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Critique de VincentGloeckler


« Il lui faudrait remonter le temps à travers une histoire opaque et se rappeler enfin de quelle histoire elle vient. Mais c'est une chose que L. ne sait pas faire ». Interrogée par un médecin sur l'origine de la lésion que présente son oeil gauche, L., d'abord, avoue son ignorance, et puis comme rappelé par sa convalescence, ce passé-là revient, … par enchantement et pour notre enchantement ! « A l'extrême braise du ciel, l'aurore retentit à petits coups… Et voilà que maintenant, elle se souvient de Louvette : soudain, il fait un temps de petite fille ». Commence alors le récit d'une enfance au bord du Pacifique, dans un pays aux multiples volcans, soumis à de réguliers soubresauts tant telluriques que politiques (un pays jamais nommé, mais qui fait bien évidemment penser au Salvador, pays natal de Gabriella Trujillo, secoué comme dans son texte par une guerre civile à la charnière des années 80-90). Bien vite, on ne sait plus, comme dans la fameuse histoire de l'oeuf et de la poule, ce qui, dans l'esprit de la petite fille, précède l'autre, des « mots » ou des « choses », si le monde qu'elle découvre n'est pas d'abord le fruit de son imagination, une perpétuelle « invention » donc. Enfant née tardivement, après deux jumeaux qui resteront les préférés de leur mère, souvent livrée à elle-même, elle nourrit très tôt une passion pour les animaux et les livres…, et il y a du Colette dans la légèreté, la fantaisie, la vraie tendresse qu'elle entretient dans sa relation avec cet univers, telle que la décrit l'auteure avec parfois un beau lyrisme. La petite fille sera « Louvette », à qui son père offre un « loup », animal métis, demi-chien, demi-coyotte, ce Calli avec qui elle se réfugie souvent dans sa tanière sous l'escalier. Mais elle s'amourache aussi d'un couple de chats siamois et de plusieurs perroquets, comme si cette affection pour les animaux compensait l'amour que ne lui offre pas vraiment sa famille. Elle apprend le français, qui deviendra sa « langue du dedans », celle de l'école avant d'être, finalement, celle de l'exil. Mais la fillette grandit, et d' « un temps de petite fille » (titre de la première partie), on passe au « coup de hanche du coyote », l'époque plus heurtée, voire chaotique, de l'adolescence. La famille se délite, la mère part, avec un nouveau compagnon, s'installer à New York, et le père révèle sa face sombre, ses activités militaires et paramilitaires au service de la plus brutale des dictatures, son goût du jeu et de la cruauté. Louvette reste à la garde de sa nourrice, de son frère et de sa grand-mère Itzel, mais elle en profite pour conquérir sa liberté, et, bientôt, elle découvre l'amour, les voyages – à Montevideo, sur les traces de Jules Supervielle, qui, après Colette, semble aussi influencer la plume de l'auteure -, la politique, enfin, avec Tristan, son ami communiste, et contre les idées de son père… Lésion due à un rayon de soleil trop vif lors d'une éclipse ?, coup porté sur l'oeil par son père, lors d'une de leur dispute ? le mystère demeure quant à l'origine de la blessure qui engendre ce retour des souvenirs, mais cette longue confession – sans doute très autobiographique, si « Louvette » est devenue, dans cette France où elle arrive à la fin des années 90, la Gabriela Trujillo qui la raconte avec tant de petits détails -, en raison même de son aspect kaléidoscopique, séduit le lecteur d'un bout à l'autre. On l'aime, cette Louvette au charme fou !
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