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Critique de SophieChalandre


Que peut la littérature ? S'il a cru un temps au pouvoir de l'écriture engagée, Mario Vargas Llosa admet dans ce roman que la capacité de la littérature à changer le monde est bien estompée.
C'est "le monde des autres" qui est dévoilé ici, et qui prend place dans un bourg inhospitalier des Andes péruviennes, mettant en scène le caporal Lituma (protagoniste récurrent dans des oeuvres précédentes) venu de la région côtière et son adjoint andin, Tomás Carreño qui maîtrise la langue locale, le Quechua. Tous deux enquêtent sur des disparitions et des meurtres mystérieux, sous la menace du commando maoïste Sentier Lumineux qui opère dans la région.

Mario Vargas Llosa organise un récit énergique où le réel dialogue avec l'imaginaire, selon une trame qui reprend les codes de l'intrigue policière, révélant progressivement une réalité révoltante adossée à des enjeux de pouvoirs corrompus, donnant une profondeur remarquable à une mosaïque de situations humaines collectivement dramatiques et auxquelles il superpose l'histoire intime de ses deux protagonistes.

Car Mario Vargas Llosa joue des oppostions, pour mieux illustrer la violence déstabilisante, culturellement ancestrale des lieux, et la marginalisation de la région andine du sud-est du Pérou : culture côtière du héros contre celle andine de son adjoint, protagonistes représentant l'ordre institutionnel contre région abandonnée par l'Etat, douleur collective oppressante contre histoire d'amour fleurie tragi-comique de l'adjoint Tomás, réalité violente et temps présent contre pensée ancestrale magique et religieuse andine, horreurs anciennes contre abjections modernes, le "monde des autres" hostile et fermé vu et vécu par le regard personnel de Lituma l'étranger de la côte, opposition de classes sociales polarisées, beauté d'une nature cependant punitive… Et au milieu vit un peuple péruvien pris en étau, dans un temps où passé et présent se rejoignent au final de manière hallucinatoire.

Tout s'oppose et s'intrique, créant une tension inouïe qui interroge la violence collective des actes et des idéologies comme les crises personnelles, et questionne l'improbabilité d'une solution politique, économique et culturelle, à part celle de sacraliser la violence pour rester unis ou bien fuir cette région andine.
A ne plus savoir qui a tort ou raison ou ce qui est justifié ou pas. Finalement peu importe la vérité, Mario Vargas Llosa a opté pour la fantaisie de l'imaginaire puisque c'est finalement la littérature que l'auteur interpelle.
Lien : https://tandisquemoiquatrenu..
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