Charly est un beau loup de mer, toujours entre deux courses, deux trophées, avec des vagues plein la tête même lorsqu'il a le pied sur terre. Quant à Lucy, comédienne avec le vent en poupe, elle traverse la vie comme un courant d'air, joyeuse et insaisissable. Talentueuse, tout lui réussit avec une facilité déconcertante. Même sa meilleure amie en fait parfois les frais. le point commun entre Charly et Lucy ? Épris de liberté, ils peinent à inscrire leurs relations amoureuses dans le temps. le destin va pourtant les rapprocher lors d'une soirée d'anniversaire. Un coup de foudre par temps de pluie. Maladroits, ils ébauchent ensemble ce qui deviendra au fil des ans l'amour de leur vie.
J'ai adoré le début. le rythme, la narration. Un chapitre du point de vue de Charly, un autre de celui de Lucy, un troisième conté par un narrateur omniscient… et on recommence ! L'alternance est rafraîchissante, et la rencontre des deux protagonistes amusante. Ils se plaisent, refusent de se l'avouer, luttent contre leurs sentiments, effectuent une parade d'amoureux dans l'espoir que l'autre se trahira en premier. Un très bon départ qui met en bouche, mais le récit peine néanmoins à tenir ses promesses.
Très vite, des détails commencent à me chagriner. Les phrases manquent parfois de liant entre elles, mais cela reste anecdotique comparé à ce qui m'a gênée dans ma lecture. J'ai souvent eu la sensation qu'on me racontait une histoire plutôt que de me la faire vivre. Des événements majeurs comme un mariage, une lune de miel, se voient résumés à une « liste de courses » : de clubs, de lieux, de plats,… Les noms se succèdent, étalage sans substance de détails techniques, un brin élitistes aussi. Si l'on n'est pas du milieu, on est tenté de sauter des pages pour reprendre l'histoire à la fin du catalogage. À l'instar de private jokes, cela ne parle pas à la majorité.
Un catalogage qui se fait d'ailleurs au détriment des tranches de vie. On en sait très peu sur Charly, au final : il a le pied marin, vient d'une famille soudée du Sud-Ouest, a eu son lot d'amours décevantes (mais là aussi, l'autrice énonce un fait sans creuser la question). L'histoire de Lucy est plus élaborée, bien qu'on n'en prenne pas connaissance immédiatement. Elle est touchante dans ses doutes, sa peur de l'engagement, sa volonté féroce de ne pas reproduire le schéma familial, le cycle de l'abandon. Ces quelques épisodes émouvants - comme ont pu l'être aussi les passages sur les attentats de
Charlie Hebdo et du Bataclan - sont entrecoupés de réflexions autour de la place de la femme, de la famille, des casseroles que l'on traîne en héritage, du grand amour, de la liberté et paradoxalement des restrictions qu'elle apporte. de l'importance d'être gentil dans un monde qui se veut cynique. Des réflexions intéressantes, pertinentes, qui m'ont parlé plus qu'à leur tour car elles reflétaient des questionnements qui me taraudent moi aussi depuis longtemps. Mais qui, d'un autre côté, sont venues hacher un récit auquel on peine déjà à s'attacher, la frontière entre fiction et documentaire se réduisant à peau de chagrin. Les sauts dans le temps récurrents sur un format relativement court ont fini d'achever le fil rouge de cette histoire.
La merveilleuse relation mère-fils que le synopsis nous vend est ainsi à peine effleurée. Léo n'arrive que tardivement dans l'histoire et n'est pas de suite en âge de parler. Et certains dialogues manquent alors de naturel. le style est figé, l'intrigue convenue. Les instants précieux du quotidien sont bien trop peu nombreux pour permettre l'immersion dans le récit, pour nous malmener lorsque le drame frappe à la porte du trio. L'épilogue en est un bon exemple : il n'apporte rien, il ne permet pas de saisir ce que le personnage concerné est devenu. On reste encore et toujours sur notre faim, en surface, et c'est dommage. Car ce roman a un bon potentiel, mais il demeure mal exploité au fil des pages. Les problèmes de rythme, le détachement qui s'installe entre les personnages et le lecteur, se font durement ressentir. La lecture n'est pas désagréable, et il reste de beaux passages, mais elle ne me restera pas longtemps en mémoire. Elle manquait malheureusement trop de corps pour cela.
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