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Critique de LydiaB


Âmes sensibles s'abstenir ! Ce roman est d'une violence... il donne presque la nausée. Mais attention, ce n'est pas la faute de l'auteur. Non, c'est surtout de penser que cette histoire est réelle. le village de Hautefaye a, en effet, été le lieu d'une innommable barbarie. A l'heure actuelle, il y a encore une certaine honte. Une stèle commémorative ne sera d'ailleurs installée qu'en 1977, soit plus de cent ans après les faits...

Mais revenons un peu sur le déroulement : Nous sommes le 16 août 1870, un mois après la déclaration de guerre de la France à la Prusse. Les villageois, en ce jour de foire annuelle, commencent à apprendre que des défaites françaises ont eu lieu. Un des leurs vient de perdre son fils, mort glorieusement pour la Patrie. le jeune Alain de Monéys, aristocrate en charge d'un domaine, se rend à la foire. Il trouve son cousin, Camille de Maillard, résume et commente les nouvelles, allant jusqu'à lâcher : « L'empereur est foutu. Il n'a plus de cartouches. » Son ton arrogant ne plaît pas. Il effraie la population. Aussi, on l'accuse d'avoir crié « Vive la Prusse ! » le voyant poursuivi, Alain demande ce qu'il se passe et veut le défendre. Mal lui en prend :

- Eh bien, mes amis, que se passe-t-il ?...

- C'est votre cousin, explique un colporteur. Il a crié : « Vive la Prusse ! »

- Quoi ? Mais non ! Allons donc, j'étais auprès et ce n'est pas du tout ce que j'ai entendu. Et puis je connais assez de Maillard pour être bien sûr qu'il est impossible qu'un tel cri sorte de sa bouche : « Vive la Prusse »... Pourquoi pas « À bas la France ! » ?

- Qu'est-ce que vous venez de dire, vous ?

- Quoi ?

- Vous avez dit « À bas la France »...

- Hein ? Mais non !

- Si, vous l'avez dit ! Vous avez dit « À bas la France ».

Voici donc le point de départ du calvaire que va endurer par la suite Alain. Les villageois, rendus fous furieux par une haine insatiable vont le pourchasser et lui faire subir les pires tortures. Seuls trois ou quatre amis vont essayer de faire entendre raison, en vain, à cette horde déchaînée. On ne le reconnaît plus, lui qui était pourtant membre du conseil municipal et premier adjoint. On ne voit en lui qu'un Prussien, LE Prussien, celui qui va devoir payer pour le sang versé par leurs fils ou leurs pères. Teulé prend la peine, à chaque début de chapitre, de faire un croquis afin de nous montrer, suivant le déroulement des actes, où se trouve Alain. Ceci ressemble presque aux stations du Christ. Mais le pauvre homme ne finira pas sur la croix mais sur le bûcher, jeté à demi-mort dessus pour une ultime épreuve. Comble de la barbarie, les villageois feront couler sa graisse sur des tartines de pain et vont s'en délecter sauvagement et avidement. La femme de l'instituteur ira jusqu'à manger les parties intimes du supplicié, ce qu'elle appellera « les bonbons du baptême ». Quant au titre, « mangez-le si vous voulez », il vient de la phrase qu'aurait prononcé le maire.

Bizarrement, tout retombe soudain comme un soufflé (si j'ose employer cette métaphore culinaire). le corps carbonisé du pauvre homme est mis entre deux draps dans l'Église. le lendemain, les villageois semblent sortir de leur torpeur, comme s'ils se réveillaient d'un mauvais rêve. Mais toute une journée d'inhumanité, de barbarie sans nom laisse des traces. Bien entendu, ils seront jugés. Mais il est difficile d'instruire l'affaire... comment condamner tout un village ? On prend alors les cas les plus importants, les meneurs. Quatre seront condamnés à mort, neuf aux travaux forcés (dont un à perpétuité), six à la prison et un, âgé de 14 ans, à la maison de correction jusqu'à ses 21 ans.

Les esprits chagrins et chafouins (cela va de pair en général) m'argueront qu'un tel sujet ne pouvait que plaire à Jean Teulé, qui se complait souvent, par son style cru et enlevé, dans les descriptions des pires abominations. Certes. Mais en attendant, j'ai appris ce fait réel grâce à son livre. On ne l'enseigne pas (ou plus ?) dans les manuels d'Histoire, et pour cause....
Lien : http://www.lydiabonnaventure..
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