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Critique de JulienL0710


Le mot « création » est bien le maître mot de l'ouvrage d'Anne-Marie Thiesse, car ce qu'elle souhaite démontrer c'est que nos identités nationales, celles qui déterminent notre existence au sein de notre société, ont été construites. Et il est donc possible d'étudier les éléments qui ont permis l'émergence de notre structure sociétale, l'État-Nation. Car, depuis la Révolution française et l'émergence de la Nation comme acteur majeur de notre société, se dire appartenir à une nation est élémentaire voire même évident or il n'en a pas été toujours le cas.
On pense que le fait d'être Français, Anglais, Espagnol est une évidence et que ces identités existent depuis toujours. Or non, car elles sont issues d'un lent processus qui nous a mené jusque là. Jusqu'à cette fierté de se dire Français parce que l'Histoire nous l'enseigne et notre mode de vie nous le démontre.

Napoléon est certainement celui qui a favorisé ou accéléré ce processus avec l'apparition de chants héroïques écrits par les peuples soumis. Ces chants bardiques, d'origine celte, très en vogues au début du XIXème siècle, s'inspirent de l'Antiquité pour légitimer une bravoure. On fait alors remonter cette résistance à des temps bien lointains. C'est peut-être l'origine de la création des identités nationales.

Autre facteur de création d'identités nationales, les langues nationales, véhiculées à travers l'école a pour mission d'uniformiser une population disparate au sein d'un territoire bordé de frontières très contestées que l'on veut intégrées et protégées par tous.

Les tableaux épiques sont réalisés durant le XIXème siècle et mettent en valeur l'héroïsme de la Nation face à un oppresseur qui, dans le fond, uni les personnes qui la composent. L'insurrection belge de 1830 en est l'exemple. C'est l'ensemble de la nation, quelque soit son origine sociale, que l'on veut héroïser à travers ces mises en scènes glorieuses, presque louis-quatorziennes dans lesquelles la Nation prend la place du Roi.

La biologie, plus tard, vient justifier l'appartenance physique à un Nation. On est d'une même nation car on en a les traits physiques indispensables pour le démontrer. La race devient ainsi la preuve de cette appartenance. Et celle-ci ne peut pas tricher, car on n'acquiert pas une race, on naît avec contrairement à la langue, la religion ou la culture (p. 180). Ainsi, grâce à la race, on peut trier (matériellement) ceux qui appartiennent à une nation et en exclure naturellement les autres. On voit bien ici en germe toutes les dérives qui émergeront durant le XXème siècle.

Pour être légitime, la nation doit montrer, à ses voisins d'abord puis à tous ensuite, qu'elle est unique. le folklore vient ainsi représenter visuellement la nation. Il en est ainsi des fêtes populaires qui permettent l'union de tous à travers des célébrations que l'on veut faire croire ancestrales. L'objectif étant de perpétuer une tradition. Tradition ? L'essentiel est d'y croire et que son voisin, simple spectateur, y croit lui aussi.

On invente, on s'approprie, on intensifie certains usages d'une grande banalité pour en faire l'incarnation visuelle de la nation. Il en est ainsi du fameux kilt écossais inventé au début du XVIIIème siècle qui n'était à la base qu'un simple vêtement pour ceux qui extrayaient le charbon de bois dans le Lancaster. Il devient au XIXème siècle un moyen de se distinguer des bourgeois anglais vêtus de pantalons.

Enfin, la décadence est l'autre pendant de cette construction nationale. Elle guette chaque nation. Il faut donc s'en préserver et la sauvegarder à tout prix au risque de disparaître.
Nous sommes en pleine période de darwinisme et il est donc facile voire indispensable de hiérarchiser les races en fonction de leur « pureté » comme on le fait à la même époque pour le monde animal.

En conclusion l'auteur fait remarquer que le nationalisme s'intensifie de nouveau depuis la fin de la bipolarité du monde et à l'heure d'une mondialisation qui souhaite rassembler toutes les nations autour d'une vaste nation monde.

La nation est bien le ciment de notre société, et en comprendre l'origine peut nous permettre de relativiser certaines évidences.
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