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Critique de Dionysos89


Insidieusement, je tente vainement de rattraper l'énorme retard que j'ai vis-à-vis de Boudicca sur quantité de séries, cycles et bibliographies de grands auteurs, notamment de fantasy. Rachel Tanner en fait partie et L'empreinte des dieux constitue le premier tome de son diptyque uchronique intitulé le Cycle de Mithra.

Rachel Tanner est passionnée d'histoire antique (et son métier d'historienne-archéologue n'étonnera personne vu ses références) et narre le voyage de la jeune Judith qui doit fuir à travers la Gaule, 1533 ans après la fondation de Rome (en 780 de notre ère si vous préférez). Pour transcrire ce haut Moyen Âge aux forts accents d'Antiquité tardive, le style de Rachel Tanner se fait très caractéristique de sa formation et de son métier d'historienne : elle pose parfaitement le cadre, ça ne va pas par quatre chemins, c'est à la fois clair et carré. Elle sait ce qu'elle dit, alors elle ne va pas nous embobiner avec des détails anecdotiques. Bien sûr, cela passe souvent par de la narration classique, mais mine de rien, cela se fait de moins en moins et c'est regrettable, tant trop d'auteurs misent sur des dialogues à rallonge. le tout est agrémenté de références historiques jouissives, teintées de mythes arthuriens, d'administration carolingienne et de révoltes barbares.
Sur ses solides connaissances, Rachel Tanner bâtit une uchronie passionnante qui naît de la non-conversion de masse de l'Empire romain au christianisme. À la place, c'est le mithraïsme qui prend le pas sur lui et devient religion officielle. Toutefois, malgré leurs vastes points communs, le mithraïsme est un culte à mystères bien plus élitiste certes (par le fait surtout qu'il conserve ses mystères malgré son expansion venue de l'est grâce à des officiers militaires), mais aussi un culte qui peut avoir une relative capacité à englober d'autres cultes tant il peut être protéiforme. À travers le pas de côté voulu par l'uchronie, l'autrice se lance allègrement dans des réflexions politiques et religieuses, démontrant combien la fantasy a à apporter à nos conditionnements sociaux. Gentiment, elle élabore une critique furieuse et magnifique de la religion dans tout ce qu'elle comporte de fanatisme et de contrainte sociale. Et cela va même plus loin dans l'analyse rigoureuse (mais agréable pour le lecteur) de l'évolution des empires et des civilisations en général : à trop vouloir s'uniformiser, ils se condamnent eux-mêmes.
Mais tout cela est en plus agrémenté d'une bonne dose de fantasy, et cela prend tout son sens quand on se replace dans le contexte de publication du roman. En effet, se lancer dans la fantasy du XXIe siècle semble aller de soi aujourd'hui avec l'énorme panel d'auteurs francophones, anglophones et autres à notre disposition, mais sorti d'abord en 2000, ce roman s'inscrit d'abord dans un renouveau complet de l'imaginaire français par l'influence de grands auteurs anglo-saxons et l'usage érudit de l'Histoire davantage francisée. L'héroïne est ici entraînée classiquement dans l'aventure par un élément déclencheur que je vous laisse découvrir, mais toujours est-il qu'elle préfère défendre la religion de ses ancêtres face au mithraïsme qui cherche à dominer sans plus aucune discussion. Cette quête personnelle passe par l'apprentissage d'une magie païenne par l'intermédiaire d'une Ygrene, magicienne diabolique, qui s'oppose à la montée en puissance d'une prêtresse de Mithra.

Rachel Tanner nous propose ainsi un premier tome truffé de références historiques cachées mais surtout dominé par la tentation magique, les prophéties divines et l'attrait de batailles dévastatrices. L'Empreinte des dieux fut mon premier coup de coeur de l'année 2016 et j'ai mis onze mois pour en écrire une critique à peu près potable ! C'est un roman à lire, ne serait-ce que pour savourer une narration « à la Tanner », autrice qui se fait trop rare à mon goût (mais publie heureusement des nouvelles).

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