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Critique de MaxSco


Projet : Jaeger/Lhotse, Himalaya, 1980

En 1980, Nicolas Jaeger est un alpiniste reconnu dans le monde de la haute montagne lorsqu'il envisage l'ascension du Lhotse par sa face sud.
Avec Jean Afanassief et Pierre Mazeaud, il est l'un des premiers Français à avoir atteint le sommet de l'Everest et Afanassief et lui sont les premiers à l'avoir redescendu à ski.

Des expéditions, il en a à son actif, le docteur Jaeger. Des premières. de nombreux succès en solitaire. le solo, c'est ce qu'il aime par-dessus tout. le Lhotse, il ira seul à sa conquête. En termes de difficultés et surtout en l'attaquant par la face sud, c'est un projet énorme. Personne ne s'y est encore frotté. Nicolas Jaeger sait que nul ne peut se prémunir contre les risques d'une telle expédition. Il a envisagé l'hypothèse de sa disparition.

Un jour de la fin avril 1980, il se sent prêt, il part. Il ne reviendra pas.

@L'homme qui vivait haut est un livre bouleversant. Dans ce récit très bien documenté, l'écrivaine et journaliste @Virginie Troussier sait bien que, 40 ans après la disparition du docteur Jaeger, on ne peut faire que des suppositions au sujet de ce drame mais l'homme, elle voudrait le comprendre.
Elle se met alors au diapason avec lui, dans sa façon d'appréhender la montagne, de porter ses certitudes et ses doutes indissociables, son éthique aussi. Son écriture restitue finement qui était cet alpiniste. Pudique et sobre, @Virginie Troussier va à l'essentiel. Les phrases sont courtes, percutantes. @Virginie Troussier remonte le temps et jusqu'au bout, on la sent calquer sa respiration sur celle du docteur Jaeger. Elle marche dans ses pas.

De son enfance privilégiée, on comprend que la famille de Nicolas Jaeger est extraordinaire, au sens strict du terme. Il descend d'une lignée d'aventuriers ; des photographes et des inventeurs. Ce n'est tout de même pas rien.
Jeune médecin de 33 ans, Nicolas Jaeger allie travail et montagne. le sujet de sa thèse pose la question de l'acclimatation du corps humain à un environnement pauvre en oxygène ; plus on monte, plus l'oxygène se fait rare. Jaeger est son propre cobaye et il pense que des temps longs et répétés passés en très haute altitude sont la clé de la réussite de l'acclimatation optimale de l'humain à la haute montagne.

Il s'est entraîné, Nicolas Jaeger et il va tester, graduellement, jusqu'à plus de 8 000 mètres d'altitude.
Il sait gré à sa femme de gérer le quotidien de la famille lors de ses longues absences. Il lui écrit et il écrit également à sa fille aînée, bien petite encore, cette fillette qui l'adore et qui lui en veut de quitter trop souvent la maison.
Les extraits des lettres de ce mari et de ce père à sa fille sont émouvants. Certes, Nicolas Jaeger est absent mais ces lettres renforcent le lien avec ceux qu'il aime et imposent sa présence.
Risquer sa vie alors qu'on est père de famille, c'est un grand débat. Mais comment pourrait-il vivre sans la montagne, Nicolas Jaeger ? La montagne lui est vitale. Elle est sa passion et lui permet de vivre hors des sommets de la façon la plus équilibrée et généreuse possible. Elle lui permet de vivre pleinement, enrichi, de ne pas se renier. Tout cela, elle l'a compris, l'épouse du docteur Jaeger. Elle aime son mari.

La montagne fascine, cette montagne si puissante qu'elle ne tutoie que le ciel et les nuages, grandiose et imprévisible. Elle ne pardonne rien, pas même l'idée d'un faux pas. Elle prend aussi des vies, la montagne. « Ce n'est pas un monde pour l'homme. » Jaeger le sait.
Face à elle, il ne peut qu'optimiser ses chances.
Et il aime ça. Il aime la précision que la montagne lui impose ; l'énergie et le temps qu'il faut lui donner, la profonde connaissance de soi qu'elle l'oblige à avoir. Il aime l'homme qu'il devient grâce à elle, débarrassé des choses futiles, économisant les gestes inutiles, léger, le plus léger possible. Et puis, il y a cette ivresse certainement. Quel sentiment cela peut-il produire de s'aventurer dans cet environnement vierge de l'homme ? de se sentir tout petit face à une nature hostile et d'y aller pourtant ?

La plume de @Virginie Troussier est totalement en phase avec l'alpiniste. @Valérie Troussier est rigoureuse et juste. Elle écrit comme Jaeger se montre ; grave, ascétique, précis, organisé. On a le sentiment qu'il se réserve pour vivre à fond l'intimité et le face à face avec la montagne.

Les couleurs sont rares dans @L'homme qui vivait haut. Blanc immaculé de la neige, palette de gris pour la roche et les nuages, grand ciel bleu quand ceux-ci s'en vont. Pouvons-nous imaginer à quel point ce spectacle peut être sublime ? @Virginie Troussier nous fait voir et ressentir un peu de cette sensation et c'est juste stupéfiant, très fort émotionnellement. Les éclats multicolores, comme accordés au Népal, je les ai trouvés dans la joie de vivre, la jeunesse et la fougue de Nicolas Berardini, un des deux grimpeurs choisis par Nicolas Jaeger pour son entraînement à partir du camp de base. Nicolas Berardini est un jeune alpiniste extrêmement doué, essentiel à l'expédition. Cette lumière, cette flamboyance, Nicolas Jaeger la voit et quand il parle de ce Nicolas D à peine 18 ans, c'est avec une immense tendresse qu'il l'évoque à sa femme. Nicolas Jaeger n'a que 33 ans mais la montagne a commencé à le consumer. Il paraît bien plus vieux.

@L'homme qui vivait haut reste un mystère et @Virginie Troussier, dans sa quête, nous fait vivre cette expédition de 1980 avec l'envie d'y prendre part. Elle n'occulte aucune des étapes. Et même si nous savons que Nicolas Jaeger est mort, nous espérons toujours.
Féru ou non de montagne, c'est très intéressant de voir comment se monte une expédition, laquelle réserve toujours des surprises. Humainement, l'aventure est riche. Quant à Nicolas Jaeger, @Virginie Troussier a bien réussi à nous faire entrevoir la complexité de cet homme hors du commun.
Rétrospectivement, je suis viscéralement émue par la femme de Nicolas Jaeger et les deux filles du couple, dont une encore bébé en 1980. Comment soutenir sans transmettre sa peur ? Rassurer les enfants ? Ne pas les noyer ensuite dans son propre chagrin ? Quelle force et quel courage ! La femme et les « petites femmes » tant aimées du docteur Nicolas Jaeger ont dû faire preuve d'une force colossale.

Nicolas Jaeger ne se voilait pas la face et citait Kipling : « La montagne n'est pas un monde pour les hommes. »
@Virginie Troussier connait bien la montagne. Dès la lecture du titre de son ouvrage, @L'homme qui vivait haut – la passion du docteur Jaeger, elle nous annonce d'insurmontables difficultés : comment ne pas penser à « la passion du Christ », à son chemin de croix ?

@L'homme qui vivait haut : une expédition en haute montagne, une de ces aventures extrêmes d'où l'on n'est jamais sûr de revenir. En 1980, un alpiniste a tenté de conquérir un sommet en Himalaya, à plus de
8 000 mètres d'altitude, seul, sans matériel et sans artifices. Jamais il n'a été retrouvé. Qui était cet homme ? @Virginie Troussier part à sa recherche et nous emmène avec elle. Elle voudrait comprendre la personnalité de cet homme. Cette histoire vraie, passionnante de bout en bout, est magistralement servie par la plume de l'auteure, au rythme des pas de l'aventurier.
Je recommande vivement.



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