[Yves Dermèze] La S-F est-elle, comme le jugent certains, une lecture pour attardés mentaux ? Mais qui leur permet de juger, quel dieu leur a-t-il décerné un certificat d'intelligence et de culture ? Cela me fait penser à la réplique de je ne sais plus quel célèbre critique : Vous me reprochez de disséquer un roman alors que je n'en ai jamais écrit aucun. Mais, voyez-vous, je sais reconnaître si un œuf est frais, et pourtant je n'en ai jamais pondu.
[Yves Dermèze] Rien n'est impossible en S-F quand on est documenté. Mais attention à la précision dans le style : c'est le seul critère de qualité.
[Yves Frémion] Alors, citons l'interview de Jacques Laurent, pas stupide mais révélatrice, dans Lire de novembre 1977 :"Je suis très peu sensible à la S-F, justement parce que la latitude de liberté du romancier y est excessive." Eh oui, Laurent, la liberté excessive ça fait mal à la tête, c'est pour ça qu'il y a tellement de docteurs pour la soigner, la calmer, la canaliser - et pas seulement dans la S-F.
[Yves Dermèze] Donc, la S-F est-elle pour les arriérés mentaux ? Le fait est qu'elle dérange les habitudes acquises. Je soutiens que, sur 100 humains dits "cultivés" capables de donner le nom de la femme de Socrate ou la liste chronologique des Mignons de Henri III, il n'en est pas 10 capables de citer une formule aussi simple que celle de l'acide nitrique, ou de résoudre une vulgaire équation du premier degré.
Je me souviens de la pancarte. On y lisait :
"Relégation politique. Juifs, fascistes, nationalistes, anarchistes, libéraux, catholiques. VII regroupement masculin de Slovénie. Camp d'extermination".
Soyez maudits, vous qui n'avez pas hésité à vous allier à eux !
("Le Feu du Phénix" - Riccardo Leveghi)
En principe, lorsqu'on écrit un texte, on n'est pas obligé de le vivre simultanément. C'est contraire aux principes. C'est dangereux et douloureux.
("Etat de Boue" - Joel Houssin)