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Critique de JBLM


C'est le plus agité des tomes de « La Lumière des justes ». Après de longs mois de tergiversations dans les cercles libéraux de la capitale russe, l'insurrection de décembre 1825, dite « décembriste » ou « décabriste », se déclenche à la mort du tsar Alexandre Ier. Voulant profiter de la vacance temporaire du pouvoir avant que s'établisse la succession, les libéraux précipitent leur action pour imposer une Constitution au futur tsar. On ne connaît pas ce fait historique en France, et pour cause, ce fut un fiasco total : les troupes soulevées sont rapidement dispersées par les loyalistes, et les conjurés arrêtés. L'auteur intègre parmi eux notre héros, Nicolas, dont on suit la détention, les interrogatoires, puis le jugement, tandis que Sophie se démène de son côté pour sa cause auprès des instances politiques à sa portée. Après les frasques de Nicolas au tome précédent, ce dévouement ne va pas de soi ; c'est donc une belle démonstration de fidélité et de pardon.

Finalement, c'est la déportation en Sibérie qui est décidée, et toute la deuxième partie du roman concerne le périple de Sophie pour rattraper son mari expédié discrètement à l'autre bout de la Russie. C'est l'occasion pour le lecteur de faire l'expérience de l'enfer bureaucratique russe, même si on en a eu quelques avant-goûts jusque-là, sans compter les intempéries. Visas à répétition pour pouvoir accéder à la prochaine ville, délais d'attente qui se comptent en mois, interdiction de s'éloigner au-delà d'un certain rayon, ordre de priorité exaspérant aux relais de poste, petites rivalités administratives provinciales dont les voyageurs font les frais, fouilles de bagages intempestives, … On pourrait se dire qu'on devait circuler comme on voulait sur un territoire aussi immense que la Russie, avec les moyens très sommaires de contrôle social de l'époque. Que nenni ! Les voyageurs en infraction vivaient manifestement dans l'angoisse permanente d'être contrôlés ou dénoncés, avec le risque d'amendes de plus en plus lourdes ou de punitions de plus en plus violentes au fur et à mesure qu'ils se déplaçaient vers l'Est. On lit à moment donné une scène saisissante de châtiment du « knout » qui ne laisse pas indifférent, c'est le moins que l'on puisse dire. Enfin, lorsque l'on se rend compte que la moitié du livre a consisté à rapporter ce seul voyage de Sophie jusqu'à la prison de Nicolas, on comprend qu'il fallait avoir les nerfs solides pour se déplacer dans la Russie de l'époque, et que cette chape de plomb permanente qui pesait sur les Russes ne doit pas être totalement étrangère à la chute du tsarisme.

Après les années relativement paisibles de propriétaires aisés et considérés, ce troisième tome constitue la charnière de l'oeuvre globale qui fait du couple de héros des exilés réprouvés dont toute la vie est à reconstruire. Il abonde en violence physique et psychologique, que ce soit dans le cadre du procès ou du voyage mouvementé vers l'inconnu, mais aussi en moments heureux où les personnages réalisent et savourent leurs sentiments véritables les uns envers les autres, jusque-là refoulés, sous l'impulsion de l'adversité.
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