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Boris de Schloezer (Traducteur)
EAN : 9782070301607
192 pages
Gallimard (20/05/2004)
3.86/5   347 notes
Résumé :
Le Diable, daté du 19 novembre 1889, fait partie des nombreuses œuvres (romans, nouvelles, pièces de théâtre, dialogues) encore inédites à la mort de Léon Tolstoï. La plupart d'entre elles ont été réunies en 1911 dans les Œuvres posthumes. Certains de ces textes remontent à 1883 (Le journal d'un fou), d'autres appartiennent aux dernières années de Tolstoï ; mais, d'une manière générale, ils peuvent tous être répartis en deux catégories : ceux que Tolstoï a écrits pa... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (64) Voir plus Ajouter une critique
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Le Diable est une nouvelle très fortement teintée de morale religieuse chrétienne, peut-être TROP fortement teintée de morale religieuse et, en ce sens, je ne considère pas que cela soit ce que Lev Tolstoï a fait de mieux, bien loin de là.

Ici, la femme est vénéneuse, le désir sexuel de l'homme est estampillé du sceau de Satan, ouh ! c'est méchant, c'est mal le sexe, ça brûle les vies, ça sème la douleur, rien de bon là-dedans, c'est l'oeuvre du diable, mes chers enfants. Je vous avoue que ce côté-ci de la nouvelle m'a plutôt agacée.

En outre, Tolstoï étant le grand conteur que l'on sait, la nouvelle se lit toute seule et même, avec un certain plaisir. Il n'a pas son pareil pour nous dépeindre les situations simples de la vie rurale, de même que l'intériorité des personnages, notamment le principal d'entre eux, Eugène Ivanovitch Irténiev, dont la psychologie, avec ses va-et-vient de marée n'est pas sans rappeler le Levine d'Anna Karénine, ou le protagoniste principal de la Mort D'Ivan Ilitch, à savoir, l'auteur lui-même qui, une nouvelle fois, insère beaucoup d'éléments autobiographiques dans son personnage.

Eugène Irténiev est donc un jeune propriétaire terrien de vingt-six ans, qui vient d'hériter d'une propriété déclinante mais surtout des dettes colossales que lui a légué son père avant de mourir. Il s'attache donc, tant bien que mal, à se familiariser aux travaux agricoles et à colmater les brèches dans les finances familiales.

Ce n'est pas une mince affaire et voilà qui lui soutire beaucoup de son temps et de son énergie… Mais pas toute son énergie… Il y a comme un truc qui pousse en lui et qui chaque jour lui rend la tâche plus pénible, un truc qui occupe toutes ses pensées, lui qui se croit honnête, brave et sérieux, un truc pas sérieux, une bagatelle, une envie de légèreté, une envie de se faire du bien auprès du sexe faible…

Attention ! voilà le grand Satan qui arrive, la femme avec ses doigts crochus et ses dents de vampire, prête à corrompre le coeur des hommes, prête à noyer l'humanité dans un ruisseau d'immondice, celle par qui tous les malheurs arrivent…

La suite, ma foi, ce sera à vous de la découvrir car je ne voudrais pas qu'on accuse encore la Femme, cette odieuse, cette abominable, d'un autre péché, véniel certes, mais péché tout de même, le tout contraire aux valeurs si charitablement promues par la très sainte, très noble et très c…… religion chrétienne. (Complétez avec l'adjectif qui vous convient, pour ma part, je sais lequel je prends.) D'ailleurs, c'est bien le diable si cet avis vaut quelque chose. Amen.
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Tout est bien qui finit mal.
Le diable est une nouvelle tellement posthume qu'on se demande si Tolstoï ne l'a pas écrite après sa mort. Cela vous donne une idée (noire) de la joie de vivre qui anime ce récit.
Pour mettre son lecteur dans l'ambiance, Leon cite Saint Matthieu, premier disciple et percepteur, grand comique et saint patron des contrôleurs fiscaux… « Mais moi, je vous dis que quiconque regarde une femme pour la convoiter a déjà commis un adultère avec elle dans son coeur. » Je vous épargne les versets suivants, qui prônent des amputations préventives. En résumé, même plus le droit de regarder le menu. Je suis sûr qu'il a aussi inventé la TVA.
Si le diable se cache souvent dans les détails, chez Tolstoï, père d'enfants à la douzaine, on le trouve en général à la frontière de la chair et de l'esprit, à proximité donc du pantalon.
Possédé par la métaphysique, flagellé par ses vieux démons, l'immense auteur raconte le destin d'Eugène Irténiev, propriétaire terrien tiraillé entre son épouse Lise, aimante, dévouée, ennuyeuse et son ex-future maîtresse, Stepanida, paysanne peu farouche qui harcèle ses hormones et réveille la bête endormie. Quand le démon de midi passe de la sieste au cinq à sept.
On retrouve ici les symptômes de la crise mystique de l'auteur à la fin de sa vie et au début de sa mort qui diabolise les pouvoirs de séduction des femmes. Chez Tolstoï, le diable ne s'habillait pas encore en Prada, mais succube croque la pomme jusqu'au trognon. Moi, c'est plutôt les croustades.
Eugène, dont le prénom suffit à expliquer l'état dépressif, éprouve des désirs. Enfer et damnation. Comme le garçon adopte une morale à géométrie variable, il passe des pages à se repentir de ses pensées impures tout en laissant le diable le tirer par la queue et je ne parle pas d'inflation.
Inspiré d'un fait d'hiver russe où l'adultère est un mode de chauffage éco-irresponsable, Tolstoï excelle toujours dans l'autopsie des passions même s'il condamne à nouveau son personnage, indigne de Dieu, comme tous les hommes en ce bas monde. Son génie agit dans les passages où il laisse ses personnages vivre et il m'ennuie terriblement quand il s'indigne de leurs infructuosités. Leon, plus il vieillit et moins il pardonne. Triste fin pour un tel ogre de vie.
Au club des tourmentés de Tolstoï, en compétition avec Zweig sur le plus grand nombre de suicidés par page, Eugène est un peu trop falot pour crier au chef d'oeuvre.
Le diable est une nouvelle de crépuscule qui annonce les ténèbres d'un immense auteur.
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Comme si Tolstoï se remémorait ses années de jeunesse colorée loin d'être triste, comme si il prenait un plaisir particulier à évoquer les danses des paysannes qui l'ont affolé, comme s'il regrettait ce temps passé, où rien n'était grave, comme si, d'ailleurs, il voulait à tout prix rendre hommage à la petite Axinia, dont il a eu un fils, et qui continue à laver le plancher comme l'héroïne du Diable le fait , au grand dam de Sonia/Sophie, jalouse à en crever .

Dans « le diable », l'arrivée à la campagne du héros lui pose problème : comment faire ? comment consommer, et qui ? En ville, tout est facile, même si Irténiev ne se croit pas débauché, il n'est quand même pas un moine. Il payait, et donc ne se sentait aucunement attaché, il fortifiait sa santé, rien de plus innocent.

Une chose est sûre, la continence non voulue lui est insupportable, alors, alors.

Facile, une paysanne mariée se présente, tout va bien, plaisir réciproque, liberté assurée, chacun sa place.
Sauf que la femme, belle comme le jour, danse, et l'ensorcelle : c'est elle qui le possède, avec ses robes brodées jaunes et son fichu rouge vif, (ou le contraire) pieds nus, elle danse.
Elle est libre, cette serve, elle rit et elle se moque, désinvolte, elle fanfaronne, elle ne comprend absolument pas le problème de conscience que se monte soudain Eugène Irténiev.
Car depuis il s'est marié, avec une femme passionnément amoureuse de lui, aimante et compréhensive. Elle l'aime, le comprend, elle sent ses moindres changements d'humeur, elle apaise sa propre mère pour écarter de son mari tout sentiment douloureux.

Oui, mais il désire l'autre, ne veut pas que cela lui arrive, mais elle est plus forte que lui, sans rien faire qu'apparaître de temps en temps, et qu' échapper aux rendez vous, il est vaincu, une force étrangère le possède. Un petit juge intérieur lui souffle que ce qu'il ne peut éviter reste répréhensible et criminel.

Conclusion plutôt cul-cul la praline après un plan-cul assez bien explicite.
Et une fin tragique
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Pas de suspense ici : dès le début, Tolstoï nous dévoile l'intrigue de sa nouvelle, en citant Matthieu, V, 28. Allez, bonne fille, je vous recopie la citation (pour les athées, les non catholiques et les autres) : « Et moi je vous dis que quiconque regarde une femme avec concupiscence a déjà accompli l'amour avec elle dans son coeur. » Bon, ceci dit en passant et tout à fait hors propos, si tous les violeurs pouvaient avoir été biberonnés avec cette citation, on pourrait peut-être de nouveau occuper l'espace public, s'habiller comme bon nous semble, et se promener seule le soir.

Donc, vous l'aurez compris, on ne lira pas cette nouvelle pour l'histoire, puisqu'elle est entièrement contenue dans la citation ci-dessus. Mais bien plutôt pour l'écriture car oui on se laisse porter par la justesse du propos, par la finesse d'écriture, par un sens de l'équilibre entre action, description et introspection.

Cette nouvelle est une bonne façon d'approcher tout petit tout doux non pas du diable mais du monstre (ceci dit avec énormément de respect, non pas dans le sens de « monstrueux » mais dans le sens de « grandiose », d' « énorme », d' « incontournable ») qu'est Tolstoï. Et le plaisir ressenti est pour moi un bon indicateur pour continuer à découvrir ce fameux écrivain. C'est peut-être même le seul indicateur valable, ce fameux plaisir.
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L'une des nombreuses nouvelles de Tolstoï consacrées à son sujet fétiche : la vie maritale. Décidément cela avait l'air de l'obséder, surtout vers la fin de sa vie. En même temps, sa relation avec son épouse avait l'air passablement compliquée. Mais ce texte-ci est surprenant à deux égards : il ne parle qu'indirectement de religion, et directement de sexualité. En général, chez Tolstoï, c'est plutôt l'inverse.

Eugène Ivanovitch Irténiev mène la vie oisive de jeune fils de famille à Saint Petersburg. Comme tous ses pareils, il a de l'argent de poche, une place dans l'armée et un arrangement avec une couturière qui lui sert de maitresse/courtisane/prostituée plus ou moins attitrée. Tout change le jour où son père meurt. Il décide de reprendre la gestion du domaine, découvre que celui-ci est grevé d'hypothèques, part vivre à la campagne, se lance dans le travail à corps perdu. Mais au bout de quelques mois, son célibat forcé commence à lui peser. Il conclut un nouvel arrangement avec une paysanne, Stepanida. Cela dure quelques temps, puis il rencontre une jeune fille de la noblesse, en tombe amoureux, l'épouse. Leur couple est heureux ; ils ont un enfant. Il aime sincèrement son épouse, celle-ci le place sur un piédestal. Mais un jour, il recroise cette paysanne qu'il avait totalement oubliée. Et il est pris pour elle d'un furieux, irrépressible désir…

De façon étonnante pour un écrivain dont certains personnages n'hésitent pas à se couper un doigt plutôt que de succomber à la tentation, il est donc ici question de frustration sexuelle. le religieux entre très peu dans les sentiments d'Irténiev : recourir à des services sexuels tarifés ne lui cause aucune honte. Tous ses tourments viennent du fait qu'il est vraiment tombé amoureux de Stepanida, et que s'il donne libre cours à ses sentiments il ruinera la vie de sa femme, et par la même occasion celle de son enfant. L'histoire a donc quelque chose de curieusement moderne – en fait, on n'est pas très loin d'un scénario à la Woody Allen, avec quelques scrupules en plus pour le personnage principal masculin.
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Citations et extraits (40) Voir plus Ajouter une citation
Les plus fous sont indubitablement ceux qui décèlent chez les autres les signes de la folie qu'ils ne voient pas en eux.
(самые же душевнобольные — это несомненно те, которые в других людях видят признаки сумасшествия, которых в себе не видят.)

Chapitre XX.
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Tout était beau, joyeux et pur dans la maison. Tout était laid, sale, horrible dans son âme.
(Все было так хорошо, радостно, чисто в доме; а в душе его было грязно, мерзко, ужасно.)

Chapitre XVI.
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On croit généralement que le conservatisme est le plus répandu chez les gens âgés, tandis que chez les jeunes c'est le progressisme. Ce n'est pas tout à fait exact. C'est chez les jeunes que le conservatisme est le plus répandu. Les jeunes, qui veulent vivre mais ne réfléchissent pas et non pas le temps de réfléchir à comment il faut vivre, et prennent pour modèle la vie telle qu'elle fut.
Ainsi fit Eugène. Son rêve, son idéal, maintenant qu'il habitait à la campagne, était de ressusciter le genre de vie qu'avait établi non pas son père - son père avait été un mauvais maître - mais son grand-père.
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Après le déjeuner, tout le monde se dispersa. Selon un ordre bien établi, Eugène, alla dans son cabinet de travail. Au lieu de lire ou d’écrire des lettres, il s’assit et se mit à réfléchir en fumant une cigarette après l’autre. Il était terriblement surpris et peiné que ce soit manifesté en lui de façon inattendue ce mauvais sentiment dont il se croyait libéré depuis son mariage. Jamais depuis il n’avait éprouvé ce sentiment, ni pour elle, cette femme qu’il avait connue, ni pour une autre, la sienne exceptée. Il s’était maintes fois réjoui en lui-même de cette libération, et voilà que brusquement un hasard, un hasard si insignifiant, semblait-il, lui révélait soudain qu’il n’était pas libre. Ce qui le tourmentait à présent ce n’était pas qu’il était à nouveau asservi à ce sentiment, qu’il désirait cette femme - cela, il ne voulait même pas y penser -, c’était que ce sentiment vivait en lui et qu’il lui faillait être sur ses gardes face à lui. Qu’il réussirait à vaincre ce sentiment, il n’y avait en lui-même pas le moindre doute.

267 - [Folio n° 5170, p. 50]
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L’homme souffre des tremblements de terre, des épidémies, des horreurs de la maladie, de tous les tourments de l’âme, mais, de tout temps, la tragédie la plus douloureuse pour lui a été, est et sera la tragédie de l’alcôve.
( cité dans la postface du Diable par Geneviève Bulli )
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