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Critique de JeanPierreV


Si l'on demandait à chacun de nous lecteurs, de citer un auteur et un titre d'un auteur indonésien, rares seraient sans doute ceux d'entre nous capables de le faire...Cette partie de notre monde nous est relativement méconnue, l'actualité l'ignore bien souvent.
Aussi quand dans un rayon nouveauté d'une médiathèque, vous trouvez "Une empreinte sur la terre" agrémenté d'un bandeau rouge "Le plus grand écrivain indonésien", il est impossible de résister à cet appel de l'inconnu.
Dès les premières pages vous êtes séduit et happé par cette écriture précise, par le personnage principal Minke.
Minke intègre l'école qui lui permettrait de devenir médecin d'Etat. Il doit se séparer de ses vêtements européens pour se vêtir à la mode javanaise, et même marcher pieds nus. Comme il se doit, il supportera un petit bizutage et des moqueries de ses camarades. Après quelques semaines d'école, il demande une permission de sortie exceptionnelle afin d'assister sur l'invitation du gouverneur général à une conférence sur l'avenir de l'Indonésie, colonie néerlandaise...L'action se passe à la fin du XIXème siècle...Le jeune homme invité dans la "cour des grands", parce qu'il est connu d'eux pour ses articles parus dans des journaux, impressionne ses camarades d'école, dont l'attitude change alors du tout au tout. Et là je me suis senti un peu perdu, par l'impression d'avoir "raté quelque chose". Pourquoi ce gamin est-il donc connu du gouverneur ?
La présentation du livre ne mentionne pas qu'il est le troisième d'une tétralogie Buru Quartet. Mais rassurez vous, il n'est pas indispensable d'avoir lu les autres titres pour apprécier...Je reste toutefois persuadé que la connaissance des deux ouvrages précédents donnerait encore plus de force à Minke, personnage principal, encore plus d'intérêt au livre.
Rapidement, Minke se rend compte que son avenir ne se trouve pas dans la médecine. Surtout quand il doit remettre une lettre à Mei, jeune professeur et activiste chinoise...
Minke est un homme de convictions. Il refuse d'être un médecin, fonctionnaire d'Etat. C'est un combattant. Son pays subit tant d'injustices, les colons néerlandais le pillent et interdisent tout développement, tout avenir.
Pramoedya Ananta Toer, par la voix et l'action de son personnage principal dénonce la mainmise des colons, l'exploitation du pays et de ses habitants. L'Europe est, à plusieurs reprises, montrée du doigt. "Si je pointe un fusil sur vous, que je vous dépouille de tous vos vêtements en ne vous laissant qu'un mouchoir pour cacher votre intimité et un demi-sen sur tout ce que vous possédiez, on ne peut pas appeler ça du commerce. Or c'est là le véritable visage de l'Europe coloniale."
Minke sera l'un de ces hommes qui permettra à ses compatriotes de s'élever, de sortir de cette mainmise. Il fera tout pour éveiller ses compatriotes vers l'émancipation en créant un syndicat, un journal et une association pour éduquer le plus grand nombre.
"Un peuple progressiste était capable de veiller à son propre bien-être, si peu nombreux fût-il et si exigu fût son territoire. Il était dans l'intérêt du gouvernement des Indes néerlandaises de limiter l'accès des indigènes aux sciences modernes pour les maintenir sous leur coupe. Ils devaient prendre en charge leurs propres affaires, leur propre développement. "
Roman fouillé et précis, essentiellement construit autour de conversations, des transcriptions de motivations d'hommes et de femmes, de leurs caractères. Mais j'ai parfois été un peu perdu par le nombre de personnages, perdu par des noms, perdu en partie parce que je n'avais pas à l'esprit tout le passé de chaque personnage.
Roman qui, toutefois, ne peut laisser indifférent, et qui ne peut qu'interpeller l'européen que je suis, ému par les charges contre la colonisation. J'ai été séduit et vivement intéressé par la trame historique du roman, par la découverte de ce territoire méconnu, de ses populations indigènes aux multiples langues, musulmanes ou chinoises, regroupées en caste, des paysans exploités pour le sucre, le tabac, le caoutchouc et parfois spoliés de leurs terres.
En fouillant un peu, on apprend que Pramoedya Ananta Toer a été emprisonné pour ses idées communistes, et que c'est là qu'il aurait pensé à écrire l'épopée de Minke.
Je vais essayer de prendre le temps de lire les deux ouvrages précédant "Une empreinte sur la terre" et le 4ème de l'épopée Buru Quartet.
Magnifique, mais parfois difficile découverte de cet auteur. On ne peut qu'être impressionné par le nombre de distinctions qu'il obtint...Il ne lui manque que le Prix Nobel.
Lien : https://mesbelleslectures.co..
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