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Critique de AgatheDumaurier


La shoah à l'est désigne le génocide organisé par le troisième Reich sur les territoires gagnés par la Wehrmacht. L'armée allemande est suivie par des Einsatzgruppen, dont le rôle est de germaniser le territoire : éliminer les ennemis (communistes, juifs), réduire les populations slaves à une sorte d'esclavage et faire venir sur ce nouveau territoire (le Lebensraum, espace vital) des Volksdeutsche (populations allemandes , germaniques, nordiques, aryennes, tous ces mots étant synonymes pour les nazis et désignant la "race supérieure")...Voici l'espace et le contexte historique d'où sont tirés ces témoignages d'Allemands, donc d'Allemands hors d'Allemagne, en Ukraine, Pologne...sur des territoires vaincus et en passe d'être germanisés. Au début, seuls les hommes juifs sont assassinés, assimilés à des ennemis comme les communistes puis très rapidement, entre le printemps et l'été 1941, on passe à des exécutions systématiques de familles entières incluant les femmes, les enfants, les vieillards, les nourrissons. Je tire ma science, non du livre, qui à mon avis n'explique pas assez le contexte, mais d'une université d'été qui vient de se tenir à Toulouse et à Paris, organisée par le Mémorial de la Shoah, s'adressant à tous les professeurs du secondaire, et réunissant un grand nombre de spécialistes français et européens de la question dans des conférences de haute qualité.
L'auteur propose donc ici des témoignages souvent inédits d'Allemands, divisés en trois parties : les bourreaux, les "petites mains", les "spectateurs". Il n'explique pas comment le génocide est advenu ni son évolution, mais qui savait quoi : sur ces territoires gagnés à l'est, visiblement, un peu tout le monde, et particulièrement les Allemands. Passons en revue les trois catégories.
-Les bourreaux : sont des soldats de la Wehrmacht (eh oui...) ou des SS des Einsatzgruppen, ou des policiers affectés à ces Einsatzgruppen. On prend connaissance de lettres ou de journaux intimes retrouvés. Intérêt historique : on voit l'évolution du génocide, le passage rapide des meurtres d'hommes au massacre de masse. intérêt en rapport à la nature humaine : ces hommes jeunes, bien éduqués, tuent sans remords et avec une facilité déconcertante. Passer la journée à massacrer des enfants ne les rend pas fous, mais les fatigue et ne les amuse pas beaucoup. Cependant il faut le faire, c'est une nécessité prioritaire. Pourquoi ? C'est la question sans fond et pourtant la réponse est d'une simplicité absolue : dans la tête de ces soldats, c'est eux ou nous. Si nous ne les exterminons pas, eux le feront. Ils en sont persuadés. C'est le plus effrayant : ces soldats sont tellement fanatisés qu'ils ne sont plus capables de regarder ces familles comme des êtres humains. Ce sont des cafards, des microbes à éradiquer. Et c'est comme ça qu'on peut avoir un SS s'inquiétant tendrement de ses enfants après avoir passé sa journée à en tuer. Il ne voit pas le rapport entre ses enfants à lui et les enfants juifs. Ce n'est pas la même espèce.
-"Les petites mains" : on retrouve l'idéologie nazie radicalement antisémite chez certains, avec des extraits de procès où certains ne sont entendus que comme de simples témoins. Il essaient de se dédouaner. Ils ont obéi, ils ne savaient pas etc...Pratiquement aucun de ces hommes n'a été inquiété après la guerre, alors que leurs rôles furent fondamentaux pour certains (témoignage du conducteur de "camion à gaz", dont le rôle était quand même d'ouvrir le gaz dans son camion rempli de Juifs pour les mener aux fours crématoires. Ils mouraient pendant le trajet. Voilà une sacrée "petite main" que ce conducteur qui mourut tranquillement dans son lit)
-Les spectateurs : journalistes, institutrice, ou même enfants de bourreaux, tous voyaient ce qui se passaient. Certains prenaient des photos, d'autres des notes. Certains montrent leur rejet de l'action, d'autres s'en félicitent. Que dire ? En tout cas, personne ne rentre dans une résistance active. Ce sont les vainqueurs, quoiqu'il arrive.
Des témoignages glaçants, donc, sur la dérive d'un peuple, sur la capacité à ne plus pouvoir discerner chez l'autre la moindre humanité (les bourreaux et les petites mains ont fait totalement leur l'idéologie nazie : le grand reich ne verra le jour que sur des terres entièrement germanisées et purifiées de tous leurs Juifs, donc extermination nécessaire de ces individus qui ne sont pas des hommes). C'est une mise en garde terrifiante, car cela peut, a pu, arriver n'importe où et contre n'importe qui. L'homme est si faible d'esprit qu'on peut visiblement assez facilement le persuader que l'autre en face qui lui ressemble n'est pas son frère.
"-Où est ton frère Abel ?
-Suis-je le gardien de mon frère ? "
On était pourtant prévenu dès le début...
Je remercie Babelio et Fayard histoire pour cette très intéressante lecture.
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