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Critique de Aela


Подпоручик Киже
C'est une histoire véridique.
Le Lieutenant Kijé se passe dans l'Empire russe sous le règne de Paul 1er, qui était le fils de la tsarine Catherine (la « grande Catherine ». L'histoire débute en 1793 et se termine en 1801 (année de l'assassinat de Paul Ier).
Le lieutenant Kije est en fait un être fictif, sauf pour l'administration impériale.
Un scribe de la chancellerie du régiment Préobrajenski a malencontreusement fait une erreur de transcription d'un ordre du jour. Cette erreur était rendue possible en russe par une proximité orthographique et phonétique : au lieu de « podporoutchiki-jé ( Подпоручики же, « quant au lieutenant… »)», le scribe, distrait par l'entrée d'un officier dans son bureau, a écrit en effet : « podporoutchik Kijé ( Подпоручик Киже, le lieutenant Kijé). »
Personne dans l'entourage de l'empereur n'osera jamais révéler par la suite cette erreur de transcription.
On en profita aussitôt pour attribuer au lieutenant Kijé une faute que personne ne voulait endosser.
L'empereur ordonne l'exil de Kijé en Sibérie. Il faut dire que Paul 1er avait une certaine tendance paranoïaque en raison notamment de son vécu familial : fils de Catherine de Russie qui le détestait pour son prussianisme (elle-même était d'origine allemande !!) et sa laideur.
Il appelait sa mère « l'usurpatrice » ce en quoi il n'avait pas tout à fait tort puisque sa mère, Catherine avait fait assassiner son mari Pierre III, père de Paul 1er), avant de reléguer son fils Paul au château de Gatchina.
Paul 1er donc qui punissait sévèrement tout écart, d'où la peur et le refus de la part de l'Administration, de communiquer les erreurs commises.
Par la suite, Paul Ier, sujet à des crises d'angoisse, se méfiant de son entourage, cherchera à promouvoir des officiers non issus de la noblesse. Kijé, en tant que militaire modèle aux états de service parfaits, sera d'abord grâcié, puis nommé capitaine, enfin colonel chef de régiment. Une maison lui sera attribuée, ainsi que des serviteurs.
Paul Ier finit par le nommer général.

Si le lieutenant Kijé sort du néant suite à une erreur bureaucratique, le conte développe une histoire dramatique, parallèle et inverse, celle d'un lieutenant de l'armée russe qui existe et dont la mort est proclamée par erreur. En effet, le secrétaire qui s'est trompé dans l'écriture de la missive destinée à l'empereur et qui a par mégarde créé le lieutenant Kijé a commis une seconde erreur, bien plus grave : au lieu d'indiquer que le lieutenant Sokolov venait de mourir, il a indiqué la mort du lieutenant Sinioukhaïev (bien vivant) en se trompant de ligne. Sinioukhaïev est donc rayé des cadres de l'armée.
Lorsque Sinioukhaïev rédige une requête en réintégration, l'administration militaire lui répond : « La requête de l'ex-lieutenant Sinioukhaïev, rayé des cadres pour cause de décès, est rejetée pour les mêmes raisons ». Il finira sa vie misérablement, en vagabond.
Un récit « très russe », qui se moque des turpitudes de l'Administration.
Tynianov a écrit ce livre dans les années 30, alors que Staline était au pouvoir.
Et en effet, à travers ce portrait de Paul 1er, paranoïaque et dictatorial, n'est ce pas une petite allusion à Staline que l'on peut voir ici ?
Ce récit a inspiré le grand compositeur Prokofiev qui en a tiré une très belle oeuvre musicale.
Et l'oeuvre musicale de Prokofiev a inspiré notre chanteur très célèbre Sting qui a repris le thème principal pour sa chanson des années 80 « Russians love their children too »
Les Russes aiment leurs enfants aussi.
Cette chanson a marqué les années 80, les années Reagan, juste avant la chute du mur de Berlin et de l'Empire soviétique.
Comme quoi une oeuvre d'art peut précéder l'Histoire…

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