Nous voudrions réévaluer l’importance d’événements lointains, fussent-ils des échecs cuisants, dans la constitution de la France contemporaine. (...) Les historiens traitent souvent ces catastrophes comme des épisodes distincts et n’accordent de véritable importance qu’au volet européen de cette déroute mondiale. Pourtant, il est aussi possible de voir la défaite de 1870-1871 comme le symptôme d’une crise plus profonde, surtout si l’on prête attention aux liens entre ces revers : le désastre mexicain entraîna une forte réduction des dépenses militaires qui facilita la victoire de la Prusse, laquelle déclencha la révolte de la Kabylie qui discrédita la politique bonapartiste en Algérie et diminua le prestige français en Égypte, au point d’y rendre possible la domination britannique. La débâcle ne fut pas seulement celle d’un régime politique, la monarchie bonapartiste, mais aussi celle d’une formation impériale principalement informelle, comparable par son ampleur à la désintégration d’autres empires, avant ou après le 19e siècle.