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Critique de keria31


Original, déroutant et complexe.

Je n'ai jamais lu quoique ce soit qui lui ressemble. Chaque oeuvre, il est vrai, étant le fruit d'une création personnelle, ne peut être qu'en partie singulière. Mais là, il faut reconnaître que, par le choix du sujet d'abord, la façon dont il est traité, l'évolution même de l'intrigue, le ton, c'est particulièrement singulier. Tellement que j'ai du mal à résumer et dire de quoi ça parle. Non que je n'ai rien compris, au contraire, l'écriture est assez claire et on suit le fil de l'intrigue, la trajectoire des personnages mais l'oeuvre est dense, la galerie des portraits riche, les péripéties particulièrement déroutantes. Alors pas simple.
Disons, que le scénario évoque, en première ligne, l'itinéraire d'un homme Ignatius, un esprit brillant au physique ingrat qui, d'abord en marge de la société, va être poussé par sa mère, à chercher du travail : première démarche, faite à contrecoeur, qui va donner lieu à une série de mésaventures, de quiproquos et de scandales impressionnante. Ainsi Ignatius, devient, malgré lui, le moteur d'une dynamique événementielle qui va bouleverser le destin de bien d'autres...par l'effet de ricochets pour le pire ou le meilleur. Voilà comment un sujet, à priori banal, la recherche et l'expérience du travail, va se transformer en véritable épopée, digne d'un roman.

D'où le caractère éminemment psychologique de cette oeuvre. Les portraits des personnages sont taillés sur mesure, tous avec des réactions, des aptitudes bien marquées, souvent mêmes jusqu'à la caricature. du coup, les échanges sont vifs, très animées, souvent longs et injurieux. D'ailleurs l'auteur exagère tellement le ton virulent de ses dialogues que c'est parfois agaçant. Les réactions si égoïstes et méprisantes, la litanie des insultes qui sont ici développées donnent l'image d'une humanité particulièrement basse, souvent indigeste. Même si je reconnais que c'est ce qui fait l'unité de ton du roman, je trouve quand même que c'était trop, assez lourd. Quant au portrait d'Ignatius, cet obèse érudit et délirant dans l'incompréhension du monde et des autres, je l'ai trouvé pas si séduisant que ça. Certes, c'est bien celui qui mérite le 1er rôle, par sa complexité psychologique, les situations rocambolesques et éprouvantes qui lui arrivent et son "impact", malgré lui, sur la vie des autres. Mais bon en tant que héros, la littérature a fait bien mieux. Et le fait que ce soit un être à la lisière du monde ou en marge, c'est l'un des traits majeurs du héros en général : voire Batman, Superman ou encore mieux, selon moi, César, le chimpanzé surdoué de la Planète des singes...

Pour moi donc, le plus intéressant, c'est l'évolution même de l'intrigue. Car je défie quiconque d'avoir pu entrevoir où elle nous conduirait. Comment l'auteur parvient à entrecroiser des péripéties si diverses, des motivations si variées pour les intégrer dans un tout homogène. Et le moins que l'on puisse dire, c'est qu'il parvient bizarrement à articuler le désordre et l'ordre, le chaos de certaines situations et le sens qui en ressort. Avec vers la fin, des retournements surprenants qui s'enchaînent. Dénouement imprévisible garanti.

Enfin, je terminerai sur la critique sociale qui est faite par l'auteur. Il dresse une rapide peinture des moeurs de la Nouvelle Orléans qui est caractérisée par le goût de la fête, les bars, la drogue et l'impossible intégration des noirs qui sont soit victimes de la police, soit soumis à l'esclavage. Mais c'est certainement la société de consommation qui est la plus malmenée : Ignatius la méprise, la rejette tout en y participant malgré lui. Quand, il devient marchand de hot-dog, il affronte les pires conditions : froid, marche et port de charge, indifférence des passants, longue journée, autoritarisme du patron pour gagner 3 francs 6 sous...même le plus génial revanchard, est pris dans ses filets.

Bref, un chef d'oeuvre qui vaut le détour surtout par son caractère atypique. Et dire, d'après ce que j'ai lu, que l'auteur se croyait être un écrivain raté. Incompris de son vivant peut-être, mais raté, sûrement pas.

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