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Critique de GeorgesSmiley


J'ai adoré ce roman, variation lointaine de Crime et Châtiment, et cela tient pour beaucoup, aussi bizarre que cela puisse paraître, au cadre dans lequel il se déroule.
C'est assez délicieux, pour quelqu'un comme moi qui n'a connu de l'université que les préfabriqués des campus sans charme des seventies, les polycopiés et les cours ânonnés à la va vite dans des amphithéâtres bondés en octobre puis anémiés dès janvier, de se retrouver dans une ambiance autrement plus séduisante.
« Des prairies radieuses, des montagnes vaporeuses dans un lointain frémissant ; un épais tapis de feuilles sur une route dans les bourrasques de l'automne ; les grands feux et le brouillard dans les vallées; des violoncelles, des fenêtres obscures, la neige. Université de Hampden dans le Vermont. Cinq cents étudiants…J'ai longuement regardé l'image du bâtiment qu'on appelait le Collège. Il était baigné d'une lumière indistincte, académique, une lumière qui m'évoquait de longues heures en bibliothèque, des vieux livres et le silence. »
Richard, le narrateur, le confirme : « J'ai passé les premiers jours, avant le début des cours, seul dans ma chambre blanchie à la chaux, au milieu des prés lumineux de Hampden. Et à ce moment j'ai été heureux comme je ne l'avais jamais été ; j'errais comme un somnambule, abasourdi et ivre de beauté. »
Il intègre le cours de grec ancien qui ne compte que six étudiants et est assuré par un esthète assez original pour renoncer à ses émoluments. Richard le californien, issu d'une famille modeste et d'un patelin perdu, est vite fasciné par les cinq autres, élégants, cultivés et ne manquant jamais d'argent. Il s'invente un passé beaucoup plus brillant que le vrai dans l'espoir d'être adopté. Il finit par être admis ou le croit. D'informations parcellaires en déductions hasardeuses, il pense connaître les cinq autres et s'être lié d'amitié avec eux. Il se retrouve, en fin de compte, complice d'un double meurtre. Les apparences sont souvent trompeuses et le titre, emprunté à Dionysos* souvent qualifié de la sorte, résume bien le piège dans lequel le narrateur est tombé. Fasciné par des illusions, il sera passé très vite du rêve au cauchemar.
C'est un roman très difficile à lâcher, tout en faux semblants et contrepieds. Il décrit une jeunesse cultivée, érudite mais aussi égoïste, calculatrice, dissimulatrice, perfide, sans pitié et sans remords. Ils étudient beaucoup et conversent en grec ancien, mais fument, boivent et vomissent presqu'autant sans oublier d'avaler quantité de psychotropes et de jeter l'argent (de leurs parents) par les fenêtres. le style et la construction (un découpage en scènes très courtes comme pour un scénario de cinéma) rendent la lecture d'autant plus agréable que la tension monte tout au long du récit avec deux lancinantes questions : un des cinq assassins retrouvera-t-il une parcelle d'humanité pour avouer ? Quel châtiment les attend ?
*« Dionysos est le Maître des Illusions, capable de faire pousser une vigne sur la planche d'un navire, et en général de faire voir à ses fidèles le monde tel qu'il n'est pas. »
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