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Critique de motspourmots


Cela faisait longtemps que je voulais faire connaissance avec l'univers d'Irina Teodorescu, alors merci à Babelio et Masse critique d'avoir exaucé mon souhait .
D'abord parce que j'en avais beaucoup entendu parler, ensuite parce que nos origines partagées ont forcément amplifié mon intérêt. La différence est que moi je suis née en France, je ne connais de la Roumanie que ce que les membres de ma famille qui y ont vécu m'ont raconté ou ce que j'en ai lu, notamment à travers la presse relatant l'actualité mais également à travers des romans. Pourtant, il y a quelque chose de subtil, une atmosphère, un ton, quelque chose de pas très facile à définir, une sensation d'appartenance qui crée un lien spécial, une appréhension immédiate du sujet. Disons une affinité particulière.

Dans ce roman, le pays n'est jamais nommé, les noms et prénoms faits d'une ou deux syllabes ne renvoient volontairement à aucune nationalité. La dictature est malheureusement universelle, elle a déjà été éprouvée à l'Est comme à l'Ouest, elle peut tomber sur n'importe qui. Tout juste est-il indiqué qu'après une guerre meurtrière, la Nouvelle Société a commencé à être instaurée sous la houlette d'un Haut Commanditaire dont on sent peu à peu le poids étouffer les libertés individuelles derrière des images hypocrites envoyées à destination de l'International. C'est ici que grandit Bo, né à la fin de la guerre, devenu ingénieur et inventeur de génie sous la surveillance de l'Etat qui se fait fort de gérer la matière grise de ses ressortissants. Et qui, devenu père se verra proposer un horrible marché pour avoir le droit de faire soigner son fils malade. Comment vit-on dans un environnement où tout est rationné, surveillé voire interdit ? Comment garde-t-on une certaine joie de vivre, une confiance en l'avenir, en l'autre ? Dans un pays où "la chose est très simple, soit tu hais la milice, soit tu es la milice".

L'univers d'Irina Teodorescu est d'une force rare, servi par une plume qui s'autorise la fantaisie et la poésie pour mieux souligner son propos. C'est agréable de s'y laisser couler surtout après des dizaines de lectures très ancrées dans le réel et le premier degré. Ici, le léger décalage, l'effet d'intemporalité permettent de créer le twist qui déplace le point de vue tout en le rattachant bien à une réalité. Ce qu'elle souligne ce sont ces minces espaces de liberté qui persistent quand tout est sous contrainte ; le pouvoir de l'imaginaire, l'écriture, la transgression, le rêve... qui permettent d'alléger la pression. A moins que le couvercle de la cocotte-minute ne soit soudain définitivement scellé et que tout espoir disparaisse.

C'est un conte à la fois lumineux et désespéré. Une histoire d'hommes, d'entraves et d'espoirs vacillants. Qui pose la question du choix lorsqu'on ne l'a pas et du sens que l'on peut donner à une vie qui n'offre que peu d'options. Tout ceci réalisé avec beaucoup de subtilité et surtout une singularité qui marque durablement les esprits. Une découverte bien intéressante, qui a trouvé en moi un écho assez particulier.

"Tous ces pourquoi resteront à jamais inexpliqués, car dans cette vie, il n'y a pas de sens. Dans cette vie, on dirait qu'il n'y a que des objets qu'on garde et des objets qu'on jette, puisqu'il y a la fin et qu'à la fin plus rien n'a d'importance".
Lien : http://www.motspourmots.fr/2..
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