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Critique de Khiad


Je voudrais tout d'abord commencer par remercier la Masse Critique Babelio ainsi que les Éditions Max Milo pour l'envoi de ce livre.

Concernant la couverture, elle est minimaliste, mais elle représente bien le thème de ce livre, avec l'enfant objet, qui souffre, au milieu de ses parents.

Concernant la plume, je l'ai trouvée à la fois fluide et agréable, mais aussi brute et sans fard. Elle ne cherche pas à en rajouter pour attirer la compassion, sans non plus enjoliver la vérité. Elle raconte les faits, simplement. Des faits horribles, surtout pour une enfant, mais des faits tout de même.

J'ai apprécié la façon dont sont agencés les chapitres. On commence toujours par une citation tout à fait appropriée, puis un petit moment du présent de Marie-Claire, que ce soit ses réveils difficiles, ses problèmes de santé dus à son enfance, ses questions, l'association d'aide aux familles victimes de rapts parentaux qu'elle a fondé (ThéraVie ARP-APA anti-RPicide), des chiffres sur les rapts parentaux... Puis, elle nous plonge inexorablement dans son passé, cette plaie qui n'arrive toujours pas à cicatriser complètement malgré les années écoulées...

Le début de la vie de Marie-Claire la prédestinait déjà à la difficulté. Lorsqu'elle tombe enceinte sa mère, Annie, a seize ans et son père, Hacène, en a vingt-huit. Elle est française, mise à la porte par ses parents et ne veut pas garder cet enfant ; lui est algérien, rêveur, sans travail et incarcéré pour détournement de mineure. Pourtant, lorsqu'il sort, il est heureux d'avoir sa petite famille et fait ce qu'il peut pour améliorer leur vie.

Là où cela commence à déraper, c'est quand il repart en Algérie pour annoncer la nouvelle à sa famille. Lorsqu'il revient, son meilleur ami, Mouloud, a pris sa place dans le lit de sa copine. Il repart au bled, détruit et ne n'en relèvera jamais.

À partir de là, la vie ne sera pas de tout repos pour la petite fille. Dès le départ, on sent que sa mère ne l'aime pas, qu'elle la juge responsable du fait qu'elle n'ait pas pu faire d'études (on tiendra pas compte du fait que c'est elle qui a eu un rapport sexuel non protégé...). Sans domicile, ils vivent à bord d'une fourgonnette. L'alcool et la drogue s'invitent dans leur quotidien, la violence aussi, ainsi que deux autres petites filles (Fleur et Rose, qui ne seront jamais battues). Marie-Claire passera un an chez sa tante maternelle. Il y aura quelques allers retours en Algérie également.

Ils finissent par s'installer à Mauguio et la violence faite à Marie-Claire augmente encore d'un cran. C'est même insoutenable à lire. Aucun enfant ne devrait connaître ça. D'autant plus que c'est une petite fille gentille et sage qui ne fait pas de vagues. le pire, c'est que les voisins et les enseignants sont au courant, mais qu'ils ne font rien. La police et la DDASS s'en mêlent bien à un moment, mais elles sont finalement rendues à leur famille... Vive la justice !

C'est là, en 1985, qu'Annie laisse Mouloud emmener la petite fille de dix ans en Algérie, alors qu'il n'a aucun droit sur elle, alors que cette dernière supplie le douanier de ne pas le laisser l'emmener... Elle finit par arriver dans la famille de son père. Elle n'en repartira pas avant ses vingt ans...

Dans cette grande maison, avec cette famille riche, tout empire encore. Si sa grand-mère Yemma éprouve de l'affection pour elle, c'est malheureusement son oncle Noury qui devient son tuteur légal : un homme méchant, violent et radicalisé. En tant que membre de cette famille, il la dit musulmane lui impose l'islam. Marie-Claire va donc devoir se voiler, faire le ramadan, aller à la mosquée, ne plus écouter de musique, ne plus parler aux garçons... En bref, elle n'a plus le droit de rien faire. Elle n'a plus de droits tout court. Et c'est sans compter les humiliations, la violence omniprésente, la séquestration ainsi que les attouchements auxquels elle devra faire face dix ans durant... N'oublions pas non plus le contexte tendu en Algérie et les exactions ainsi que les meurtres que commettent les extrémistes...

Comment pouvoir mettre des mots justes sur cette lecture ? Comment la classer dans la catégorie "J'ai adoré" alors qu'elle a vécu l'Enfer (la majuscule est amplement à sa place) ? Cela fait vraiment la grosse perverse qui s'est délectée du malheur d'autrui... Alors qu'en fait, c'est plus une question de ressenti et d'émotions. Et des émotions j'en ai eu ! Plus que je n'aurais pu imaginer. J'ai ressenti des frissons d'horreur pour elle, et en tant que mère en imaginant mes gremlins dans sa situation. J'admire aussi sa force et son courage, que ce soit passé aussi bien que présent. Parce qu'elle s'est relevée malgré les difficultés et qu'elle n'a jamais abandonné l'idée de s'échapper et de retrouver sa liberté. Parce qu'aujourd'hui, elle se bat encore pour sortir la tête de l'eau. Parce qu'aujourd'hui, elle aide les familles qui sont dans la situation dans laquelle elle-même s'est trouvée.

J'ai ressenti certains moments de soulagement, profitant avec Marie-Claire des quelques moments de répit vécus avec les alliés qu'elle a pu se faire, que ce soit sa tante maternelle lorsqu'elle était petite, Yemma (même si tout n'était pas rose non plus), Khalid et Khalida, son père, une partie de sa famille en Tunisie, le père de Mouloud, Françoise...

Concernant la fin, j'ai énormément apprécié le fait que l'auteure termine par une lettre à ses parents. C'est vrai que lorsqu'il n'y a pas ou plus de dialogue, une lettre est le meilleur moyen d'exprimer ce que l'on a à dire, que la lettre soit lue ou non.

En résumé, c'est une lecture qui a été très dure, parce que le traitement infligé à Marie-Claire est inhumain, que ce soit par sa mère Annie ou par sa famille paternelle en Algérie. Mais c'est aussi un témoignage poignant, d'une jeune fille qui n'a jamais voulu se soumettre, d'une femme qui continue de se battre contre les fantômes de son passé, contre ses séquelles, mais aussi pour l'avenir des parents et des enfants victimes de la même situation que la sienne. Une belle preuve de courage et de vaillance. Je ne peux que lui souhaiter le meilleur pour les années à venir, elle le mérite.
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