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Critique de Lenocherdeslivres


Il était une fois… une ouverture dans le monde, un gauchissement d'une porte qu'on ignorait et qui permet d'accéder à une autre dimension. Comme si, d'un coup, sans raison apparente, la largeur avait été raccourcie. Ainsi, certaines personnes se trouveraient capable de faire apparaître, dans notre monde de tous les jours, des êtres issus de leur imagination, même la plus folle, la plus débridée. Quelles possibilités ? Quelles conséquences ?

Dans les premières pages du roman, le monde tel que nous le connaissons subit un bouleversement terrible. Les gens ne peuvent même plus marcher, car ils sont déséquilibrés. On comprend rapidement qu'une dimension a été modifiée. La largeur n'a plus la même taille. du coup, toutes les perceptions sont modifiées. Mais après quelques jours, les femmes et les hommes s'habituent et tout revient à la normale. Enfin, pas tout à fait. Car Sarah, et d'autres, parviennent à donner vie, pendant onze secondes au maximum, à des créatures totalement imaginaires : dragons, fées, tous ces êtres qui peuplent les esprits des enfants (et des adultes) prennent vie, brièvement, devant les yeux médusés de leur entourage. Ce beau conte de fée peut-il rester dans le domaine du merveilleux ? Quand les adultes et les sociétés vont s'en emparer, que restera-t-il ?

En effet, Cimqa est un roman sur l'enfance, ses rêves, ses espérances et ce que le monde adulte, les sociétés corsetées en font. Une histoire qui veut tenter de croire, encore, à l'émerveillement de la jeunesse face aux compromissions, aux haines, aux bassesses des grands. le récit suit les pas de Sarah et d'Ada, deux jeunes filles capables de créer des personnages saisissants. Deux jeunes filles qui ont totalement intégré les possibilités de cette nouvelle dimension, la Cinquième, qu'elles préfèrent appeler entre elles le « Pays ». Là encore, on sent bien qu'on est dans l'univers des contes, au pays merveilleux où tout est possible, où seule l'imagination imprime ses limites. C'est à dire aucune, car, surtout à cette âge, elle est débridée, fantasque, infinie.

Mais, comme je l'écrivais plus haut, Cimqa est le récit d'une lutte entre deux visions du monde. On le découvre tout au long de l'histoire de Sarah et d'Ada. Mais aussi en lisant l'axe parallèle. Car un chapitre sur deux nous projette dans un monde : de « Là-bas (Ici) », on passe à « Ici (Là-bas) ». Ce dernier semble être l'avenir, mais on n'en est pas sûr, du moins au début. D'ailleurs le lien entre les deux histoires ne se montrera de façon certaine que sur la fin du roman (même si, bien évidemment, de nombreux indices – voire des faux – parsèment les pages et font sens au fur et à mesure). Sara (sans « h ») et Eva forment un couple solide malgré les différences énormes de passions entre elles : la première vit du et pour le cimqa, le spectacle vivant modelé grâce à l'imagination des artistes. C'est devenu une industrie de masse, avec gros budgets et obligation de réussite. La seconde est ouvrière, solide, syndicaliste engagée dans la lutte contre les inégalités. La première ne s'intéresse que peu aux réalités sociétales, vivant dans son monde imaginaire. La seconde a comme une phobie du cimqa : elle peut paniquer devant certaines apparitions et s'en tient donc éloigné. Par des concessions et beaucoup d'empathie et d'amour, elles vivent bien.

Cependant, tout n'est pas rose. Ici, la découverte de Sarah est devenue monnaie courante. Mais elle est contrôlée par les autorités. On ne peut, sauf à de rares occasions, petits moments de liberté, exposer en public ses créations. Si on veut vraiment créer pour les autres, il faut travailler pour une société de cimqa et participer à de grands spectacles. le cinéma en vraies 3D. Magique, non ? Sauf que des limites sont imposées aux créateurs. Ils ne peuvent imaginer exactement ce qu'ils veulent. Les goûts présumés des spectateurs, formatés à base de sondage, prévalent sur l'originalité. Et tout cela devient une soupe homogène, sans accroc. Tout le côté rugueux, poil à gratter de certaines idées doit disparaître. Tout ce qui ne correspond pas çà la norme doit s'effacer. Des critiques que l'on peut appliquer à la production publique audiovisuelle actuelle qui n'ose pas souvent et flatte dans le sens du poil un public présumé amorphe et hésitant devant le moindre changement. Et tout cela mine Sara, qui ne supporte plus ce carcan.

Comment Auriane Velten parvient-elle à lier ces deux trames ? Pour le savoir, une seule solution, se plonger dans ce roman prenant, qui sait nous ramener en enfance sans nous prendre pour des gosses. Qui sait jouer avec nos rêves tout en nous faisant réfléchir au monde dans lequel nous vivons. Une belle histoire aux doux accents de rêves enfantins qui tentent de jouer leur mélodie dans la partition plus normée des adultes.
Lien : https://lenocherdeslivres.wo..
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