AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de Milllie


Sisi, Ama, Efe et Joyce. 4 jeunes femmes africaines du Nigeria, 4 vies de femmes brisées par la pauvreté endémique, la corruption, la toute puissance des hommes, des pères, des maris, des amants. 4 femmes confrontées à un choix impossible : rester dans un pays qui ne leur permet aucun avenir ou partir, partir vers l'Eldorado, vers cette Europe où peut-être elles pourront rêver d'un autre destin. le prix de la liberté ? 30 000 euros à rembourser en vendant leur corps dans une maison close d'Anvers en Belgique. Une offre inconcevable, une offre révoltante, une offre qu'elles n'accepteront jamais... et pourtant si car elles n'ont plus le choix.

Chika Unigwe nous fait découvrir petit à petit les histoires de ces 4 femmes qui vivent ensemble dans une maison close et qui pourtant jusqu'ici se connaissaient si peu, tentant juste de tenir le coup dans ce pays étranger et hostile en vendant leur corps pour payer leur dette. Mais la mort de l'une d'elles va déclencher les confidences et les récits de chacune d'elles vont se mêler pour reconstituer petit à petit des parcours très différents mais qui tous disent quelque chose de la terrible violence qui frappe l'Afrique et plus particulièrement ici le Nigeria. le roman est bien construit et agréable à lire même si le propos est très dur. On suit d'abord Sisi, cette étudiante modèle qui pensait s'en sortir par le savoir et les diplômes et qui confrontée à la corruption n'a pu obtenir de travail faute de relations suffisantes. Sisi, l'"intello" de la bande, celle qui n'aurait jamais dû se trouver là, celle qui jusqu'au bout rêvera d'un autre destin, jusqu'à la mort car on ne se rebelle pas impunément. On ne peut que partager l'effroi de cette si jeune fille, arrivant dans un pays inconnu sans personne pour l'accueillir, plongée d'un coup dans l'univers de la prostitution, loin des siens et de son pays.

Alors que le sujet du roman aurait pu rapidement basculer dans le sordide ou le voyeurisme, l'auteure a un vrai talent pour suggérer plutôt qu'appuyer son propos. On ne saura finalement pas grand chose de l'univers du sexe tarifé en Belgique, ses maisons closes et ses vitrines où les filles sont à disposition des clients, juste assez pour être révoltés par ce monde où une jeune femme devient une simple marchandise et où certains prospèrent par le trafic d'autres êtres humains. Chika Unigwe mêle à son récit des propos en pidgin nigérian (sorte de créole à base de mots anglais transformés par leur usage oral) et des expressions nigérianes qui rendent la lecture très vivante et permettent d'imaginer les rues de Lagos et la vie dans le pays. Les descriptions sont pleines de vie, on sent que l'auteure connaît bien son pays et qu'elle a à coeur de nous faire partager son ambiance. Les 4 jeunes femmes sont vraiment attachantes et on ne bascule jamais dans la caricature. Petite réserve peut-être pour le côté un peu trop journalistique de l'ensemble, l'auteure s'étant basée sur un important travail de recherche : on a parfois l'impression qu'à travers ces 4 portraits elle a vraiment souhaité nous faire découvrir toutes les facettes de la prostitution et du trafic d'êtres humains et c'est parfois un peu artificiel, j'aurais finalement préféré m'attacher à un seul ou deux portraits plus détaillés.

Fata morgana est un roman plein de lumière malgré son thème si noir, un roman intelligent et pourtant agréable à lire, une tranche de vie pleine de dynamisme et d'espoir comme le sont finalement ses protagonistes, toujours prêtes à se battre pour s'en sortir malgré le fait que personne ne veut leur laisser leur chance. Une belle découverte et une auteur que j'aurais plaisir à suivre dans ses prochaines oeuvres !
Commenter  J’apprécie          230



Ont apprécié cette critique (23)voir plus




{* *}