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Critique de Nastasia-B


Ceux qui me connaissent un petit peu savent que j'aime, de temps à autres, me faire l'avocate soit du diable, soit des causes perdues. Et bien que j'aie déjà proposé un commentaire pour chacune des deux pièces qui composent cet ouvrage, j'aimerais amener votre attention sur cette édition en particulier.

Nous savons tous que les très vieilles éditions du « Livre de Poche » ont auprès de beaucoup une réputation de ringardise absolue, esthétiquement, surtout, mais aussi pour la piètre qualité du papier ou de la reliure, ou encore pour l'appareil critique inexistant, et cætera, et cætera, j'en passe comme vous pouvez vous le figurer. En somme, à l'heure du tout numérique, du high-tech, du flashy, du supersonique, ces vieux livres jaunis ne valent même pas le coup de talon qu'ils suscitent dans l'esprit de certaines et certains.

Nonobstant, au risque d'en surprendre quelques uns, j'ai une affection toute particulière pour ces mal-aimées chez les classiques de poche.

Premièrement, elles conservent totalement ce qui fit leur succès en leur temps, à savoir une extrême modicité de coût quasi imbattable sur le marché de l'occasion.

Deuxièmement, et on ne le souligne jamais (ou jamais assez), je constate que ces vieilles reliques du Livre de Poche n'ont à rougir devant personne quant au nombre des coquilles, surtout pas devant Folio ni même la pourtant fort prestigieuse Pléiade.

Troisièmement, et là encore on n'en fait guère de cas, je veux parler de la pertinence des choix éditoriaux, souvent copiés par la concurrence, mais dont tout le mérite devrait revenir en premier lieu à cette collection.

Ceci nous ramène à ces deux pièces de Tchékhov. En effet, quelle bonne idée de les proposer ensemble, ces deux-là, et non deux autres. Certes, on peut toujours plaider en faveur du hasard qui, pour le coup, aurait été heureux. On ne peut l'exclure, mais je n'en crois pas une lettre. Ces deux pièces ont évidemment des rapports multiples qu'il est très intéressant de mettre en miroir.

L'une comme l'autre ont pour cadre une grosse maison à la campagne où les personnes qui y résident se sentent perdus loin de la vie de la ville. Les deux ont comme dénominateur commun d'avoir pour héros des êtres ratés, frustrés, dont le potentiel se délite et n'aura jamais été reconnu à sa vraie valeur. Dans les deux, l'auteur témoigne de l'aspect fugace, fragile et dérisoire d'une seule existence humaine à l'échelle des temps.

Ces pièces sont aussi radicalement symétriques ou de forme inverse. Dans l'une, le personnage du médecin, cher à Tchékhov, est le seul à sembler être lucide, dans l'autre, c'est le plus égaré et le plus profondément altéré de tous.

Dans l'une, la femme qui est la pièce rapportée de la famille provoque l'explosion de l'assemblée, dans l'autre, cette même femme joue l'implosion par un travail de sape souterrain et maintenu pendant plusieurs années. Dans une pièce, le scientifique raté qui a épousé la femme-piège quitte le noyau familial avec son épouse, dans l'autre, c'est le noyau familial qui finalement quitte le couple du scientifique raté et de la femme-piège.

On pourrait multiplier de la sorte et pendant un bon moment les analogies et les dissemblances symétriques rigoureusement opposées, mais je pense que le constat est clair. C'était rudement bien vu, mesdames et messieurs les éditeurs de cette époque du « Livre de Poche », d'avoir choisi ce rapprochement-là, et je vous tire mon chapeau.

Mais ce chapeau, vous le savez, n'a sans doute pas beaucoup d'allure, il ne taille pas bien grand, car il n'épouse que mon avis, c'est-à-dire bien peu de chose…
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