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Critique de Ingannmic


Avec cet étonnant premier roman, Claire Vaye Watkins impose une voix particulière, qui ne peut laisser indifférent...

Assommée par une interminable et implacable sécheresse, la Californie se transforme en désert... l'eau est devenue une denrée rare, la nourriture est rationnée.

Ray, déserteur "d'une guerre de toujours", et Luz, un ancien mannequin, occupent la villa d'une starlette sur les hauteurs de Los Angeles. Luz fut aussi, sous le surnom de Baby Dunn, l'icone médiatique de la génération sécheresse, les étapes de sa croissance servant de jalons au dérèglement climatique, à coups de slogans-catastrophe : "Toutes les piscines devront être vidées avant les dix-huit de baby Dunn" ou encore "L'eau aura-t-elle complètement disparu lorsque Baby Dunn atteindra l'âge adulte... ?"

A l'occasion d'une virée en ville, Ray et Luz enlèvent à une bande de loqueteux la gamine qu'ils traînent avec eux, à laquelle le couple s'attache immédiatement, et qu'il baptise Ig. Une enfant étrange, petite et chétive, parlant à peine, pourvue d'une grosse tête de traviole, d'un regard clair mais instable, d'un caractère à la fois tendre et colérique.

Cette nouvelle responsabilité "parentale" les incite à quitter la Californie avant qu'elle ne devienne complètement invivable, pour l'est et une communauté placée sous l'influence d'un pseudo prophète qui, grâce à ses dons de sourcier, trouverait de l'eau.

Mais l'exil n'est pas si simple : des milices placées aux frontières des états empêchent ceux que l'on désigne dorénavant comme "les mojaves" de quitter la Californie, la pénurie d'essence compromet les déplacements, et il faut de surcroît réussir à se repérer dans ce nouveau paysage que forme l'Amargosa, gigantesque mer de dunes mouvante, dont les hauteurs de sable s'entassent et s'étendent inexorablement sur des centaines de kilomètres entre Las Vegas et la côte Pacifique.

Ces montagnes de sable vibrantes, fluctuantes, palpitantes, impossibles à explorer, et même à cartographier, suscitent terreur et fantasmes. Certains voudraient détruire ce désert qu'ils prétendent stérile, obsédés par son inévitable avancée qui bientôt menacera la totalité du territoire américain. D'autres, à l'image des membres de la communauté que finissent par rejoindre nos héros, la considérant comme l'évident résultat de la barbarie de l'homme envers la nature, les défendent, arguant de leur dimension quasi mystique, et de la présence de la faune mutante qu'elles abriteraient.

Voilà un synopsis original, propre à doter "Les sables de l'Amargosa" d'une atmosphère pesante et singulière... mais ce qui fait véritablement la force de ce roman, c'est le style de Claire Vaye Watkins, un style parfois rétif, l'auteur semblant laisser sa plume se dérouler en roue libre, au fil d'une inspiration profuse convoquant digressions et références parfois obscures au lecteur, faisant naître des images souvent surprenantes. Il en résulte un texte bouillonnant, prenant régulièrement le lecteur à contre-pied, qui pourrait paraître à certains moments brouillon, mais qui en réalité est parfaitement maîtrisé.

De même, Claire Vaye Watkins s'offre le luxe de ne s'enfermer dans aucun genre. Au-delà de son contexte post apocalyptique et de son propos désespéré, "Les sables de l'Amargosa" se révèle être une très belle histoire d'amour, une mise en garde contre les prophètes en tous genres et un regard acéré porté sur les limites de nos sociétés de l'image... entre autres !
Lien : https://bookin-ingannmic.blo..
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