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Critique de EvlyneLeraut


« J'ai dans les bottes des montagnes de questions,
Où subsiste encore ton écho,
Où subsiste encore ton écho… »
« La nuit je mens » Alain Bashung & Sébastien Vidal.
Étreindre « Ça restera comme une lumière » en regard d'une veillée au coin du feu, flammes littéraires.
« Ici, dans cette campagne, on aimait bien laisser venir. »
Josselin est de retour du Mali où il a perdu son meilleur ami, Erwan, lui-même : un oeil suite à une attaque assassine. Cabossé, choqué, il est en proie aux terreurs. le sol s'enfonce sous ses pas, il ne reconnait plus le chemin, s'égare dans ses angoisses, glisse dans l'abîme. Cet être de dualité vêtue cherche l'issue de rédemption dans un entre-monde apaisant en Corrèze. Région boisée, isolée, généreuse, dont la fraternité est la pierre angulaire de l'hospitalité. Ce sera dans ce récit les pages apaisantes d'un plausible retour à la vie pour Josselin. Dans ce diapason où la nature est en communion avec ses hôtes. On aime à imaginer la solitude qui s'épanche sur les forêts, les doutes qui s'éloignent incommensurablement. Mais voilà, les autres pages enclenchent le versant sombre. Josselin va tomber dans le piège des relents de familles qui s'entredéchirent depuis plusieurs générations.
« Les villes de province cachaient très bien leur jeu… ainsi que les personnages importants qui y vivaient. »
Josselin est accueilli un soir d'infortune par Henri, un artiste ferronnier d'un âge certain, portant sur ses épaules le poids générationnel des rancoeurs. La lumière s'éteint. Et pourtant, on est bien dans ce récit captivant : l'amitié entre ces deux hommes qui vont sceller l'entraide, la compassion, le déroulé des paroles certifiées. Josselin va être pris de plein fouet dans un magma de turbulences. Henri par des être vifs, assoiffés de pouvoir, d'argent. Henri est lié à ces derniers par un drame insurmontable : le décès de sa femme. Les évènements vont s'amplifier, crescendo irréversible. Josselin va oeuvrer au champ des possibles. Lui, le militaire, le manichéen, il va lancer les dés. Et pourtant Missoulat devait être le temps des retrouvailles avec ses amis, dont Emma, tous connus lors d'un été d'adolescence.
« Missoulat. Un peu moins de dix mille habitants, et, comme dans toutes les villes, l'envers du décor qui n'avait pas grand-chose à voir avec l'image officielle. La beauté du paysage au-dessus, la laideur des âmes en dessous. »
Au coeur de cette ville, l'usine de Charles Thévenet, et « les pires défauts humains. »
Henri apprend à Josselin à forger, transmettre, le liant est ferveur.
« -Tu le sauras. C'est un sentiment étrange, la conviction de détenir un secret, un savoir-faire. Quand la technique devient un morceau de toi, tu as gagné, c'est gravé à vie. -Je trouve ça passionnant. -Oui, si tu as la flamme, c'est une vie, géniale. »
Notre regard glisse d'une rive à l'autre. On aime cette osmose entre Josselin et Henri. Cette tendresse pudique, la franchise des attitudes. Josselin et sa part d'ombre, son ami Erwarn à qui il écrit en secret sur son journal intime. On est sur le seuil des métamorphoses. Les sentiers d'une Corrèze assignée aux douleurs. Épreuves nécessaires, abolir le mal.
« Ils se regardèrent un instant, plongés dans le silence et debout comme les hommes qu'ils étaient, avec leurs défauts et leurs qualités, avec leurs angles morts et leurs coins sombres. »
Ce récit parchemin est tremblant d'humanité.
« Ça restera comme une lumière, qui m'tiendra chaud dans mes hivers, un petit feu de toi, qui s'éteint pas. »
Missoulat, ses hommes de luttes et de foi, de violences intestines. Avant tout prenez soin de la profondeur d'une histoire dont les degrés sont des sculptures façonnées avec art. Renaître après les tempêtes et les bris de glace. Une lecture volontaire, de rédemption, magistrale. « Ça restera comme une lumière » est poignant, magnétique, rebelle et bleu-nuit. Publié par les majeures Éditions le Mot et le Reste.




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