Les Français ont joué, en 2012, 37 milliards d’euros. C’est plus que l’ensemble du montant du RSA, de la prime pour l’emploi et des aides au logement. C’est le même ordre de grandeur que l’ensemble des allocations familiales. 37 milliards d’euros, c’est juste une somme folle. Une somme en croissance vertigineuse : 21 milliards en 2009, 26 milliards en 2010, 31 milliards en 2011 !
Quel rapport avec la pauvreté ? Il est évident. Les pauvres sont ceux qui jouent le plus, qui dépensent le plus. Les plus riches n’ont pas besoin de se raccrocher à des rêves de gains. Les joueurs compulsifs ou excessifs sont dans leur grande majorité des personnes qui ont des revenus faibles. Une intéressante étude de l’Observatoire français des drogues et des toxicomanies met bien en évidence ce phénomène qui est d’ailleurs cohérent avec le sentiment intuitif que l’on peut avoir : 78 % des joueurs excessifs ont un revenu inférieur à 1 100 euros par mois.
Nous nous drapons dans nos grands principes et dans notre conviction que nous avons le meilleur système au monde et que nous sommes les champions de la solidarité, mais préférons la solidarité théorique, formelle et coûteuse à la solidarité pratique et réelle.
Cela fait longtemps que le meilleur remboursement de l’optique (comme des soins dentaires d’ailleurs) figure dans les catalogues des engagements électoraux au chapitre des promesses jamais respectées.
Rappelons que la France détient le record mondial de la part de sa richesse nationale consacrée aux dépenses sociales, avec un tiers de ses dépenses. Elle ne détient pas pour autant le record de la pauvreté la plus faible.
L’argent existe : il suffirait d’aller le chercher là où il est : dans la poche des riches, dans les paradis fiscaux, dans les profits des grandes multinationales.
Il est, en effet, toujours choquant de lire ou d’entendre que le montant total des profits du CAC 40 a atteint près de 100 milliards d’euros, que les cinquante plus grandes fortunes de France représentent, à elles seules, près de 200 milliards d’euros, que l’évasion fiscale s’élève probablement à plusieurs centaines de milliards d’euros et que, pour autant, on ne trouverait pas les sommes nécessaires pour les plus pauvres. Rentrer dans une logique où l’on accepte l’idée qu’on ne peut pas consacrer plus d’argent à la pauvreté, n’est-ce pas accepter les inégalités telles qu’elles sont ? La richesse insolente telle qu’elle s’expose ? Les rapports de domination sociale tels qu’ils sont établis ? Les rentes telles qu’elles sont confisquées ? Bref, le libéralisme et le capitalisme dans ce qu’il a de plus critiquable ?
Une phrase qu’aimait à me répéter l’abbé Pierre me revient souvent à l’esprit : «Dans une démocratie, les pauvres souffrent à la fois d’être trop nombreux et d’être minoritaires. »