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Critique de domi_troizarsouilles


Cette lecture me laisse un peu mitigée, sentiment qui a persisté tout du long et qui se confirme maintenant que j'ai terminé ce roman. D'abord, il faut savoir que j'ai choisi ce livre dans le catalogue numérique de ma bibliothèque communale, sans trop savoir de quoi il s'agissait. le livre étant « occupé » au moment où je suis tombée dessus, je l'avais réservé puis oublié, je devais l'avoir vers la fin du mois. Or, il s'est libéré plus tôt que prévu, si bien que je me suis retrouvée à « devoir » le lire rapidement, au risque de le voir disparaître de mon téléphone (puisque je lis les livres empruntés sur mon téléphone, lesdits livres n'étant pas compatibles avec ma Kindle, et je n'ai pas d'autre liseuse…). Bon, je lis vite sans problème, mais pour le coup j'y ai peut-être perdu un peu de plaisir, mes fins de mois étant toujours occupées par la clôture de l'un ou l'autre challenge aux aspects mensuels, qui ont alors la priorité – là, ce livre est arrivé « comme un cheveu dans la soupe », ça n'a sans doute pas favorisé mon avis général.

Quant au livre même : comme le laisse entendre le très court résumé, et comme l'indique l'autrice en note finale, cette histoire est une version romancée des événements qui ont suivi la guerre du Péloponnèse dans la Grèce antique, en insistant sur la puissance belliqueuse de Sparte, alors au faîte de sa gloire, et son chef militaire Lysandre, face au désir de revanche des Athéniens, vaincus et humiliés lors de la bataille navale d'Aïgos Potamos 10 ans plus tôt.
Mais surtout, on reprend ici les personnages principaux, semble-t-il, qui ont fait « Les Révoltés d'Athènes », info inexistante où que ce soit, pas même dans le livre ! C'est en fouillant sur Internet que j'ai fini par comprendre que « le Maître de la Grèce » est en quelque sorte une suite à ces « Révoltés », livre que je n'ai quant à lui pas lu ! Or, si la lecture du « Maître de la Grèce » n'est pas rendue impossible quand on le prend indépendamment de l'autre, certains passages peuvent paraître incongrus, comme par exemple le fait que Héraclios est présenté comme un valeureux guerrier, aide de camp du général Thrasybule… alors que sa seule « victoire » répétée encore et encore semble être le fait qu'il ait échappé un peu par hasard au massacre d'Aïgos Potamos ! Certes, il y a quelques allusions à d'autres combats ultérieurs, liés à la restauration de la démocratie à Athènes, mais ils sont à peine effleurés ici, et pour cause : ils font vraisemblablement l'objet des « Révoltés d'Athènes », livre qui –je me répète- n'est pourtant mentionné à aucun moment ! C'est bien dommage… et pour le moins bizarre de la part de l'autrice comme de l'éditeur, de ne pas avoir fait cette publicité qui en plus aurait été bien utile.

Pour le reste, je suis perplexe à propos du niveau de français. On dirait que l'autrice oscille, volontairement ou non, entre un ton résolument moderne, plongeant parfois (souvent) dans un populaire pas forcément de bon goût, et un ancrage dans ce qui évoquerait vraiment la Grèce antique. Pour moi, le résultat est décevant ! Certes, je ne demande pas que les protagonistes parlent comme on aurait parlé à l'Antiquité, mais cette oscillation à mon avis inutile m'a quelque peu dérangée.
Ainsi, ça parle démocratie, ça parle agora, ça parle politique – bref, on est plongés dans un monde bien grec et c'est plaisant, puis tout à coup on tombe sur cette bête phrase – dans la narration, même pas un dialogue où ça aurait pu être passable : « Ils se sont gondolés. » Sérieusement ? C'est du pur langage familier (regardez dans n'importe quel dictionnaire !) et ça clignote tout à coup comme un bouton rouge sur le nez ! Pourquoi se laisser aller ainsi à une expression aussi inadaptée, qui dénote du niveau standard général ? Il y a quelques autres exemples du genre, citons en vrac un « bordel » (non pour désigner une maison close, mais comme interjection) ou « un bel enfoiré » en parlant de Lysandre. Je suis désolée, mais ces dérives de langage n'ont à mon sens pas leur place dans un tel roman.
Le plus « drôle », si l'on peut dire, c'est que, avec tout ça, j'avais fini par perdre de vue le fait qu'on est en Grèce antique. Et quand tout à coup Héraclios s'arme d'une lance et d'un bouclier, j'en suis restée brièvement baba, moi je le voyais déjà avec son flingue et son gilet pare-balles…

Et l'autre « exemple » du niveau de français que je voulais soulever est encore plus gênant, car pour moi ce n'est rien moins qu'une faute de syntaxe, et elle est récurrente ! En effet, l'autrice semble ne pas savoir que, dans un dialogue, on utilise l'inversion sujet-verbe – autrement dit : la phrase/proposition incise. Deux extraits pour illustrer :
« - Vous avez bien fait de filer sans attendre, il m'a confié. » => La forme correcte aurait été : « - Vous avez bien fait de filer sans attendre, m'a-t-il confié. »
ou encore :
« - Il est mort ? j'ai demandé. » => ai-je demandé !!!
Ce n'est quand même pas bien difficile !
Alors, certes, la non-inversion existe aussi et est utilisée par des auteurs connus mais, après une vérification tous azimuts, il semble bien que l'inversion (donc verbe + sujet dans ce type de dialogue) soit la norme d'un français standard, alors que le maintien de la forme sujet + verbe dans ces mêmes dialogues soit typique… du langage populaire, et nous y revoilà !
Or, dans ce roman, ce choix de non-inversion est systématique, comme une marque de fabrique de l'autrice. Je ne veux pas être plus pointilleuse que l'Académie (quelle qu'elle soit), mais c'est quand même dommage de se distinguer par une telle originalité qui est en réalité… à la limite de la faute de langage ! et, dans tous les cas, cela brise continuellement le niveau général du texte.

Ainsi, le roman laisse ce petit goût désagréable d'un niveau de langage qui ne se stabilise jamais, c'est peut-être ce désir de vouloir « parler jeune » comme je l'ai déjà soulevé dans certains romans estampillés jeunesse, et je continue alors de me poser la question : pourquoi les auteurs qui écrivent ainsi le font-ils ? Partent-ils donc du principe que les « jeunes » sont des crétins incapables d'appréhender un livre moderne, même s'il parle de la Grèce antique, dans un français de bon niveau du début à la fin ?...

Quant au contenu… Je n'ai pu m'attacher à aucun de ces personnages, peut-être parce que leur attachement aurait pu/dû se faire au tome précédent ? En tout cas, ils ne sont guère fouillés et bien un peu caricaturaux. Héraclios ne m'apparaît à aucun moment comme un « héros », mais bien comme un jeune homme – on devine une petite trentaine d'années mais ce n'est pas précisé – à la mentalité d'un ado à peine pubère, gamin capricieux qui a (entre autres) un comportement de marie-couche-toi-là. Soit disant amoureux d'Étéoclès, qui lui a sauvé la vie lors de cette fameuse bataille d'Aïgos Potamos, il le vire après avoir couché avec lui, car Étéoclès lui a avoué une vérité qu'il ne veut pas entendre… et la même nuit, quelques heures plus tard, il couche avec sa soi-disant amie Phryné !? Si ce passage (et il y en a au moins un autre où Héraclios s'adonne aux amours rapides et faciles) vise à montrer la liberté des moeurs des Grecs de l'époque, je ne vois pas du tout en quoi ça sert l'intrigue !

Mais surtout, cet Héraclios s'échauffe pour un rien et est animé d'un violent désir de vengeance. Et c'est là que ça devient très gênant : pendant les deux premiers tiers du livre (et, je répète : à ce moment-là je n'avais encore fait aucune recherche sur l'autrice et ses précédentes publications), je me suis demandé si j'avais là un roman qui fait l'apologie de la guerre, une guerre qui serait pure vengeance, un cercle sans fin ! Il y a bien un passage où Héraclios se fait rappeler à l'ordre : les Athéniens ne sont pas de pauvres agneaux tout blancs, ils ont eux aussi été des vainqueurs peu reluisants ici ou là… mais ce n'est qu'un bref passage au milieu d'une mer qui crie vengeance, vengeance, vengeance ! Et donc, comme si l'autrice m'avait entendue, j'étais arrivée aux deux tiers du livre et j'étais déjà très embêtée par cet état d'esprit, quand je suis tombée sur ce passage qui, par la voix d'un des compagnons du personnage principal, lui rappelle que la guerre, c'est autre chose que la vengeance :
« - Faites attention, tous les deux, est intervenu Péopidas avec douceur. La guerre, ça a à voir avec les valeurs. La liberté contre l'oppression. La démocratie contre la tyrannie. La restitution d'un honneur bafoué. Ce n'est pas une question de vengeance personnelle.
- Ca revient au même, j'ai répliqué. Toi et moi, on veut la même chose.
- Ca ne veut pas dire que notre objectif n'est pas le même. Mais ne laissez pas les passions aveugler votre raison et vous persuader d'une destinée qui n'est peut-être pas la vôtre. La victoire nous apportera certes la liberté, mais elle ne te garantira peut-être pas la paix intérieure, Héraclios. Garde-le à l'esprit quand tu combattras. »

Beau passage à première vue, pourtant on reste dans l'ambigüité, et ça me gêne. En refermant le livre, j'ai la nette impression que l'autrice soutient le fait que la démocratie ne peut naître et/ou survivre que dans le sang versé de ses opposants ! C'est –hélas !- sans doute vrai historiquement, mais ça reste un message bien dangereux. En effet, n'est-ce pas au nom de « la restitution d'un honneur bafoué » que certains Allemands, il y aura bientôt 100 ans, ont si facilement suivi un fou furieux qui leur promettait de leur rendre leur honneur, après la honte qu'avait été le Traité de Versailles pour eux ?... le choix des mots porte à réfléchir, et pour moi en tout cas, r-i-e-n ne peut justifier le choix de la guerre ! encore moins quand on s'adresse à des jeunes qui ne l'ont pas connue, et qui n'ont pour la plupart plus de témoin direct de telles atrocités dans leur entourage…

Ce qui sauve ce livre, à mes yeux, c'est l'ambiance gréco-antique que l'autrice a su recréer, et son apparente très bonne connaissance de ce monde antique, et/ou très bon travail de documentation. Pour moi qui suis intéressée sans être passionnée et encore moins férue de cette partie de l'Histoire européenne, et malgré les écarts de langage et certains passages ambigus relevés plus haut, c'est
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