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Critique de 5Arabella


Connu surtout pour ses romans, Mario Vargas Llosa a écrit également un certain nombre de pièces de théâtre, la dernière en date, Les contes de la peste, a été créée en 2015 à Madrid, avec l'auteur dans le rôle d'Ugolin. La pièce s'inspire du célèbre Décaméron de Boccace, dans lequel sept jeunes femmes et trois jeunes hommes quittent la ville de Florence, en proie au fléau de la peste, qui voit en dehors des ravages de la maladie, l'effondrement des valeurs qui fondent la société. Nos jeunes gens se réfugient dans une belle villa, où ils goûtent un certain nombre de plaisirs de la vie, en particulier celui de raconter des histoires, dix par jour, un par chaque membre de la compagnie.

Vargas Llosa reprend certaines de ces histoires, qu'il réécrit plus ou moins. Les conteurs, toujours réfugiés pour se protéger de la peste, sont Boccace lui-même, deux comédiens ambulants, Philomène et Pamphile, le vieux duc Ugolin, ainsi que Aminta, la comtesse de la Sainte-Croix. Chacun tour à tour, raconte des histoires, son histoire, son histoire à travers des histoires. Des histoires, qui s'entrelacent, qui s'interrompent mutuellement, avant d'aller à leur terme. Et comme dans le Décaméron, c'est la fin de la peste qui met fin à la communauté et aux récits, chacun n'a plus qu'à repartir de son côté, revenir à sa vie.

Evidemment, les récits du Décaméron sont une base extraordinaire pour une pièce. La fuite dans la fiction comme conjuration, comme talisman, permettant d'échapper à la mort, le côté chatoyant des récits, qui disent le désir, de vivre, de profiter du temps qui nous est laissé, fournissent un matériau idéal pour faire rêver les spectateurs.

Mais je n'ai pas été complètement convaincue par l'utilisation qu'en a fait Mario Vargas Llosa. Dans un long texte d'introduction, quelque peu bavard et n'échappant aux clichés (« Dante, Boccace et Pétrarque, les trois astres littéraires de cette époque de transition ») , il présente le Décaméron, enfin la vision qu'il en a, ainsi que son oeuvre, avec des clés de lecture. Une vision un peu réductrice du Décaméron à mon sens « qui entend la vie comme une aventure dont la fin primordiale est la jouissance sexuelle ou le divertissement de l'homme – et même, de la femme ». L'oeuvre de Boccace est tout de même autre chose qu'un récit libertin, tout à la célébration des plaisirs des sens, essentiellement masculins. Vargas Llosa semble mettre de côté, ou très au second plan, tous les aspects métaphoriques, ainsi qu'une forme de discussion de valeurs établies présents chez Boccace. Et en tire donc une pièce centrée sur la célébration de la recherche de la jouissance masculine, quitte à ce qu'elle s'accompagne ou s'obtienne par une forme de cruauté, la femme n'étant pas une vraie personne, mais uniquement un jouet façonné par le désir de l'homme (Aminta). de ce point de vue, Boccace me semble bien plus moderne dans sa vision des rapports entre les sexes.

Je n'ai pas eu l'occasion de voir la pièce jouée sur scène, mais la présence de longs monologues, des gens qui racontent, sans forcément interagir entre eux, me pose la question de son efficacité dramatique. Mais il faudrait voir pour apprécier ce qu'une mise en scène arrive à en tirer.
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