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Critique de JosyMP


En lui seul, le titre de ce roman porte les accents mélancoliques qu'on sentira vibrer tout au long du récit. Mélancolie qui, chez les Tsiganes, les Rom, les Manouches fait bon ménage avec une soif de vivre chevillée au corps par des siècles de persécutions et de rejets quel que soit le point cardinal où l'on pointe le regard. Mélancolie des violons, musique omniprésente qui transmet mieux que les mots la culture et la profondeur des sentiments d'un peuple fier et fidèle à ses traditions.

La puissance de ce roman s'annonce dès l'incipit. Magistral, il est à la mesure d'une écriture qui frappe aussi fort qu'une pluie d'orage. le décor est posé, sans concession, sans flonflons, sans l'hypocrisie ni la frilosité qu'on retrouve si souvent quand il s'agit d'aborder, romancée ou pas, la question des différences, de l'exclusion, du déplacement des peuples et de leur rejet.
Laurence Vilaine fait entrer le lecteur chez les Tsiganes par la voix d'un mort de fraîche date, Miklus, doyen du clan, dont le poids des souvenirs trop lourd à porter impose qu'il s'en déleste. Ce sera auprès de celles et ceux qui tourneront les pages, plus ou moins désorientés comme les gadjé peuvent l'être dans ce monde dur à cuir, dur à mourir mais qui survit, pugnace, entêté, sur la friche des Cigàni, à Supava, sur la mauvaise rive du Danube. Ou comme partout ailleurs.

L'histoire ? A travers celle de l'énigmatique Dilino –l'idiot-, enfant à peau claire et cheveux blonds, qui joue du violon en silence, que les autres malmènent, qui vit à l'écart du clan, c'est celle de ses ascendants qui refait surface. En trame de fond, c'est finalement aussi celle des destins douloureux et tourmentés des Tsiganes du monde entier que l'auteur livre en 173 pages d'un récit émouvant, dérangeant parfois, instructif et captivant toujours.
le talent de l'auteur n'y est pas pour rien. Laurence Vilaine possède un style tout à la fois direct et poétique, riche, vibrant, coloré, dense.
Une très belle et puissante écriture qui signe l'entrée en littérature d'un écrivain dont, je l'espère sincèrement, on entendra parler.

Extraits
… Etions-nous forgerons, vanniers ou rétameurs, nous n'étions attendus nulle part. Retors à éduquer et à blanchir, ils nous ont frotté le dos pour nous emmener propres à la ville : ils ont jeté au feu tout ce qui n'était pas digne de prendre place dans les logements qu'ils nous réservaient et nous rendraient civilisés. Pensaient-ils vraiment que nos différences se consumeraient en un frottement d'allumette ? La vie de plusieurs générations s'est envolée dans la fumée épaisse de nos cabanes en cendres…

… Il me parlait normalement, je veux dire sans ces efforts d'articulation que fournissent parfois certains gadjé qui, quand ils n'aboient pas comme des chiens, croient nécessaire de s'adresser à nous comme à des arriérés ou des étrangers. On dirait qu'ils s'entêtent à ignorer que nous partageons le même pays, et du même coup, ne soupçonnent pas que, pour une fois, peut-être le seul certes, nous avons bien souvent un avantage sur eux qui s'appelle le bilinguisme…

… Nos superstitions nous empêchaient-elles de parler des malheurs, des viols et des morts, ou nous convainquions-nous sottement que le silence les ferait sombrer dans l'oubli ? Nous ne poussions pas si loin l'analyse ; et par habitude surtout, transmise depuis des siècles, nous nous accommodions de l'amertume qui nous collait au palais, en espérant secrètement une saveur sucrée qui la camouflerait, un pis-aller finalement, comme le sirop rouge sans saveur qui enrobe les pommes des fêtes foraines

Lien : http://www.lascavia.com
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