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Critique de kedrik


kedrik
07 septembre 2011
Attention, ce billet ne parle ni du film de Pitof où Depardieu fait de la capoeira contre un alchimiste ni des séries télévisées avec ou sans Pierre Brasseur.

Vidocq, le bagnard devenu chef de la Brigade de Sûreté. Un mythe. Il a été aussi le précurseur des Pinkerton américains en montant une organisation d'agents privés plus efficace que la police française. Et à l'époque de Vidocq, on raconte tellement d'énormités sur ce personnage qu'il s'attèle à ses mémoires à la fin de sa carrière pour dire ses quatre vérités à l'opinion publique. Sauf que plusieurs teinturiers (le mot de l'époque pour notre "nègre" si détestable) vont mousser la biographie du monsieur pour la rendre plus vendable.

Qu'on se le dise, Vidocq est un bagnard, certes, mais c'est un homme épris de liberté. Jeune homme un peu impulsif ayant le duel un peu facile, il fait une brève carrière dans l'armée puis tombe entre les mains de la justice pour des petits délits qui vont entacher durablement sa réputation. Et quand en plus on l'accuse d'un crime imaginaire, il voit rouge et n'a plus qu'une idée en tête : s'évader coûte que coûte. Aussi durant les 300 premières pages de ces mémoires, le lecteur va-t-il enchaîner les évasions rocambolesques de Vidocq. Cent fois il prend la clef des champs mais cent fois les gendarmes lui remettent le grappin dessus. Il a beau multiplier les astuces, reprendre une vie honnête sous un faux-nom, se tenir éloigner des escarpes, rien n'y fait : on finit toujours par le rattraper et le remettre au violon pour purger une peine qu'il ne mérite pas.

La description des évasions est par moment très aventureuse tant Vidocq a de la suite dans les idées quand il s'agit de prendre la poudre d'escampette, mais le lecteur se fatigue de 300 pages où l'homme fait le va-et-vient entre la prison et l'errance. Car à part raconter ses échappées (parfois très audacieuses), l'homme passe le reste du texte à expliquer au lecteur à quel point il est un honnête homme obligé de côtoyer des crapules par la force des choses. Ça en devient même risible de lire Vidocq se justifier à longueur de pages sur sa vie de banditisme forcé. Pour un peu, on plaindrait cet homme obligé de vivre de larcins et d'entourloupes.

Et puis au bout de 300 pages, il trahit son monde et devient une balance pour la police. Il faut lui reconnaître un certain doigté dans l'arrivisme et le retournage de veste. À partir de là, sa connaissance du milieu et de méthodes de travail des turbineurs de l'arnaque et du crime vont lui permettre une ascension fulgurante dans les rangs des condés. Puis il fondera une compagnie de renseignements commerciaux (qui a dit espionnage industriel ?). Mais ça, le lecteur que je suis n'a pas eu le courage de le lire jusqu'au bout tant la moralité du personnage m'a débecté.

Qu'on s'entende bien, je me méfie autant des argousins que des coupe-jarrets. Aucun des deux camps ne peut prétendre pour moi avoir plus d'honneur que l'autre. Mais lire les justifications morales de Vidocq à la lourdeur pataude est assez agaçant pour l'intelligence. Car on ne me fera pas croire qu'il est aussi innocent qu'il le prétend. J'ai eu l'impression (peut être erronée) qu'il réécrivait sans cesse sa biographie pour justifier son parcours cahoteux. Vidocq a tellement été un précurseur à son époque que j'ai eu l'impression de lire le travail d'un relationniste. Et disons que je ne porte pas ce genre d'artifice dans mon coeur.

Reste un livre qui parle de la dure vie du mitard, de l'incertitude de la vie du malandrin. Vidocq et les plumes qui améliorent sa biographie racontent des choses épatantes sur des méfaits et des arnaques que ne renierait pas un Locke Lamora. D'ailleurs, le livre se termine sur un très intéressant dictionnaire du monde des malfrats. Mais de là à glorifier un Judas et à en faire le parangon d'une justice aussi crapoteuse que la lie de la rue qu'elle combat, c'est quelque chose que je me refuse à faire.

Au final, ce Vidocq par Vidocq ne me convainc pas. La France a tendance à faire de ses crapules des héros à révérer comme quand elle glorifie Mesrine. Et je n'aime pas quand on cherche à me faire poser un genou en terre devant un salaud lumineux (pour reprendre l'expression de Vergès).
Lien : http://hu-mu.blogspot.com/20..
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