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Critique de rotko


Ce récit de 180 pages est très bien mené : on assiste à une cérémonie de consécration officielle d'un caricaturiste politique, Javier Mallarino, dont le trait incisif et les légendes caustiques ont marqué l'actualité sociale et politique, lui assurant un pouvoir redouté.

Pourtant une rencontre inattendue amène l'intéressé à se rappeler une aventure personnelle, et par suite un cruel dessin - qui eut des répercussions politiques et humaines importantes. Vient alors dans l'esprit du caricaturiste le temps du doute :

« Les certitudes acquises à un moment donné du passé pouvaient avec le temps cesser d'être des certitudes : un évènement survenait, un fait fortuit ou volontaire et , brusquement, son évidence était invalidée, les choses avérées cessaient d'être vraies, les choses vues et celles qui étaient survenues n'avaient jamais été vues et celles qui étaient survenues n'avaient jamais eu lieu : toutes ces réalités perdaient leurs place dans le temps et dans l'espace pour être englouties, pénétrer dans un autre monde ou une dimension différente et inconnues. »

J'ai bien aimé l'écriture à la 3e personne, distante du protagoniste, mais aussi parfois proche de lui et de ses pensées intimes. Pendant la cérémonie officielle, le caricaturiste joue son personnage, tout en suivant ses propres réflexions, le regard sur sa femme dont il est séparé.

Pour autant, l'auteur ne prend pas le parti de Javier Mallarino, il laisse le lecteur deviner ses doutes, réfléchir sur son rôle dans cette triste histoire - - dont on ne saura pas le fin mot. Il est vraisemblable qu'à une nouvelle lecture on jetterait un regard nouveau sur l'intrigue et sur la fin du récit.

En filigrane on s'interroge sur le pouvoir de la plume capable de sceller un destin, par un dessin ou une phrase lapidaire. «  La caricature[est] un aiguillon enrobé de miel », dit Mollarino, c'est-à-dire qu'on vise le plaisir des lecteurs aux dépens d'une victime, sacrifiée sur l'autel public.

Le titre « les réputations », concerne autant la vérité de l'artiste glorifié que l'homme politique sacrifié. Nous en sommes réduits, comme dans le monde contemporain des medias, à nous demander si le masque/réputation correspond à la personne, s'il l'étoffe ou s'il l'étouffe.

Les entourages respectifs sont aussi impliqués, y compris la fille du caricaturiste dont on parle peu dans le récit, mais qui, in fine, revient sur la scène.

J'ai donc apprécié ce roman sobre aux résonances multiples, car, comme le dessinateur satirique, le romancier décape les apparences pour mettre au jour une société, souvent très rapide dans ses jugements comme dans ses condamnations, qu'il s'agisse du quotidien ou de la vie officielle.
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