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Critique de ODP31


Tout est bien qui finit mal.
Le diable est une nouvelle tellement posthume qu'on se demande si Tolstoï ne l'a pas écrite après sa mort. Cela vous donne une idée (noire) de la joie de vivre qui anime ce récit.
Pour mettre son lecteur dans l'ambiance, Leon cite Saint Matthieu, premier disciple et percepteur, grand comique et saint patron des contrôleurs fiscaux… « Mais moi, je vous dis que quiconque regarde une femme pour la convoiter a déjà commis un adultère avec elle dans son coeur. » Je vous épargne les versets suivants, qui prônent des amputations préventives. En résumé, même plus le droit de regarder le menu. Je suis sûr qu'il a aussi inventé la TVA.
Si le diable se cache souvent dans les détails, chez Tolstoï, père d'enfants à la douzaine, on le trouve en général à la frontière de la chair et de l'esprit, à proximité donc du pantalon.
Possédé par la métaphysique, flagellé par ses vieux démons, l'immense auteur raconte le destin d'Eugène Irténiev, propriétaire terrien tiraillé entre son épouse Lise, aimante, dévouée, ennuyeuse et son ex-future maîtresse, Stepanida, paysanne peu farouche qui harcèle ses hormones et réveille la bête endormie. Quand le démon de midi passe de la sieste au cinq à sept.
On retrouve ici les symptômes de la crise mystique de l'auteur à la fin de sa vie et au début de sa mort qui diabolise les pouvoirs de séduction des femmes. Chez Tolstoï, le diable ne s'habillait pas encore en Prada, mais succube croque la pomme jusqu'au trognon. Moi, c'est plutôt les croustades.
Eugène, dont le prénom suffit à expliquer l'état dépressif, éprouve des désirs. Enfer et damnation. Comme le garçon adopte une morale à géométrie variable, il passe des pages à se repentir de ses pensées impures tout en laissant le diable le tirer par la queue et je ne parle pas d'inflation.
Inspiré d'un fait d'hiver russe où l'adultère est un mode de chauffage éco-irresponsable, Tolstoï excelle toujours dans l'autopsie des passions même s'il condamne à nouveau son personnage, indigne de Dieu, comme tous les hommes en ce bas monde. Son génie agit dans les passages où il laisse ses personnages vivre et il m'ennuie terriblement quand il s'indigne de leurs infructuosités. Leon, plus il vieillit et moins il pardonne. Triste fin pour un tel ogre de vie.
Au club des tourmentés de Tolstoï, en compétition avec Zweig sur le plus grand nombre de suicidés par page, Eugène est un peu trop falot pour crier au chef d'oeuvre.
Le diable est une nouvelle de crépuscule qui annonce les ténèbres d'un immense auteur.
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