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Critique de HundredDreams


La science-fiction est un genre littéraire qui m'a toujours séduite. La critique particulièrement convaincante de HordeduContrevent a été le déclencheur de cette lecture. Et c'est avec impatience et curiosité que je l'ai commencé.

Ce roman post-apocalyptique m'a charmée par l'originalité de son écriture et de son intrigue. En effet, on part totalement à l'aventure, ne sachant pas du tout où l'auteure veut nous emmener. On va ainsi de surprise en surprise pour aboutir à un dénouement étonnant.

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Après l'Apocalypse, le monde n'est plus comme nous le connaissons. Les rares survivants se sont regroupés autour d'un baobab et suivent à la lettre les enseignements du Dogme. Toute initiative, toute curiosité sont prohibées et condamnées.
Chaque parole est mûrement réfléchie afin de ne pas paraître trop présomptueux, vaniteux.

« … la communauté s'est développée autour de son tronc gigantesque. Nous l'avons vu naître et croître, il est un peu comme notre enfant, ou du moins an membre de notre famille. Il a vécu presque aussi longtemps que nous, et nous est donc plus proche que n'importe quoi d'autre sur cette terre. En tout cas, je ne vois pas d'autre explication rationnelle à l'attachement que nous éprouvons à l'égard de ce vieil arbre. Les autres villageoies auraient peut-être des idées différentes. Mais illes ne réfléchissent pas à ce genre de chose – et illes ont raison, eulx savent se raisonner, et se rappeler que les sentiments sont choses trop mystérieuses pour que nous puissions les percer à jour. Vouloir les comprendre est sûrement une entorse au Dogme et une nouvelle preuve de mon immodestie. »

Cami fait parti de ces très rares individus qui doivent se réfréner, se contraindre continuellement afin que leur curiosité naturelle et leur intelligence ne les fassent pas paraître arrogants, supérieurs, ou condescendants.

« Ile a raison : mon attitude est égocentrique, antidogmatique, hérétique. Mais je ne vois pas en quoi je nuis à la communauté ! »

Lorsque le Conseil lui confie la mission de retrouver des connaissances de l'Ancien temps dans les Terres Renoncées, il est très enthousiaste. Et même s'il doit se faire accompagner de Paule, garante du respect au Dogme, c'est pour lui l'occasion d'en apprendre plus sur son passé et le cataclysme qui a frappé la Terre.

« Avant de partir, j'étais aveuglé par les potentielles découvertes à faire, et les autres étaient préoccupés par le péril spirituel, mais personne n'a évoqué les dangers d'ordre physique. »

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Premier roman d'Auriane Velten, ce roman fait montre d'une excellente maîtrise de l'écriture, d'un style très original, d'une intrigue parfaitement menée et de belles réflexions sur les notions d'humanité, d'altruisme et de mémoire, sur les thématiques de la liberté, de l'identité, de l'art, et des avancées technologiques.

L'écriture est très singulière et constitue un des atouts de ce roman.
Le procédé consistant à alterner les deux voix des protagonistes à la première personne du singulier est particulièrement efficace.
Paule et Cami s'efforcent de paraître neutres et de ne jamais dévoiler leurs sentiments, mais cette narration nous permet d'être au plus proche de leurs émotions. On pénètre dans leur esprit, on est face à leurs interrogations, leurs doutes, leurs peurs.
Chacun ayant un regard différent sur leur monde, il est vraiment très intéressant de suivre l'évolution de leur relation, de reconstituer leur évolution psychologique, morale, et de comprendre comment chacun va influer sur l'autre et le transformer.

A travers leurs personnalités très différentes, leurs pensées, leurs émotions, le lecteur ressent toute la pression et l'emprise qu'exercent les membres fondateurs du Dogme sur cette petite communauté. Car sous ses aspects utopiques, idylliques, bénéfiques et bienveillants se cache un véritable carcan.

« Illes sont tétanisés, cloués sur place, bras et jambes rectilignes, torses immobiles : seules leurs lèvres bougent, dans une discussion sans saveur. Mais pas inintéressante à analyser.
La nouveauté leur fait toujours cet effet. Comme illes se sentent en danger, illes se retranchent derrière le Dogme. Et leur volonté de le respecter – ou peut-être leur crainte de L'enfreindre ? – est si forte qu'elle les empêche d'émettre une idée nouvelle, alors même que leur problème est justement de savoir comment le respecter. Mais je ne peux pas leur expliquer tout cela, car ce serait aussi une infraction au Dogme. »

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J'ai également apprécié l'utilisation d'un genre neutre qui apporte un caractère flottant et crée une distance, une confusion dans la tête du lecteur qui n'arrive pas à se les représenter dans leur globalité. Les pronoms, les déterminants, certains noms, les prénoms également, sont retouchés pour effacer toutes les appartenances à un genre.
J'ai mis un peu de temps à m'habituer à leur langage, mais c'est délicieux de ne pas tout comprendre dès le départ, de s'immerger tout doucement dans ce monde futuriste et monochromatique, de s'imprégner de ce nouveau langage dégenré jusqu'à ne plus y faire attention.

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Pour conclure, ce roman dystopique assez court a tout ce qui faut pour séduire les lecteurs : une écriture inclusive ingénieuse, un duo atypique et attachant, une intrigue pleine de rebondissements, des réflexions philosophiques vraiment originales qui amènent à de nombreux questionnements sur notre besoin de savoir d'où l'on vient, sur les bienfaits, ou pas, du progrès.
Une très belle découverte, je me suis régalée, merci Chrystèle.
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