Le jeux vidéo comme marchandise idéale nous invite à prendre en compte l'évolution expérientielle et interstitielle du capitalisme contemporain.
Expérientielle, parce que le capitalisme revendique aujourd'hui plus que jamais la qualité des expériences, aussi bien du côté de la marchandise que du côté de la production avec les règles du nouveau management.
Interstitielle pour sa capacité à investir les temps morts, les friches du régime ancien, de façon à mettre en coupe réglée chaque instant de l'existence.
Bien entendu, l'accélération du temps et la saturation de l'espace remplissent une fonction économique. Ce que le flyer de Space Race pour Atari en 1974 condense en un énoncé sans égal : « Just enough frustration to encourage replay after replay » (juste ce qu'il faut de frustration pour attiser l'envie de jouer, encore et encore).
En dépit de toutes les proximités du cinéma et du jeu vidéo, ce dernier nous entraine vers un autre régime d'immersion dans l'image. Et ce régime se noue au point de jonction entre une certaine attitude de joueur, de l'ordre de la concentration totale plutôt que du relâchement, et une certaine qualité de l'image vidéoludique.
Le mall entretient une relation remarquable avec le parc d'attractions, dont il n'est, en quelque sorte, que le strict symétrique. Un parc d'attractions, c'est du loisir transformé en marchandises, des expériences consommables dans un espace préalablement pensé et agencé pour cela, afin de maximiser le divertissement. […] Plutôt que de convertir du loisir en expérience marchande, il est infiniment plus ingénieux de convertir la marchandise elle-même en expérience de loisir, ce que nous appellons shopping.
Si je prends du temps pour collecter des ressources, si je « farme » dans un jeu en ligne, mon activité n'est pas fondamentalement différente d'un travail. Je produis de la valeur, comme en produirait n'importe quelle autre activité économique. Ici, jouer égale travailler, aussi surprenant et contre-intuitif que cela puisse être.
C'est parce qu'existe des indicateurs que l'on peut jouer. Jouer à quoi ? A les optimiser.
À chaque fois, ce qui s'invente, ce sont de nouvelles liaisons à la machine, de nouveaux régimes d'expérience, de nouvelles manières de jouir de l'écran.