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Critique de emdicanna


Un choc (littéraire).
Alice Thomas Ellis écrit "autrement". J'avais déjà lu "Les habits neufs de Margaret", dont j'avais dit : tout y est juste, les femmes y sont représentées telles qu'elles sont vraiment, c'est-à dire telles qu'on ne les montre pratiquement jamais.
Un réveillon mortel (mortel sera longtemps à prendre dans son sens figuré, jusqu'à la fin du livre où il prendra son sens propre) confirme cette faculté qu'a l'auteur de présenter à la fois l'endroit et l'envers du décor. de déballer tout, de ne jamais rester à la surface des évènements.
L'endroit, ce serait, comme dans presque tous les romans, l'histoire en elle-même, un petit groupe de personnes qui ne se connaissent pas et choisissent de passer Noël dans une auberge du fin fond de l'Ecosse. Il ne leur arrive pratiquement rien, jusqu'à la chute finale. Cela se lit bien, c'est bien écrit, au début il semble que ce soit un livre relaxant, pour la période des fêtes : vous vous endormez le soir (le livre est un assez bon somnifère) et quand vous vous réveillez le matin les personnages en sont toujours au même point, et vous avec eux.
L'envers, c'est la manière qu'a Alice Thomas Ellis de ne rien enjoliver, de ne rien omettre des non-dits des gens et même des aspects des choses : on sert des melons dont on a "ôté les parties abîmées", l'hôtelier "souleva la viande de boeuf d'un air morose pour s'assurer qu'elle avait bien décongelé", etc. Chaque convive est venu avec ses idées obsessionnelles, le psychanalyste y compris, Ronald, qui déteste son métier et ses patients, et sombre dans l'effroi de se retrouver seul chez lui. Il y a une actrice connue, Jessica, mais en fait elle ne joue que pour des spots publicitaires et boit beaucoup trop. Une petite vendeuse, Anita, se montera toute une histoire d'amour qu'elle est seule à imaginer possible. Et puis il y a Harry, qui vivait dans cette île, où sa femme et son fils se sont noyés, il y a longtemps. Et je ne parle pas de Jon... de plus, les autochtones rencontrés sont désespérants de bêtise et de vulgarité.
Petit à petit une atmosphère d'angoisse imprègne le livre. L'auteur sème de plus en plus de petits cailloux qui vont mener au dernier chapitre, là où le roman vire vraiment au fantastique. On ne se rend compte qu'à la fin que ce fantastique a été magnifiquement intégré dans le livre, page après page, bien avant la chute.
Il y a dans ce livre un humour noir absurde qui nous fait quelquefois éclater de rire, : "J'ai rencontré une dame qui tricote des pulls avec des motifs particuliers, de sorte que, si son mari ou son fils se noient, elle puisse identifier leur corps." Mais c'est aussi un humour désespéré, les relations entre les êtres humains nous étant présentées comme impossibles, chacun traînant avec lui ses obsessions qui l'empêchent de voir l'autre, et encore moins de l'entendre.
PS J'oubliais : c'est aussi un livre où il est souvent question de littérature, on y lit et on y écrit. C'est assez rare pour le noter.
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