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Critique de Presence


Ce tome fait suite à Paper Girls, tome 4 (épisodes 16 à 20) qu'il faut avoir lu avant. Il faut avoir commencé par le premier tome. Celui-ci regroupe les épisodes 21 à 25, initialement parus en 2018, écrits par Brian Wood, dessinés et encrés par Cliff Chiang, avec une mise en couleurs réalisé par Matt Wilson. Il s'agit de l'avant dernier tome de la série.

À 12 ans, Mac Coye s'était rendue dans la bibliothèque de Stony Stream pour emprunter le tome Secret de la série Sweet Valley High, affrontant une bibliothécaire assez sarcastique. Cette dernière se transforme en une vieille harpie appelant à ses côtés un ver géant. Mac se défend avec une crosse de hockey. Elle est tirée de son cauchemar par KJ qui lui indique qu'il est temps de bouger. Erin Tieng, Mac Coyle, Karina KJ et Tiffany Quilkin se tiennent avec la version adulte de l'une d'entre elles (récupérée en 2000) sur le toit d'un immeuble en 2071. Tiffany tient encore à la main le sceptre technologique et elles ont réussi à quitter le robot géant (Mecha) qui reste visible dans la baie. En observant les gratte-ciels, Mac comprend qu'elles se trouve à Cleveland sur la rive sud du lac Érié, dans l'État de l'Ohio. Elle décide qu'elles doivent se rendre à la bibliothèque publique, influencée par son rêve. le vaisseau de Grand-Père arrive au-dessus de la baie, juste à la verticale du Mecha, ses senseurs étant incapables de détecter les voyageuses temporelles. À bord, la cardinale effectue son rapport à Grand-Père : les agents ont retrouvé un radeau, mais les fuyardes sont indétectables. Grand-Père indique qu'il faut les retrouver sans alerter la population, pour découvrir comment elles réussissent à passer inaperçues.

Les 4 adolescentes et l'adulte arrivent dans une artère très passante, avec de nombreux piétons et une poignée de voitures volantes dans le ciel. Mac fait référence à une chanson du groupe Timbuk3 (1986-1995), occasionnant une remarque de l'adulte sur le caractère éphémère des choses. Une femme à l'étrange coiffure surgit devant elles, leur proposant des produits de contrebande dont des cigarettes. La police est à ses trousses dans des flotteurs et un policier ouvre le feu sur elle. Les 5 femmes s'enfuient avant d'être prises dans l'algarade. À l'étage supérieur d'une des tours donnant sur cette voie, une vieille femme observe la scène. Les 5 femmes parviennent au pied des marches de la bibliothèque municipale qui est ouverte, et où elles entrent sans difficulté. Elles constatent qu'il y a des usagers à l'intérieur. Elles parviennent jusqu'à une pièce où se trouvent une intelligence artificielle qui a la forme d'un arbre, en référence à celui de la connaissance.

La fin du tome précédent annonçait que les 5 voyageuses temporelles allaient se retrouver dans un futur de science-fiction, et le lecteur apprend en cours de route qu'il s'agit de 2071, une année assez éloignée pour mériter le qualificatif de science-fiction. Comme le tome 3, celui-ci se déroule à une seule et même époque, en suivant les 5 femmes, ainsi que le Grand-Père et celle qu'il appelle sa soeur. Pour autant, suivre l'intrigue nécessite un minimum d'attention. En effet, il s'agit de l'avant dernier tome de la série, et le scénariste commence donc à imbriquer des pièces éparses faisant ressortir la logique des déplacements dans le temps. Comme depuis le début, le lecteur suit la ligne temporelle des 4 adolescentes, linéaire de ce point de vue. Il garde à l'esprit qu'elles se sont déplacées dans le temps, rencontrant à plusieurs reprises le même personnage, mais à des époques différentes, ainsi que des versions futures d'elles-mêmes dont une les accompagne en 2071. du coup, il survient des paradoxes temporels classiques où un personnage rencontre pour la première fois un autre qui lui a déjà eu l'occasion de le croiser. Ou encore un personnage essaye de se servir du fait qu'il sait ce qu'il va arriver pour changer le passé en se lançant un message. Sur ce dernier point, le lecteur a déjà pu constater les règles en la matière. du coup, il ne se demande pas si le stratagème va fonctionner, mais la raison pour laquelle ça ne va pas marcher.

Le lecteur sait qu'il va retrouver les dessins de Cliff Chiang avec toujours les mêmes caractéristiques : une approche réaliste et descriptive, avec un degré de simplification dans les visages, des contours parfois un peu raides, des expressions de visages pas toujours nuancées. Mais à ce stade de la série, il ne peut pas envisager qu'elle soit dessinée par quelqu'un d'autre. Au cours de ces 5 épisodes, il éprouve la sensation que le dessinateur donne plus de consistance aux différents environnements, même s'ils restent très propres sur eux. Il peut promener son regard dans la bibliothèque municipale dans la scène d'ouverture, admirer à plusieurs reprises la ligne d'horizon des gratte-ciels, détailler l'aménagement intérieur de l'appartement de la soeur de Grand-Père, constater les différences d'urbanisme dans les différents quartiers parcourus par les adolescentes, cligner des yeux devant la décoration des couloirs de l'immeuble de l'appartement de la soeur, ou encore constater la stérilité de l'hôpital où se rendent Mac et Erin. le lecteur remarque qu'il ne s'agit pas uniquement d'une plus grande régularité dans les décors, mais que l'artiste fait preuve de plus d'inventivité avec des visuels plus mémorables. Par exemple, il savoure l'aspect enjoué de la rue passante, la forme de l'intelligence artificielle de la bibliothèque pour laquelle les traits un peu simplifiés font des merveilles, le gardien de la bibliothèque, les traits ridés du visage de la soeur du Grand-Père, l'espèce de robe holographique de la trafiquante, ou encore l'oiseau préhistorique dans le jardin du pavillon.

Cliff Chiang semble être vraiment très en forme, également pour les prises de vue et la direction d'acteurs. le lecteur ressent la timidité craintive de Mac devant la bibliothécaire, appréhendant qu'elle lui refuse le prêt du livre qui lui tient tant à coeur. Même si les expressions de visage restent dans un registre basique, les angles de vue et le découpage de la scène font ressortir l'état d'esprit des 2 interlocutrices avec évidence. Ces épisodes recèlent plusieurs passages intimistes reposant sur la capacité de l'artiste à rendre compte de la tension émotionnelle et du ressenti des protagonistes. Outre cette première scène dans laquelle l'adolescente redoute le refus arbitraire de l'adulte, Cliff Chiang met en scène le ressenti qui existe entre Grand-Père et sa soeur, les non-dits, l'historique du vécu qui fait qu'ils s'en tiennent à une stratégie relationnelle éprouvée dans laquelle ils ne cèdent rien, ni l'un, ni l'autre. Plus tard, il doit également mettre en scène un tête-à-tête délicat entre 2 des adolescentes, correspondant à une vision du futur qu'avait eu KJ. le lecteur a pu voir cette vision dans un dessin, il sait donc à quoi s'attendre, mais le contexte et le jeu des acteurs apportent une sensibilité très différente de celle à laquelle il s'attendait, grâce à la subtilité et la justesse du langage corporel et du plan de prises de vue.

Le lecteur sait qu'il peut compter sur Brian K. Vaughan pour assembler les différentes pièces du puzzle dans un tout cohérent, et qu'il n'est pas en mesure de devancer les surprises que réservent l'intrigue. Il apprécie donc les révélations comme elles viennent : la possibilité d'un traitement pour la maladie de Mac, l'identité de la soeur de Grand-Père et l'explication de sa longévité, la réalisation des visions de KJ. Il est servi en termes d'aventures par ce futur à la fois lointain, à la fois encore proche du temps présent par certains aspects. Il est un peu surpris que les chrononautes rebelles n'interviennent pas plus, mais il suppose que leur tour viendra dans le dernier tome. le lecteur est également venu pour partager avec les adolescentes leur ressenti en découvrant leur futur. Elles n'éprouvent pas de déception quant à l'état de Cleveland en 2071, mais elles n'ont pas le temps d'y penser car elles sont toujours recherchées par les sbires d'une autorité officielle qu'elles n'arrivent pas à cerner, et leur objectif reste de regagner 1988, leur époque temporelle. Au cours de leurs tribulations, elles sont à nouveau amenées à se heurter à ce que leur réserve leur futur personnel. Mac reste sous le coup de sa maladie mortelle. KJ se rend compte que la survenance des événements de ses visions en change complètement leur sens et le ressenti qu'elle en éprouve. Tiffany n'est plus capable de recul face à son autre elle-même. Brian K. Vaughan réussit des moments encore plus poignants quand il montre ses héroïnes devoir se confronter aux changements qui se sont déjà opérés en elles. Il montre des individus touchants essayant de démêler leur ressenti en découvrant la vérité sur eux-mêmes, ce qu'ils sont déjà, oscillant entre déni et résignation, parfois acceptation.

Ce pénultième tome tient toutes ses promesses de surprises, de science-fiction, de paradoxes temporels, d'étonnement, de merveilleux, et d'adolescentes aventurières apprenant à se connaître avec les épreuves. Les auteurs ne se montrent jamais condescendants envers elles, et n'en font pas des adultes en miniature, ou des héroïnes capables de tout résoudre mieux que les adultes. Ils les mettent en scène comme des êtres humains faisant face à l'adversité et à l'imprévu, et essayant de s'y adapter de leur mieux, en cherchant des solutions. Brian K. Vaughan ajoute une petite touche de sophistication à sa narration avec l'inclusion d'un couplet différent en début de chaque épisode, extrait de la chanson As time goes by (1931) par Herman Hupfeld (1894-1951), le lecteur finissant par avoir l'impression que le récit a été conçu à partir de cette chanson.
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