http://leslecturesdecyril.bl..
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