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Critique de mimo26


le nouveau roman de Colm Tóibín a de quoi surprendre. Les contrées irlandaises paraissent bien loin dans cette réécriture férocement moderne du mythe grec de la malédiction des Atrides.
Une maison pleine de murmures et de rumeurs : mort, trahison et meurtre. Agamemnon est le roi de Mycènes, époux de Clytemnestre, et père d'Iphigénie, d'Electre, et d'Oreste. Après l'enlèvement d'Hélène, la femme de son frère Ménélas, Agamemnon décida de le venger. À la tête de l'expédition contre Troie, les bateaux de son armée furent bloqués dans leur avancée à cause du vent. Un devin déclara que seul le sacrifice d'Iphigénie pourrait apaiser les Dieux et apporter des vents favorables, cruciaux pour la victoire à Troie. Et c'est ainsi qu'Agamemnon décida d'assassiner sa fille.

« Parmi les dieux, plus aucun ne m'apporte son secours, plus aucun ne surveille mes actions ni ne connaît mes pensées. Je ne les invoque plus. Je vis seule avec la certitude que le temps des dieux est révolu. »

C'est le point de départ de ce roman dans lequel la mort est omniprésente : cette décision terrible d'assassiner sa propre fille au nom des Dieux et de la victoire guerrière. le meurtre d'Iphigénie entraîne une série d'événements en cascade, signant l'implosion irrémédiable de la famille. Clytemnestre, Oreste, Électre, vont tour à tour prêter leur voix pour raconter leur histoire. Clytemnestre n'écoute que sa douleur et son désir de vengeance. Errant dans le palais en attendant la fin de la guerre, elle préparera avec son amant le complot qui lui permettra d'assouvir sa rage et poignardera Agamemnon à mort le soir même de son retour glorieux. Mais les alliances qu'elle aura liées pour atteindre son objectif se retourneront contre elle. Oreste, enlevé et demeuré en exil pendant des années, s'interroge sur les actes de ses parents, confus sur ses loyautés et sur le monde qui l'entoure. Et Électre enfin, l'invisible, toujours dans l'ombre de sa soeur, celle qui ne compte pas et à laquelle on ne prête pas attention. Hantée par les disparus et par l'acte de sa mère, elle attend son heure, s'esquive, se glisse, observe.

« Tout ce que j'avais, c'étaient mes fantômes et mes souvenirs. Ma volonté farouche ne signifiait rien et n'engendrerait jamais rien. »

Les passages sur Clytemnestre sont incontestablement les plus réussis, suscitant une empathie inattendue pour cette mère à l'agonie après le meurtre de sa fille. Électre se trouve également doté d'une épaisseur psychologique qui n'apparaissait pas dans les mythes : une intelligence, une délicatesse et une sensibilité poignante.
Oreste un peu fade. Il a toujours l'air perdu, indécis, attendant que quelqu'un lui dise ce qu'il est censé faire ou penser.
Deux femmes fortes qui se battent et obtiennent justice en dépit de leur condition d'infériorité et de soumission présumée.

« Un temps viendra où les ombres m'enseveliront, je le sais. En attendant, je suis éveillée, ou presque. »

Une famille sanguinaire, dont le raisonnement est froid, calculé, réfléchi.
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