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Critique de Nastie92


Mettez-vous un instant dans la peau d'un étudiant en médecine.
Attention, accrochez-vous, c'est parti !
Pour ceux qui ne le savent pas, les études de médecine sont difficiles. Extrêmement difficiles.
Elles exigent un travail acharné, la lecture et l'apprentissage de milliers de pages de livres de chimie, de physique, de statistiques, mais surtout de cardiologie, de pédiatrie, de gastroentérologie, de gynécologie-obstétrique, de dermatologie, d'ophtalmologie, etc.
Quand je vois les étagères de ma fille remplies de tous ces volumes, quand j'en feuillette certains, ça me donne le tournis !
Pour moi qui ne suis pas dans le domaine médical, ces ouvrages ont l'air passionnants, mais également terrifiants.
Comment peut-on faire rentrer ce volume de connaissances dans un seul cerveau ?
La réponse est "simple" : en travaillant, en travaillant, et encore en travaillant !
Donc, vous travaillez.
À ce travail plus que conséquent, il faut ajouter les stages d'externat de la quatrième à la sixième année.
En gros, vous êtes larbin dans les différents services successifs dans lesquels vous passez, vous remplissez les dossiers des patients, allez rechercher des résultats d'analyses... bref, faites toutes les basses besognes, et accessoirement apprenez un peu de pratique médicale de-ci de-là. Vous travaillez donc à l'hôpital de 8h à 13h ou 14h tous les jours, pour la royale somme de cent à deux cents euros par mois. Sans compter les astreintes et les gardes de nuit et/ou du week-end, selon les services.
Et les après-midi me direz-vous ? Eh bien, les après-midi, vous avez des cours à la fac, vous travaillez pour les apprendre, ainsi que tout ce qui figure dans les livres dont j'ai parlé plus haut.
Cinq semaines de vacances par an, pas un jour de plus.
On est loin de l'image d'Épinal de l'étudiant qui a tout son temps, qui passe de longues heures aux terrasses des cafés, qui fait la fête sans arrêt et qui a de longues vacances !
En fin de sixième année, arrive le concours tant redouté, les ECN, Épreuves Classantes Nationales, appelé autrefois concours de l'internat.
De votre classement aux ECN dépend votre avenir. En gros, votre rang déterminera si vous ferez un internat de pédiatrie à Montpellier ou de médecine du travail dans la Creuse.
Travail. Stress. Travail. Stress. Travail. Stress.
Après le concours, ça y est, vous devenez interne ! Pour une durée de quatre à six ans, selon la spécialité.
J'espère pour vous que votre classement vous a permis de choisir la spécialité de vos rêves dans la région de vos rêves.
Là, vous passez vos journées entières à l'hôpital. Sous la supervision du chef de service, vous vous occupez des patients, gérez les examens et les analyses, parlez aux familles, bref, vous êtes ce que certains dans les services appellent un bébé toubib. Un bébé qui fait tourner l'hôpital. Un bébé avec de lourdes responsabilités. Un bébé royalement payé au smic.
Et ce n'est pas tout (parce que s'il n'y avait que les journées à rallonge à l'hôpital, ça ne serait pas drôle), vous avez des cours et des conférences certains soirs, et toujours des astreintes et des gardes de nuit ou du week-end.
Parallèlement à tout ça, il ne faut pas oublier de plancher sur votre thèse, que vous devrez soutenir en fin d'internat pour obtenir, enfin, le titre de "docteur en médecine". Youpi !
Les études de médecine, c'est passionnant, je n'en doute pas, mais c'est long, usant et stressant.
Pour "survivre" toutes ces années, chacun a son truc. Il faut arriver à voler quelques heures à un emploi du temps surchargé pour décompresser un peu. Quelques-uns font du sport, d'autres de la musique, certains vont au cinéma, et autres activités de détente.
Vie de Carabin, alias VDC, alias Védécé, a choisi de dessiner.
Il a commencé lorsqu'il était externe, et poursuit toujours, maintenant qu'il est devenu interne.
Dessiner le distrait, sans doute ; l'aide à décompresser, sûrement.
VDC a d'abord publié ses dessins sur Facebook et dans un blog, puis un éditeur s'est intéressé à son travail... et voilà. Le succès aidant, les albums s'enchaînent.
Celui-ci est le dernier en date, et je le trouve très réussi.
J'y retrouve le graphisme tout simple mais très efficace que j'ai apprécié dès que j'ai connu VDC.
J'y retrouve l'humour et l'autodérision que j'aime et qui me font rire.
Mais j'y trouve bien plus que cela. Car cet album est drôle, mais pas seulement.
VDC y dresse un portrait sans concession de l'hôpital. Il n'y va pas de main morte dans ce qu'il dénonce, mais (hélas), tout est vrai. La meilleure preuve étant l'incroyable succès qu'il rencontre auprès des étudiants en médecine ou des médecins qui disent d'une seule voix qu'ils s'y reconnaissent complètement.
Quand VDC dessine des salles incroyablement vétustes, il expose la réalité de bien des établissements.
Quand il dessine une dame âgée abandonnée par sa famille à l'hôpital, il ne fait que montrer une situation vécue hélas à de multiples reprises.
Quand il dessine une jeune adolescente abusée par son père et finalement obligée de retourner vivre chez ses parents, les services sociaux n'ayant pas pu monter un dossier suffisant, il dénonce une réalité sordide subie par de nombreux enfants.
VDC ne dessine pas que pour faire rire. Il dessine aussi (et dans ce volume 3, je dirais "surtout") pour dénoncer. Pour dénoncer la mauvaise organisation, les manques matériels et humains de l'hôpital.
On rit souvent jaune. C'est féroce, mais nécessaire.
Ce que VDC publie ne plaît pas à tout le monde, et l'on comprend qu'il cherche à tout prix à préserver son anonymat : vous l'aviez deviné depuis longtemps, je pense, VDC est un pseudonyme.
Le nom d'emprunt d'un étudiant en médecine talentueux, lucide et humain.
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