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Critique de Franswader


Nous avons un double. Un double électronique dont nous ne savons pas grand chose mais qui nous ressemble plus ou moins. Il a été construit au fur et à mesure des traces que nous avons laissées sur la Toile dont il est maintenant prisonnier. Une entreprise de collecte de renseignements s'est vantée un jour de pouvoir vendre 3000 informations sur chaque citoyen américain. Et même si vous n'avez pas de compte Facebook, celui-ci a un compte fantôme sur vous (votre double).
Mais la collecte de renseignements dépasse le cadre d'Internet. Ce sont toutes les caméras extraordinairement précises qui nous observent et, peut-être, nous reconnaissent, en ville. Ce sont tous les capteurs des appareils connectés qui, de plus en plus, vont nous entourer pour nous rendre la vie prétendument confortable. Une adresse IP pour chacun d'eux. Tout cela est invisible sans violence et ... sans cadre légal : c'est nous qui à chaque « contrat » en ligne que nous cochons d'une croix nous dépossédons nous-mêmes de notre vie privée. Cela jusqu'à changer les normes mêmes d'acceptabilité de ce qui est privé et ce qui ne l'est pas.
Olivier Tesquet nous brosse le tableau de ce bouleversement civilisationnel. Il nous en situe l'enjeu commercial (dresser pour chacun un profil de consommateur détaillé au point d'anticiper ses moindres désirs) et politique (nous surveiller et s'assurer là aussi de notre totale prévisibilité).
On semble moins se diriger vers une dystopie du style de 1984 que celle de Brazil : la dépendance de tous vis à vis d'une machine omniprésente, mais dont la puissance n'empêche pas la bureaucratie, les erreurs et l'arbitraire absurde.

Tirer les conséquences existentielles et philosophiques de cette évolution totalement inédite de notre humanité est de l'ordre de l'intuition et de la spiritualité. On sent qu'il se joue quelque chose de grave. Quelque chose qui ne va pas. Olivier Tesquet convoque ici et là les grands philosophes du XXe siècle, Foucault, Deleuze Levinas. etc. Mais c'est juste pour lancer des pistes qu'il nous reste à suivre, si nous voulons prendre la mesure de ce qui se trame.
Mettre en lumière un phénomène collectif, profond, obscur est déjà une première étape pour pouvoir le penser. Mais que vaut une pensée tiède qui se sentirait constamment surveillée ?
Paradoxalement, le livre nourrit le sentiment d'impuissance devant une évolution technique inéluctable.
Mais il donne tout de même quelques simples conseils pour ralentir et résister.
Brouiller les pistes. Ne pas se conformer pas à son double. Être totalement imprévisibles, et penser, se réapproprier les expériences sensorielles et mentales propres au temps long dont la technique nous dépossède avec sa persévérance de machine.
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