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Critique de Eric75


L'Islande est un beau pays, et si vous devez vous y rendre, ajoutez le guide du routard à quelques bons polars islandais. Car vanter les charmes touristiques de l'Islande ne fait pas partie des préoccupations essentielles d'Arni Thorarinsson. La 4ème de couverture donne le ton avec un aperçu des festivités traditionnelles islandaises se déroulant lors du premier week-end d'août : « Chaque année, la grande fête des commerçants d'Akureyri, au Nord de l'Islande, apporte son lot de gueules de bois, de dépucelages, d'agressions et de viols ». A la page 76, on précise : « Ça dépasse les limites de l'entendement. Notre sommeil est bousillé par des cris et des hurlements de sioux. Cette bande-là baise dans les jardins et les parcs, ça pisse et ça chie partout. Pour couronner le tout, vous vous retrouvez avec une caillasse au milieu de votre salle à manger. Où donc ces sauvages ont-ils été élevés ? » Bienvenu en Islande. Plus loin : « Je contacte les organisateurs de la manifestation. On me répond que 99% des participants se sont bien tenu. » Nous voilà rassurés.
C'est dans cette ambiance qu'Einar, correspondant du « Journal du Soir » envoyé en exil à Akureyri dans le précédent roman (Le Temps de la sorcière) traque le fait divers pour son rédacteur en chef Trausti Löve, resté à Reykjavik. Ne manquant ni de flair ni de sources bien placées – dont Olafur Gisli, le commissaire principal d'Akureyri, ça aide bien – Einar tombe rapidement sur une affaire louche, dans laquelle il va devoir s'impliquer personnellement.
Une maison abandonnée que l'on dit hantée, une femme médium qui en sait trop mais n'en dit pas assez, une équipe américaine de tournage de films « érotiques » qui débarque sur les lieux, un crime sans cadavre, une baignoire dans laquelle on retrouve le cadavre... Les pièces du puzzle sont suffisamment hétéroclites pour retenir l'attention du lecteur et faire durer l'enquête. Les cadavres finissent par sortir des placards, et pas seulement ceux des bouteilles d'alcool et autres substances ingurgitées pendant la fête.
A la lecture de ce polar 100% islandais, on ne peut s'empêcher de comparer Einar et Erlendur, les héros récurrents d'Arni Thorarinsson et d'Arnaldur Indridason. Tous deux ont vécu un divorce difficile et surveillent d'un oeil discret les excentricités de leur progéniture, avec toutefois un sens de la paternité et des responsabilités plus prononcé chez Einar. Tous deux, avec des motivations différentes, traquent les criminels et conduisent des enquêtes complexes qui lèvent le voile sur les recoins les plus nauséeux de l'âme humaine. Et si Einar, de par sa profession, vise avant tout le scoop et les gros tirages (seuls critères entrant en ligne de compte aux yeux de sa hiérarchie), il conserve un sens élevé de l'éthique professionnelle et parvient à préserver un équilibre toujours fragile entre protection des sources et respect de la morale et de la justice. S'il n'a pas la possibilité de mettre lui-même les criminels derrière les barreaux, il entretient des liens subtils avec la police pour faire éclater au plus vite la vérité. En échange de quelques tuyaux publiables obtenus de son ami le commissaire, il fait avancer l'enquête et donne de sérieux coups de main à la police, par exemple en assurant une mission d'infiltration pour déceler un assassin potentiel.
Einar est un personnage attachant, au caractère enjoué, attentif à ses collègues et à sa famille, pratiquant volontiers l'autodérision (sur cet aspect, on est assez loin du caractère taciturne d'Erlendur). Il aime, quand il trouve le temps, cuisiner des petits plats pour sa fille, écouter de la rock-music, et n'hésite pas à fredonner les airs, en anglais non traduits dans le texte, de Ray Parker Jr (Ghostbusters), de Belinda Carlisle (Heaven is a place on earth) et des Kinks (Victoria, Death of a Clown). le Dresseur d'insectes sera le titre de l'article qu'il publiera sur cette affaire, tiré des paroles de Death of a Clown : « The trainer of insects is crouched on his knees, and frantically looking for runaway fleas » (le dresseur d'insectes est à genoux et cherche frénétiquement les puces fugitives). Les puces en question sont les victimes qui cherchent à échapper à leur bourreau, et quelques-unes y laisseront malheureusement leur peau.
L'Islande est un beau pays finalement, et si vous devez vous y rendre, n'oubliez pas une petite laine, un guide touristique ET vos romans d'Arnaldur Indridason et d'Arni Thorarinsson… avec eux, même l'été on frissonne !
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