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Critique de manoloula


« Liens de sang » est un roman singulier. Déjà, la symbolique du titre joue sur l'ambiguïté avec les liens « du » sang. Ici, il s'agit de l'immolation de l'Algérie, sous le joug de la colonisation et de l'intégrisme, avec ses ramifications sanglantes de rivières enragées qui vont irriguer de folie les rapports humains et dévaster le pays ! le récit nous emportera dans l'ampleur d'une grande fresque mais aussi nous fera pénétrer les vaisseaux sanguins de la chair de l'être…

C'est à partir du regard humaniste de trois femmes silencieuses que le roman est bâti. Chaque chapitre est dévolu à l'une d'entre d'elles, qui se raconte, témoigne de son parcours d'engagement sur le terrain, de ses joies, de ses peines, questionne. Les faits historiques, mêlés à la fiction, sont réincarnés dans l'écriture, et le mot, désincarcéré, frappe fort. Les chapitres, fulgurants, sans cesse renouvelés de la diversité des destins, s'enchaînent à la cadence des vagues. Mirage des images, des paysages paradisiaques de miniature précieuse, ensoleillés de touches impressionnistes, côtoient l'enfer expressionniste des fléaux !

Janine Teisson écorce la nature de l'âme humaine ! Son regard sonde les profondeurs ; rien ne lui échappe car elle attrape tout à bras-le-corps ! le corps dont elle fait sa substance et qui exsude de partout ! Souffrance, exultation, tendresse en osmose avec la bonté. Sensualité toujours en éveil au fil de trame du souvenir…

Sa grand-mère du côté de l'Afrique, d'un coup de poing sur une gousse d'ail, en faisait gicler instantanément l'amande ! En écho, l'écriture du roman empoigne, cogne ! Phrases écourtées, concises, en droite ligne du questionnement. le peu, pour dire beaucoup, comme l'expression de l'enfant en bas âge. Et si ses nombreuses publications de livres pour la jeunesse signifiaient que Janine Teisson avait gardé l'étonnement de l'enfance ? Sa vision sans appel, absolue de justesse, de justice, sans concession, non convenue, fascinerait-t-elle la vérité ?

L'écriture est entrelacée d'une réflexion philosophique. Janine Teisson ne nous mène pas en bateau ! L'innommable, elle le nomme sans détours ! le récite en litanie comme les écoliers dans la cour de récréation ; jeu de massacre de l'opprobre ? Les histoires pour enfants sont les plus cruelles, souvent monstrueuses. La grâce de l'enfance les reçoit avec curiosité de risque, les yeux écarquillés, sans préjugé. A la manière du coeur de Janine Teisson ! Ecriture de l'espoir ! La chute du roman se relève aussitôt, de sa foi en l'avenir des liens d'amour...

On s'attache au rayonnement de ce roman. Il appelle à la relecture comme un livre de spiritualité. Pourquoi pas aussi, à l'occasion, se faire la surprise jubilatoire d'ouvrir le livre rouge et noir, au hasard ? Ce sera la plupart du temps un court chapitre qui se présentera, autonome, sans nécessité de contexte, tel un poème, parce que ce roman n'a ni commencement ni fin et que son liant est de la poésie qui transcende !

Marie-Lydie Joffre le 1-09- 2010
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