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EAN : 9782382670866
Mnémos (04/10/2023)
4.1/5   36 notes
Résumé :
Imaginez que le monde ait un jour le hoquet ; des créatures et des objets commencent à apparaître. Imaginez trouver un moyen de faire venir ces choses selon votre désir… jusqu’à susciter l’intérêt d’une équipe de scientifiques.

Imaginez travailler pour la plus grande industrie du divertissement, mélangeant cinéma et imagination. Imaginez recevoir l’opportunité de votre vie, mais continuer à être rongé par l’anxiété. Jusqu’à rêver qu’une petite fille v... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (18) Voir plus Ajouter une critique
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Je ne suis pas friand de récits de science-fiction, mais comme celui-ci se trouvait dans le top de l'année de lecteurs qui affectionnent également d'autres genres, je me suis laissé tenter par ce roman qui alterne deux lieux/temporalités, « Ici » et « Là-bas ».

« Ici », un beau matin, le monde de la petite Sarah et de sa maman se retrouve totalement chamboulé. C'est d'ailleurs la planète entière qui semble être affecté par ce phénomène étrange qui a subitement rétréci la vision périphérique de tout le monde, tout en causant des pertes d'équilibre inexplicables. Apparemment, une nouvelle dimension vient de faire son apparition sur Terre, bousculant du coup les quatre autres. Une fois habituée à l'émergence de cette cinquième dimension, celle de l'imagination, la petite Sarah montre des capacités incroyables à matérialiser n'importe quelle créature issue de son imagination… un pouvoir qui fait certes peur, mais qui attise également les convoitises.

« Là-bas », dans le futur, Sara travaille comme technicienne de la Cimqa et utilise son imagination afin de matérialiser les décors et les créatures de grandes productions cinématographiques. Malgré sa créativité débordante et son amour du métier, la quinquagénaire a beaucoup de mal à laisser libre cours à son talent au coeur de cette industrie du divertissement qui veut surtout générer du profit en essayant de plaire au plus grand nombre, au détriment de l'émerveillement et de la créativité.

En alternant constamment ces deux récits au fil des chapitres, « Cimqa » propose une réflexion intéressante sur la place de l'art dans notre société de consommation. Auriane Velten montre d'une part les possibilités incroyables du talent de la petite Sara, qui ne pose aucune limite à son inventivité, et de l'autre cette femme proche du burn-out, exploitée par une industrie du divertissement totalement aseptisée par une surproduction visant uniquement à générer du chiffre. Que reste-t-il de l'art quand tout le monde finit par produire les mêmes films, quand la standardisation finit par détruire la créativité ?

Outre le contraste entre cette petite fille pétillante et lumineuse et cette adulte sombre et lessivée, qui invite à réfléchir sur la place de l'art et sur les dérives de notre société capitaliste, le lecteur s'interroge également sur le lien qui pourrait unir ces deux personnages aux prénoms homonymes. du coup, malgré quelques longueurs et une Sara adulte finalement assez déprimante, le lecteur est inévitablement entraîné vers la conclusion de ce récit d'anticipation original et intelligent.
Lien : https://brusselsboy.wordpres..
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Auriane Velten m'avait fortement interpellée avec son premier roman « after® », lauréat du prix Utopiales en 2021. C'est ainsi avec un immense plaisir et beaucoup de curiosité que j'ai accepté de lire son nouveau roman en me demandant si l'univers très futuriste (la Terre dans 3000 ans) proposé dans « after® », composé d'humains non genrés et fortement conditionnés, dénués de sentiments, allait trouver de nouvelles ramifications dans ce deuxième opus. Je remercie très chaleureusement les éditions Mnémos pour m'avoir proposé de découvrir ce nouveau livre et de m'avoir accordé leur confiance.

Le moins que l'on puisse dire, c'est que cette jeune auteure sait se renouveler. Si nous restons dans un livre d'anticipation, le futur est cependant plus proche, puisqu'il se déroule dans plusieurs décennies, et par ailleurs, ce livre est très différent du précédent tant dans l'histoire que dans l'ambiance créée. Point d'utopie collective autour d'un baobab cerné de terres brûlées moribondes, mais une histoire plus simple et réaliste, plus proche aussi en ce sens qu'elle résonne avec notre monde actuel, qui m'a laissée songeuse, une question lancinante notamment est venue me hanter : La nature humaine est-elle à ce point mauvaise de vouloir ainsi toujours transformer une belle opportunité, ou une innovation radicale, en une source de profit potentielle qui, exploitée à l'excès, conduit à des dérives, des souffrances, une perte de sens, voire une perte d'humanité ?
Les exemples sont légion. Prenons la méthanisation par exemple, voilà une pratique qui produit de l'énergie non fossile, un gaz combustible, en utilisant nos déchets organiques qui, en se décomposant en l'absence d'air, fermentent et dégagent ainsi une source d'énergie renouvelable. Sauf que cette pratique vertueuse qui s'inscrit en plein dans l'économie circulaire souffre de dérives pernicieuses : vu les profits possibles, on assiste ainsi à l'accaparement des terres pour produire de l'énergie au détriment de l'alimentation, ou à l'élevage intensif de bovins dans des conditions effroyables dans le seul but de récupérer toujours plus de déjections, occasionnant par là même odeurs incommodant les riverains et souffrance animale.

Bref, mes sujets du moment (la méthanisation notamment) me sont venus à l'esprit en lisant ce livre…qui n'a rien, mais vraiment rien à voir avec la méthanisation, je vous rassure. Mais le principe dénoncé est le même : une opportunité incroyable est transformée en une source de profit qui devient, à force, dénué de sens et d'éthique.

Cette opportunité est celle de la découverte et du contrôle d'une nouvelle dimension, la dimension de l'imagination et des possibilités insoupçonnées de créativité artistique qu'elle engendre.
Cette nouvelle dimension est apparue un jour subitement. Tout à commencer alors que la petite Sarah et sa mère se réveillent un matin atteintes toutes deux de vertiges, de pertes d'équilibre. Elles comprennent peu à peu que tous les humains semblent toucher par ce phénomène étrange qui rétrécit la vision périphérique donnant une sensation angoissante d'être dans un tunnel. Après quelques jours, la vie reprend son cours sauf que des individus, dont Sarah, sont sujets à des hallucinations particulières : la fiction, le fruit de leur imagination, devient réalité. le Repli, comme nous appelons désormais le phénomène inexpliqué vécu quelques temps auparavant, a en effet rompu les frontières entre réalité et imaginaire, permettant au monde parallèle de l'imagination d'oeuvrer dans notre monde. Cette faille bouscule les quatre premières à savoir longueur, largeur, hauteur et temps. C'est la 5ème dimension.
Très sincèrement, je ne sais pas si les explications données par l'auteure sont un tantinet crédibles, mais l'idée est séduisante et poétique et surtout ce n'est pas tant l'explication qui importe que ce que cela va engendrer, le livre flirtant en réalité entre science-fiction et fantastique.

Le livre tricote alternativement une maille à l'envers et une maille à l'endroit…Un chapitre consacré à Sarah, cette petite fille qui arrive avec talent à faire surgir tous les personnages aimés de son enfance depuis la Fée Clochette au gentil dragon, en passant par des lutins ou encore la panthère Bagheera. Nous suivons son évolution jusqu'à sa majorité. Les chapitres dédiés à Sarah sont des chapitres lumineux dans lesquels nous suivons avec délice les facéties de la jeune fille avec son amie Ada, les possibilités incroyables que permet son talent, l'audace inventive dont les deux amies font preuve. le chapitre suivant consacré à Sara, femme d'une cinquantaine d'années, technicienne de l'entreprise Cimqa qui produit des films et des publicités. La femme utilise son imagination pour produire les décors et les créatures, les édifices, le but étant de produire des éléments censés plaire à la majorité des spectateurs. Très investie dans son travail, anxieuse et fragile, elle sent cependant, dans sa manière de toujours devoir plaire au public, que cette activité chronophage la mine plus qu'elle ne l'épanouie.
Le lien entre Sarah et Sara va progressivement émerger. L'auteure, en donnant alternativement la parole à chacune, entretient savamment le suspense. A l'émerveillement fraîche et innocente de la première répond la lassitude désabusée, la liberté étouffée de l'autre.

Certaines thématiques présentes dans « after® » se retrouvent dans ce livre notamment celles liées au genre. Pas d'écriture inclusive cette fois-ci (sauf à quelques rares moments, ce que je n'ai pas compris, serait-ce des oublis ?) mais une dimension centrale accordée à l'homosexualité féminine.
Place belle est faite à toutes les interrogations qui traversent la jeune génération actuelle, la fameuse génération Z : celle du sens du travail et de l'épanouissement au travail, de la compromission de plus en plus insupportable pour cette génération de devoir sacrifier bien-être et vie familiale pour juste gagner sa vie au moyen d'une activité dénué de sens ; le questionnement relatif à la liberté d'expression et de création ; celle de nos vies personnelles où la frontière entre vie privée, vie professionnelle et vie sur les réseaux est parfois difficile à délimiter ; ou encore celle de l'importance croissante des écrans et des jeux vidéo. Elle aborde avec beaucoup de délicatesse l'intime dans ce contexte où les frontières entre privé et public sont poreuses.

« Elle avait envie de hurler : survivre ne me suffit pas ! Parque qu'elle ne supportait plus ce corset de la peur. Elle se sentait limitée, obligée, détournée. Elle ne voulait plus avoir à penser à l'argent, et à sa retraite, et aux prédictions, et aux chiffres de vente. Elle ne supportait plus de devoir. Elle avait besoin de pouvoir. Et de créer ».

Dans ce livre, Auriane Velten dénonce enfin avec brio cette façon de faire de l'art à la fois une source majeure de profit, un outil d'asservissement et un outil de pouvoir. L'art était déjà un sujet très présent dans son précédent livre. Elle propose ici une réflexion riche et pertinente sur la place de l'art et sa marchandisation au sein des sociétés capitaliste, mais aussi sur la perception du beau et la compromission de créer pour la majorité et non pour soi.

Cimqa est ainsi un livre de science-fiction doux et agréable, intimiste, dans laquelle l'imagination est superbement mise à l'honneur, à la fois encensée lorsqu'elle est libre et innocente, et dénoncée lorsqu'elle devient source de profit et de pouvoir. Et pour en parler avec autant de plaisir, avec autant de beauté, avec autant d'audace, c'est certain, Auriane Velten en fait preuve elle, d'imagination, et qui plus est d'une imagination tout à fait singulière !


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J'ai souvent du mal avec les romans qui célèbrent « le pouvoir/l'importance de l'imagination » : j'ai tendance à les trouver, paradoxalement, assez convenus et dépourvus d'imagination. C'est donc avec une légère réserve que j'ai abordé Cimqa – réserve compensée par un pitch prometteur, un a priori favorable pour l'autrice (jamais lue, mais déjà entendue en entrevue), et l'excellente critique de @Lenocherdeslivres. Il n'en fallait pas plus pour que je craque quand l'ouvrage est passé entre mes mains.

On alterne à chaque chapitre entre deux mondes et/ou deux époques différentes, Ici et Là-bas : dans l'un, l'une des trois dimensions spatiales se replie légèrement et laisse la place à une nouvelle dimension, celle de l'imagination. Sarah, six ans, découvre qu'elle peut matérialiser des créatures fantastiques durant quelques secondes. Émerveillée, elle explore les possibilités de ce nouveau pouvoir… Dans l'autre, la cinquième dimension est très règlementée et très codifiée, avec une mainmise presque totale de l'industrie du divertissement. Sara, cinquante ans, est une créatrice de « cimqa » et enchaîne les contrats, avec une liberté créative très réduite. Malgré le soutien de sa compagne Eva, l'anxiété et le burn-out la gagnent…

Évidemment, l'on se demande quel est le lien entre Sarah et Sara, mis à part leurs prénoms et leur aptitude à utiliser la cinquième dimension… Est-ce la même personne à deux moments de sa vie? Des doubles parallèles dont les univers sont reliés par la cinquième dimension? Même si vous devinez ce qu'il en est vraiment avant la fin (ce qui a été mon cas), ça n'en reste pas moins élégant. Certains éléments restent toutefois nébuleux, à moins que j'aie raté quelque chose

Difficile de rater la critique de l'industrie cinématographique, ainsi que de l'exaspérant penchant du capitalisme à s'approprier les plus belles innovations pour en faire de la bouillie pour chats, des machines à broyer les individus ou des armes de destruction massive. À l'ère des franchises, l'industrialisation de la cimqa rappelle fortement le modèle hollywoodien et notamment Marvel (qui est d'ailleurs quasi-explicitement cité). Mais on pourrait sans doute étendre cette critique à d'autres industries du divertissement populaire, toutes celles considérées comme des usines à saucisses montées pour les actionnaires plutôt que comme de l'art…

Les protagonistes sont touchantes, j'ai beaucoup aimé suivre l'évolution de Sarah et Sara ainsi que de leurs compagnes respectives. À la lecture, les dialogues entre Sara et Eva m'ont d'abord paru poussifs, mais quelques semaines plus tard, leur relation tout en écoute, empathie et compromis divers me reste bien en tête, donc j'en conclus que l'autrice a réussi à toucher quelque chose. La relation entre la jeune Sarah et sa mère aussi m'a parue très réussie, à mille lieues des clichés habituels.

L'ensemble est plutôt bien écrit malgré quelques tics d'écriture qui m'ont fait sourciller (« la technicienne », « la charpentière »…). Je suis aussi perplexe de constater que l'autrice a situé l'action en Angleterre : savoir que les personnages parlent en anglais version originale, ça fiche un peu par terre le jeu de mots du titre et toute la conversation qui y mène.

Mais somme toute, j'ai passé un très chouette moment avec Cimqa. Au point que j'en viens à me dire que même les thèmes les plus éculés peuvent encore être traités d'une manière originale, intéressante et émouvante.
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« … les histoires peuvent devenir vraies. Il suffit de les imaginer assez fort. C'est pas compliqué. »

Après avoir lu et aimé l'univers d'« after® », lauréat du prix Utopiales en 2021, c'est avec beaucoup de curiosité que j'ai accepté de lire le nouveau roman d'Auriane Velten. Je ne peux que remercier très chaleureusement les éditions Mnémos pour leur envoi et leur confiance.

La grande force de cette autrice, c'est ce lacis entre un univers imaginaire déroutant mais parfaitement maîtrisé et une écriture plutôt intimiste, loin des romans classiques de science-fiction.
Ici, l'autrice propose à ses lecteurs un superbe voyage, mais pas de ceux qui, vertigineux, nous font quitter la Terre pour partir à la recherche d'une nouvelle terre d'accueil. C'est une autre forme de voyage qu'elle nous offre, un cheminement dans les replis de nos rêves, dans les pliures du temps, dans les limites toujours repoussées de notre imagination et les possibilités insoupçonnées de notre créativité, de notre sensibilité.

C'est donc un récit plutôt doux, à la limite du contemplatif, avec cette question qui affleure à sa surface des mots : et si l'imagination, les rêves avaient le pouvoir de changer le cours du temps ?

*
Dès les premières pages, le décor est planté.
Le roman met en scène un monde futuriste aux contours très réalistes : il pourrait ressemblait au notre si des objets et des créatures imaginaires n'apparaissaient pendant quelques secondes, sortis de nulle part, ou si, mais je vous laisse le découvrir.

L'histoire commence étrangement : une adolescente, Sarah, et sa mère se réveillent, atteintes toutes les deux, de perte d'équilibre et d'un rétrécissement de la vision périphérique créant la sensation d'un effet tunnel. Il s'avère qu'elles ne sont pas les seules à présenter les mêmes troubles, tous les humains semblent avoir été impactées par ce phénomène au même moment.
Après plusieurs jours, l'effet s'estompe puis disparaît et la vie quotidienne reprend normalement. Néanmoins, des individus sont frappés par de curieuses hallucinations collectives au cours desquelles la fiction devient réalité.

En effet, à la suite de cet évènement appelé le Repli, le monde semble en apparence intact mais il a subi en vérité de profondes mutations : les frontières de l'imagination et de la réalité se sont brisées. Pour des raisons inconnues, certaines personnes comme Sarah, ont développé des aptitudes qui leur permettent de comprendre ce Repli, l'exploiter pour faire apparaître des créatures et des objets de la vie courante, réels ou nés de l'imagination.
On est ici très clairement dans un récit de science-fiction, mais Auriane Velten y incruste des pointes de fantastique, deux univers qui m'ont toujours séduite. Ainsi, la jeune fille a trouvé la clé qui ouvre les portes du « Pays imaginaire », faisant apparaître au gré de ses envies, la petite fée Clochette, la panthère Bagheera, les dragons ou les lutins qui peuplent son imaginaire d'enfant.

« Elle ouvre grand le monde des créatures. Pour les laisser entrer, nombreuses et longtemps. Après, il n'y a qu'à relâcher, cesser d'y penser et tout revient en place. Automatiquement, comme le portail de l'école qui se referme quand plus rien ne le retient.
Sarah rouvre les yeux avec un demi-sourire. Elle sait qu'elle a imaginé de la bonne manière. Elle a su, dans une certitude absolue et éphémère, que la vérité vraie était ainsi. »

En parallèle, nous suivons une cinquantenaire vivant à Londres.
Sara travaille comme technicienne Cimqa dans une grande entreprise du divertissement et réalise des grandes productions cinématographiques, des spectacles et des publicités. Elle utilise son imagination et ses capacités de concentration pour réaliser des décors et des créatures qu'elle rend « vivant » un court moment.
C'est une femme passionnée qui s'investit corps et âme dans ce travail, elle y sacrifie sa vie intime et sa santé mentale. Elle est fragile, anxieuse, particulièrement stressée, mais également opiniâtre, volontaire, voulant faire de ses rêves et de ses désirs une réalité.

« Elle s'efforce de croire que les rêves sont inoffensifs. »

J'ai aimé ce personnage, sa vulnérabilité, sa force, la poésie de son imaginaire, la fantaisie de ses créations.

*
Le texte, construit sur l'alternance de ces deux voix, est particulièrement réussi, entretenant le suspense et le mystère autour des personnages.

Piquée par l'énigme autour de l'identité de ces deux personnages au prénom quasi-identique, j'ai été également happée par cette ambiance singulière où tout n'est pas dit, où l'autrice prend garde à nous laisser dans le flou jusqu'aux toutes dernières pages. J'ai bien senti que quelque chose me dépassait, que j'étais proche de trouver une explication simple et logique pour clarifier les liens étroits entre les deux personnages féminins dont les pouvoirs étaient identiques, pour mettre du sens à cette sensation bizarre d'être dans deux mondes ou deux époques différents.

J'ai également aimé me heurter à cette réalité perméable à l'imaginaire, l'explorer et redessiner ses nouveaux contours. Les deux points de vue, celui émerveillé et candide de l'adolescente qui donne vie à ses rêves, celui de l'adulte étouffé et entravé dans sa liberté artistique, se complètent à merveille.

Et puis, cet univers qui paraît doux et merveilleux au départ se teinte de nuances de plus en plus sombres au fil du texte pour laisser au final des effluves doux-amers.

*
« Cimqa » est un roman de science-fiction qui a des résonances avec ce que vit notre monde aujourd'hui. Dans ce monde bouleversé par l'ouverture d'un portail qui laisse les rêves, la magie et l'imaginaire se matérialiser, Auriane Velten explore l'art, la démarche artistique et idéologique, la liberté de création et d'expression, le pouvoir de l'imagination, le bien-être et l'épanouissement dans son travail.
L'autrice aborde aussi, de manière très délicate et subtile, des thématiques plus intimes, notamment les traumatismes de l'enfance, l'adolescence et la fin de l'innocence, les questions liées au genre et à la sexualité.

Par une satire sociale et politique pleine de clairvoyance et de justesse, elle nous parle des maux qui affligent le monde d'aujourd'hui : ceux de nos sociétés capitalistes contemporaines qui, tournée vers le profit, en oublie l'humain ; ceux de l'art détourné de sa vocation première pour devenir un outil de pouvoir, d'oppression, d'asservissement.

*
Pour conclure, j'ai pris plaisir à lire ce roman au charme singulier, les personnages sont attachants et touchants de sincérité, l'univers imaginé par Auriane Velten est incroyablement bien pensé avec des notes poétiques piquetées d'ombres.

A découvrir pour ceux qui aiment les romans de l'imaginaire et veulent découvrir une nouvelle voix particulièrement originale.
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Il était une fois… une ouverture dans le monde, un gauchissement d'une porte qu'on ignorait et qui permet d'accéder à une autre dimension. Comme si, d'un coup, sans raison apparente, la largeur avait été raccourcie. Ainsi, certaines personnes se trouveraient capable de faire apparaître, dans notre monde de tous les jours, des êtres issus de leur imagination, même la plus folle, la plus débridée. Quelles possibilités ? Quelles conséquences ?

Dans les premières pages du roman, le monde tel que nous le connaissons subit un bouleversement terrible. Les gens ne peuvent même plus marcher, car ils sont déséquilibrés. On comprend rapidement qu'une dimension a été modifiée. La largeur n'a plus la même taille. du coup, toutes les perceptions sont modifiées. Mais après quelques jours, les femmes et les hommes s'habituent et tout revient à la normale. Enfin, pas tout à fait. Car Sarah, et d'autres, parviennent à donner vie, pendant onze secondes au maximum, à des créatures totalement imaginaires : dragons, fées, tous ces êtres qui peuplent les esprits des enfants (et des adultes) prennent vie, brièvement, devant les yeux médusés de leur entourage. Ce beau conte de fée peut-il rester dans le domaine du merveilleux ? Quand les adultes et les sociétés vont s'en emparer, que restera-t-il ?

En effet, Cimqa est un roman sur l'enfance, ses rêves, ses espérances et ce que le monde adulte, les sociétés corsetées en font. Une histoire qui veut tenter de croire, encore, à l'émerveillement de la jeunesse face aux compromissions, aux haines, aux bassesses des grands. le récit suit les pas de Sarah et d'Ada, deux jeunes filles capables de créer des personnages saisissants. Deux jeunes filles qui ont totalement intégré les possibilités de cette nouvelle dimension, la Cinquième, qu'elles préfèrent appeler entre elles le « Pays ». Là encore, on sent bien qu'on est dans l'univers des contes, au pays merveilleux où tout est possible, où seule l'imagination imprime ses limites. C'est à dire aucune, car, surtout à cette âge, elle est débridée, fantasque, infinie.

Mais, comme je l'écrivais plus haut, Cimqa est le récit d'une lutte entre deux visions du monde. On le découvre tout au long de l'histoire de Sarah et d'Ada. Mais aussi en lisant l'axe parallèle. Car un chapitre sur deux nous projette dans un monde : de « Là-bas (Ici) », on passe à « Ici (Là-bas) ». Ce dernier semble être l'avenir, mais on n'en est pas sûr, du moins au début. D'ailleurs le lien entre les deux histoires ne se montrera de façon certaine que sur la fin du roman (même si, bien évidemment, de nombreux indices – voire des faux – parsèment les pages et font sens au fur et à mesure). Sara (sans « h ») et Eva forment un couple solide malgré les différences énormes de passions entre elles : la première vit du et pour le cimqa, le spectacle vivant modelé grâce à l'imagination des artistes. C'est devenu une industrie de masse, avec gros budgets et obligation de réussite. La seconde est ouvrière, solide, syndicaliste engagée dans la lutte contre les inégalités. La première ne s'intéresse que peu aux réalités sociétales, vivant dans son monde imaginaire. La seconde a comme une phobie du cimqa : elle peut paniquer devant certaines apparitions et s'en tient donc éloigné. Par des concessions et beaucoup d'empathie et d'amour, elles vivent bien.

Cependant, tout n'est pas rose. Ici, la découverte de Sarah est devenue monnaie courante. Mais elle est contrôlée par les autorités. On ne peut, sauf à de rares occasions, petits moments de liberté, exposer en public ses créations. Si on veut vraiment créer pour les autres, il faut travailler pour une société de cimqa et participer à de grands spectacles. le cinéma en vraies 3D. Magique, non ? Sauf que des limites sont imposées aux créateurs. Ils ne peuvent imaginer exactement ce qu'ils veulent. Les goûts présumés des spectateurs, formatés à base de sondage, prévalent sur l'originalité. Et tout cela devient une soupe homogène, sans accroc. Tout le côté rugueux, poil à gratter de certaines idées doit disparaître. Tout ce qui ne correspond pas çà la norme doit s'effacer. Des critiques que l'on peut appliquer à la production publique audiovisuelle actuelle qui n'ose pas souvent et flatte dans le sens du poil un public présumé amorphe et hésitant devant le moindre changement. Et tout cela mine Sara, qui ne supporte plus ce carcan.

Comment Auriane Velten parvient-elle à lier ces deux trames ? Pour le savoir, une seule solution, se plonger dans ce roman prenant, qui sait nous ramener en enfance sans nous prendre pour des gosses. Qui sait jouer avec nos rêves tout en nous faisant réfléchir au monde dans lequel nous vivons. Une belle histoire aux doux accents de rêves enfantins qui tentent de jouer leur mélodie dans la partition plus normée des adultes.
Lien : https://lenocherdeslivres.wo..
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critiques presse (2)
Syfantasy
03 novembre 2023
Ce que propose "Cimqa", c'est de mettre en dualité l'émerveillement enfantin des histoires qu'on s'inventait avec un rien face à l'assèchement de l'imaginaire par la surproduction culturelle.
Lire la critique sur le site : Syfantasy
Actualitte
31 octobre 2023
"CIMQA" est un roman de science-fiction à part. Plutôt que le sensationnel, c’est l’intime qui prime. […] Sous la plume de Auriane Velten, ce récit, à la limite du voyage spirituel, résonne avec beaucoup de force. C’est beau, c’est intelligent – et, surtout, c’est nécessaire.
Lire la critique sur le site : Actualitte
Citations et extraits (3) Ajouter une citation
Quelqu'un crie dans le rêve de Sarah.
Ensuite, elle est dans sa chambre.
Les aiguilles du réveil pointent "en bas, en bas", et Sarah sait que cela veut dire qu'elle doit rester encore un peu au lit. Cela signifie aussi que maman vient de se lever et d'allumer la bouilloire. L'eau est toujours chaude pile au moment où elle finit de se maquiller. Quand elle vient réveiller Sarah, elle sent bon le parfum et est déjà prête pour le travail, sauf qu'elle a encore ses chaussons-lapins roses, parce que les chaussures à talons, celles qui "font un peu mal au pied, ma chérie", attendent le dernier moment, sur le paillasson de l'entrée.
(Incipit)
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Elle avait envie de hurler : survivre ne me suffit pas ! Parque qu'elle ne supportait plus ce corset de la peur. Elle se sentait limitée, obligée, détournée. Elle ne voulait plus avoir à penser à l'argent, et à sa retraite, et aux prédictions, et aux chiffres de vente. Elle ne supportait plus de devoir. Elle avait besoin de pouvoir. Et de créer.
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ça ne va pas du tout lâche alors Sara.
La façon dont tout cela fonctionne n'a aucun sens ; on a la possibilité de tout créer, tout montrer ; et on hésite, on soupèse, on compte les spectateurs, et les ro-livres ; on me dit que mes idées vont choquer, qu'on va perdre du public, qu'il faut parler à tous, offrir du divertissement, ne pas être trop clivant, ne pas être trop politique, ne pas être trop effrayant, ne pas être trop abstrait, ne pas être... ne pas être... Eva, je n'aime pas ce que je fais !
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Videos de Auriane Velten (3) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Auriane Velten
Une longue discussion autour du roman Cimqa, d'Auriane Velten, par la Garde de Nuit.
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