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Critique de MarcelP


Trois nouvelles et quelques souvenirs arrachés à la mort.

Laissons de côté "Les chatons aveugles", court récit qui prépare le magnum opus "Il Gattopardo" ("Le Guépard") ainsi que "La joie et la Loi", drôlatique conte de Noël sans véritable intérêt et attachons-nous plutôt à ces deux joyaux "Le professeur et la sirène" et "Souvenirs d'enfance".

La nouvelle qui donne son titre au recueil brille d'un éclat adamantin. D'un indice de réfraction très élevé, ce petit bijou éblouit par la sobriété, la limpidité d'une écriture de la plus belle eau, précise, ciselée et par ce qu'elle révèle, en transparence, de l'auteur. Un vieux professeur, plein d'une morgue hautaine, confie son secret à un jeune disciple de hasard : son unique amour, il le vécut avec Lighea, accorte sirène qui le séduisit au sortir de l'adolescence et le hante toujours sans relâche. L'amour plus fort que la mort! L'éminent Rosario La Ciura rejoindra sa bien-aimée, dans une union d'outre-vie à l'instar de Pandora et son Hollandais volant ou de Peter Ibbetson.

Les "Souvenirs d'enfance" de Lampedusa, inachevés, sont d'une beauté plus grande encore. En suivant "la méthode du regroupement par sujets, en cherchant à donner une impression globale dans l'espace plutôt que dans la succession temporelle", l'écrivain effeuille les fleurettes de son âge tendre et ces quelques pétales mémoriels émeuvent indiciblement. Cette recherche du temps perdu à la sicilienne est une longue déambulation dans les pièces vides de l'enfance d'où surgissent ça et là les bienveillants fantômes qui y sommeillent.

Absolument bouleversant, ces Ricordi d'infanzia, nous prennent par la main et la pointe du coeur et nous entraînent sur les routes poussiéreuses de la Sicile et dans les ruelles palermitaines, d'après le Risorgimento : un monde naissait cependant qu'un autre agonisait... D'escaliers en billiemi gris en maccheroni di zito, de vendangeurs trinacriens pesamment silencieux ("Tout travail est 'na camurria, un ennui, un blasphème contrevenant à l'éternel repos accordé par les dieux à nos lotus-eaters.") en grains de ricin écrasés et répandant une "surprise amère", Lampedusa convoque tous nos sens pour recréer le théâtre de ses balbutiements. le génie tutélaire de Proust, veille dans l'ombre : Santa Margherita (le Combray du Prince) possède ses "côtés" et en suivre les trajets, c'est, pour chaque lecteur, un retour à ses sources. Les souvenirs d'enfance sont des palimpsestes : s'y camouflent dans les interlignes effacés nos propres émotions.
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